Un policier témoigne : "Avec les Gilets jaunes, on enchaîne les heures supplémentaires sans être payé"
Avec les mobilisations des Gilets jaunes, les heures supplémentaires des forces de l'ordre explosent sans être rémunérées. Des policiers se sont confiés au JDD sur leur état d’esprit à la veille de l'acte 5.
A la fin de l'année 2017, les forces de l'ordre avaient travaillé 21,82 millions d'heures sans rémunération ni jour de récupération, selon un rapport sénatorial publié en juin. Un nombre d'heures qui ne cesse d’augmenter au fil des années - le rapport parle d'un "niveau jamais atteint à ce jour" - sans qu’aucune solution ne soit trouvée pour permettre leurs indemnisations. Début décembre, Eric Ciotti a adressé une lettre au président de la République pour demander le paiement de ces heures avant le 31 décembre.
Dans le courrier, dont les propos ont été rapportés par Nice-Matin , le député Les Républicains des Alpes-Maritimes explique que "le temps de travail impayé a augmenté de 18% depuis 2014". Avec les manifestations des Gilets jaunes et les menaces terroristes, les heures supplémentaires sont de plus en plus régulières pour les forces de l'ordre.
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Un rythme effréné
Le 26 novembre, les forces de l'ordre étaient près de 4.000 à être mobilisés partout en France pour encadrer la manifestation des Gilets jaunes. Une semaine plus tard, le 1er décembre, ils étaient 8.000. "Les heures supplémentaires sont fréquentes dans le contexte actuel. Entre les mobilisations des Gilets jaunes et la menace terroriste nous sommes tout le temps sollicitées. Les week-ends où il y a des manifestations de Gilets jaunes, tous les policiers sont réquisitionnés", indique au JDD, Johann Cavallero, délégué national des CRS au syndicat Alliance.
"Dans ma carrière, j'ai rarement vu autant d'épuisement, on va finir par craquer
"
Olivier* est policier en région parisienne, il a participé au maintien de l'ordre des manifestations de Gilets jaunes depuis la première mobilisation, le 17 novembre : "Les rythmes sont intensifs. En ce moment, nous enchaînons des cadences infernales et même des nuits blanches. C’est très dur, il faut arrêter de penser que nous sommes des machines. Je n'aurai probablement pas un seul week-end de repos avec ma famille en décembre. C’est frustrant, avec les Gilets jaunes, on enchaîne les heures supplémentaires sans être payé."
La lassitude est la même du côté de Frédéric*, policier depuis plus de 30 ans : "Dans ma brigade, l’ambiance est morose. Chaque fin de semaine, on redoute la venue d'un nouvel épisode de violences le samedi. Chaque vendredi soir, on se demande ce qui va nous attendre. Dans ma carrière, j'ai rarement vu autant d'épuisement, on va finir par craquer. Le fait que nos heures supplémentaires ne soient pas rémunérées, c'est un manque de reconnaissance de la part de l'Etat."
Des heures supplémentaires difficiles à récupérer
Dans sa lettre à Emmanuel Macron, Eric Ciotti affirmait : "Le nombre d'heures théoriques moyen par agent concerné s'élève à près de 158 heures, pour un coût moyen par agent proche de 2.000 euros." Pour Denis Jacob, secrétaire général d'Alternative Police-CFDT, la demande de paiement des heures supplémentaires du député d'ici au 31 décembre est "utopique". "Dans le contexte actuel, l'Etat ne peut rembourser autant d'heures impayées, cela correspond à plus de 200 millions d’euros", ajoute-t-il.
En 2002, Le Parisien affirmait que la facture des heures impayées s’élevait à près de 50 millions d'euros. En 15 ans, ce montant a été multiplié par quatre. Et pour Johann Cavallero du syndicat Alliance, cela ne va pas aller en s’arrangeant : "Il est impossible de rattraper ces heures supplémentaires, on ne peut pas poser de jours en ce moment, avec la charge de travail que l'on a."
"Si aucune solution n’est apportée, nous allons faire comme les Gilets jaunes, descendre dans la rue pour montrer notre colère
"
En 2016, Eric Morvan, directeur général de la police nationale (DGPN) s’alarmait de la situation dans un communiqué : "Nous ne pouvons pas continuer à pousser devant nous une boule qui ne cesse de grossir en laissant à ceux qui nous suivront le soin de gérer une situation que nous n'avons pas su maîtriser."
Si le paiement et la récupération de ces heures semblent compromis, Denis Jacob préconise la mise en place d'un "compte épargne retraite pour transformer les heures supplémentaires en trimestre retrait et diminuer le stock d'heures impayées par l'Etat". La situation devient urgente pour le secrétaire général d'Alternative Police-CFDT qui conclut : "Cela participe au malaise de la police. Si aucune solution n’est apportée, nous allons faire comme les Gilets jaunes, c’est-à-dire descendre dans la rue pour montrer notre colère."
* Les prénoms ont été modifiés.
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