7 articles à lire pour (tenter de) comprendre le mouvement des "gilets jaunes"

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7 articles à lire pour (tenter de) comprendre le mouvement des "gilets jaunes"

A Marseille, le 8 décembre
A Marseille, le 8 décembre
© AFP - Valéry Hache

Sélection d'articles de réflexion et d'analyses qui tentent de cerner un mouvement inédit, difficile à saisir dans ses ressorts comme dans ses modalités.

Depuis l'apparition des premiers "gilets jaunes" sur les ronds points, il y a quelques semaines, des dizaines et des dizaines de textes ont été publiés pour proposer des éclairages historiques, sociologiques, économiques, démographiques, géographiques... Des analyses qui tentent de cerner un mouvement inédit, difficile à saisir dans ses ressorts comme dans ses modalités, et publiées dans les pages débats des quotidiens ( Le Monde, Libération, Le Figaro...) et des hebdomadaires, bien sûr. Mais aussi sur des sites web spécialisés dans les idées ( AOC, la Vie des idées ou The Conversation) et sur les blogs et sites personnels de chercheurs. 

À France Culture comme partout, nous avons beaucoup échangé de textes ces derniers temps, et en voici une courte sélection, forcément partielle, grâce aux suggestions de Raphaël Bourgois (Avis Critique), Sylvain Bourmeau (La Suite dans les idées), Pauline Chanu (Les Matins), Brice Couturier (Le Tour du monde des idées), Vincent Lemerre (délégué aux programmes de France Culture), Chloé Leprince (franceculture.fr) et Antoine Tricot (Du Grain à moudre, qui propose notamment un dossier "Colère jaune"). Autant de réflexions qui ont nourri plusieurs émissions et articles de la chaîne, à retrouver dans un dossier spécial.

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1. “Les Gilets Jaunes, l’économie morale et le pouvoir”, Samuel Hayat

Samuel Hayat est docteur en science politique, chargé de recherche au CNRS. Tout d'abord déconcerté par le mouvement des “gilets jaunes”, dont l’identification des acteurs, des modes d’action et des revendications semble difficile, il recourt aux outils analytiques des sciences sociales et à des exemples historiques pour proposer un examen de la situation, notamment grâce à la notion d’”économie morale”. Il s’attache ainsi à souligner l’unité du mouvement des “gilets jaunes”, son ancrage populaire, mais aussi son aspect au fond conservateur et ses possibles dérives communautaristes et excluantes.

À lire ▶▶▶ Les Gilets Jaunes, l'économie morale et le pouvoir (blog de Samuel Hayat, 5 décembre 2018)

2.  “La couleur des gilets jaunes”, Aurélien Delpirou

Aurélien Delpirou, maître de conférences à l’École d’urbanisme de Paris (université Paris-Est Créteil Val-de-Marne), travaille sur la gouvernance et la territorialisation des politiques de mobilité urbaine durable en Europe. Il s’attache dans cet article à déconstruire des prénotions sociologiques dont il juge qu’elles saturent le débat public et médiatique : non, on ne peut pas résumer le mouvement des "gilets jaunes" à une simple opposition Paris/province ou centres-villes/couronnes périurbaines, ni à une opposition bobos/prolos ou encore France privilégiée/espaces abandonnés.

À lire ▶▶▶ La couleur des gilets jaunes (La Vie des idées, 23 novembre 2018)

A Paris, le 8 décembre 2018
A Paris, le 8 décembre 2018
© AFP - Sameer Al-Doumy

3. “Les Gilets jaunes : une double régression”, Elie Cohen et Gérard Grunberg

Elie Cohen est économiste, et Gérard Grunberg politologue spécialiste de la gauche. Tous deux sont directeurs de recherche émérites au CNRS. Ils considèrent qu’une double régression s’est installée au cœur du débat véhiculé par le mouvement des “gilets jaunes”. D’abord, une régression économique, allant à l’encontre du programme pour lequel Emmanuel Macron avait été élu en mai 2017, et qui reposait sur trois orientations principales de politiques publiques : l’amélioration de la compétitivité, la correction des inégalités ex ante (par l’éducation et la formation) et non ex post (par la fiscalité), et la nécessité de découpler le traitement de la pauvreté de la lutte contre le chômage. La seconde régression serait d’ordre politique, et concernerait aussi bien les “gilets jaunes” eux-mêmes - à qui les auteurs reprochent d’user de la violence révolutionnaire pour exprimer leurs désaccords avec le pouvoir, plutôt que de passer par les urnes -, que la classe politique - irresponsable et lâche dans ses critiques du gouvernement en place - et les journalistes - accusés de jeter de l’huile sur le feu et d’oublier ainsi leur devoir de formation des citoyens.

À lire ▶▶▶ Les Gilets jaunes : une double régression (Telos, 7 décembre)

4. “Les gilets jaunes et les 'leçons de l’histoire'”, Gérard Noiriel

Gérard Noiriel est un historien, directeur d’études à l’EHESS. Spécialiste de l’histoire de l’État-nation et de l’immigration en France, il s’est aussi intéressé durant sa carrière à l’histoire de la classe ouvrière. Réagissant dans cet article au choix du mot “jacquerie” pour désigner le mouvement des “gilets jaunes”, il propose une mise en perspective historique permettant de mettre en lumière les similarités mais aussi les différences entre ce mouvement et les grandes révoltes populaires passées. Il insiste par ailleurs sur la responsabilité des médias - et en particulier des chaînes d’information continue - dans la prise d’ampleur considérable du mouvement.

À lire ▶▶▶ “Les gilets jaunes et les 'leçons de l’histoire'” (blog de Gérard Noiriel, 21 novembre 2018)
À écouter ▶▶▶ Comment naît la violence dans les mouvements sociaux ? (avec Gérard Noiriel, les Matins)

5. “La transformation des colères en politiques est-elle possible ?”, François Dubet

Pour le sociologue François Dubet, directeur d’études à l’EHESS, le mouvement des “gilets jaunes” est le signe et la conséquence d’un passage du régime des classes sociales à un régime des inégalités multiples. Le régime des classes sociales commandait autrefois l’expérience des inégalités, permettait aux individus de s’inscrire dans une histoire collective, désignait des adversaires sociaux clairs et protégeait du sentiment de mépris en fondant la dignité des travailleurs. Mais les mutations du capitalisme ont fait exploser ce régime et ont engendré la crise d’un système de représentation - à la fois représentation de la société elle-même, et représentation politique de cette société. Selon lui, les inégalités sont désormais vécues avant tout comme des expériences singulières, et les sentiments d’injustice dépourvus d’expression politique.  

À lire ▶▶▶ “La transformation des colères en politiques est-elle possible ?” (AOC, 10 décembre 2018)

A Saint-Etienne sur un rond point, le 11 décembre 2018
A Saint-Etienne sur un rond point, le 11 décembre 2018
© AFP - JEAN-PHILIPPE KSIAZEK

6. “La justice, d’abord spatiale”, Jacques Lévy

Pour Jacques Lévy, professeur de géographie et d’urbanisme à l’École polytechnique fédérale de Lausanne, le mouvement politique des “gilets jaunes” confirme que le débat sur la justice se joue aussi sur les réseaux et les territoires. Parti à la rencontre des habitants, il rappelle qu’ils réclament avant tout un droit au même niveau d’éducation partout, une lutte résolue pour éradiquer la pauvreté, et le respect de la règle par tous. La justice est ainsi affaire de spatialité : il ne suffit pas pour qu’elle soit assurée de redistribuer des biens privés, il faut également coproduire les biens publics pour que l’espace permette de coexister.

À lire ▶▶▶ “La justice, d’abord spatiale” (Libération, 6 décembre 2018)
À écouter ▶▶▶ La carte et les territoires de la colère (avec François Dubet et Jacques Lévy, les Matins)

7. “#GiletsJaunes : de l’algorithme des pauvres gens à l’Internet des familles modestes”, Olivier Ertzcheid

Olivier Ertzscheid est un chercheur français en sciences de l’information et de la communication. Partant du constat que Facebook a joué un rôle considérable non seulement dans le relais de la mobilisation des “gilets jaunes”, mais aussi dans la cristallisation de leurs revendications, il propose une analyse de l’utilisation par les “familles modestes” de cette plateforme, et d’Internet de manière plus générale, affirmant ainsi qu’il existe un “usage de classe” du web.

À lire ▶▶▶ “#GiletsJaunes : de l’algorithme des pauvres gens à l’Internet des familles modestes” (Affordance.info, 30 novembre)
À écouter ▶▶▶ Comment les réseaux sociaux agissent sur la parole des "gilets jaunes" ? (avec Olivier Ertzcheid, Signes des temps)