CHRONIQUE «À L'HEURE ARABE»

En Jordanie, le mariage des mineures (presque) interdit

A l'heure arabedossier
29 mariages de mineures par jour ont été enregistrés au cours de l’année 2017 dans le pays. Des mariages souvent temporaires, conclus pour des raisons financières.
par Hala Kodmani
publié le 15 décembre 2018 à 16h50

Il aura fallu plus de huit ans au Parlement jordanien pour adopter le nouveau code du statut personnel. C’est chose faite cette semaine avec le vote «définitif» des 328 articles de la nouvelle législation qui concerne essentiellement les droits des femmes. Ses dispositions touchent au divorce, à la garde des enfants, à l’héritage ainsi qu’à l’âge légal du mariage. Ce dernier point est particulièrement scruté par les organisations de la société civile jordanienne et les défenseurs des droits humains.

Selon une étude de l’Institut de solidarité des femmes en Jordanie, 29 mariages de mineures par jour ont été enregistrés au cours de l’année 2017, soit plus d’un par heure. Au cours des cinq dernières années, 52 000 filles de moins de 18 ans ont été mariées, selon les chiffres de l’organisation, et souvent contre leur gré. Dans le même temps, on enregistre en effet 15 divorces de mineures par jour en Jordanie, soit plus de la moitié des mariages conclus. Car ces contrats se font souvent pour des raisons financières et il s’agit de mariages temporaires. Ceux-là se sont multiplié ces dernières années notamment parmi les réfugiés syriens en Jordanie où les familles cèdent leurs filles à des hommes ayant les moyens de payer des dots et qui les prennent pour deuxième ou troisième épouses.

Tout en prévoyant que «le mariage doit être conclu entre deux personnes de 18 ans au moins», la nouvelle loi adoptée cette semaine laisse la porte ouverte à des «exceptions». Des juges peuvent en effet accorder des autorisation de mariage à 16 ans, mais après six mois de fiançailles. Cette dernière disposition ainsi que quelques autres ont fait l'objet d'une demande de précisions présentée par un groupement d'organisations des droits des femmes et de la société civile. La précision réclamée est de prévoir l'exception pour les «plus de 16 ans» et non «au moins 16 ans». Une différence subtile.

La Jordanie est l’un des pays arabes où la législation est la plus avancée en matière de règlementation des mariages de mineures. Dans d’autres pays en effet, le phénomène est beaucoup plus répandu et moins documenté ou surveillé. Il est ainsi en accroissement en Libye ces dernières années, du fait des divisions et de l’absence d’un Etat centralisé. La pratique est courante dans les régions rurales ou désertiques où les mariages informels ne sont pas enregistrés. Un juge de Tripoli cite le cas d’un quinquagénaire qui a épousé 3 mineures en plus de sa première femme. De fausses déclarations et de faux certificats de naissances sont produits pour valider ces mariages, normalement illégaux.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique

Les plus lus