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Oui, les dosettes de café en aluminium sont chères, polluantes et peu recyclées

Une tribune devenue virale ces derniers jours offre un bon résumé des griefs (en partie justifiés) à l’encontre des dosettes de café.

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Publié le 16 décembre 2018 à 14h07, modifié le 16 décembre 2018 à 14h07

Temps de Lecture 7 min.

Les dosettes de café en aluminium connaissent un succès foudroyant depuis une dizaine d’années : elles représentent plus de la moitié du café consommé à domicile par les Français – 80 % d’entre eux sont équipés d’au moins une machine adaptée. Rançon de la gloire, ces capsules sont aussi l’objet de plusieurs controverses, économique, sanitaire et environnementale.

Un texte devenu viral ces derniers temps offre un bon résumé de ces griefs. C’est un texte écrit à la première personne, par une dosette de café en aluminium de la marque Nespresso, qui domine très largement le marché. Partagé des centaines de milliers de fois, sur les réseaux sociaux, mais aussi sur des forums de rugby ou de cuisine, il est parfois attribué à un naturopathe du sud de la France. Contacté, ce dernier dément en être l’auteur. Si l’origine de ce texte demeure obscure, tentons toutefois d’en décortiquer les arguments.

« Je ne suis presque pas recyclé »

Vrai et faux

La question du recyclage concerne avant tout Nespresso et sa maison mère, le géant suisse Nestlé, leader sur le marché grâce à la création d’un univers fermé combinant les machines et les dosettes en aluminium. La majorité des capsules concurrentes sont, elles, en carton et/ou en plastique.

Pour l’aluminium, deux circuits de recyclage existent :

  • les clients de la marque Nespresso sont invités à rapporter en boutique ou dans des points de collecte ad hoc les dosettes utilisées. Selon la marque, une capsule sur cinq est ainsi recyclée via un traitement en Hollande. L’aluminium est séparé du marc de café par un tamis puis refondu ;
  • le deuxième circuit a été mis en place en 2014 avec les collectivités locales et Citeo (anciennement Eco-emballages) et vise à récupérer les déchets en aluminium (dosettes, mais aussi emballages de compotes, plaquettes de médicaments…) en les attirant par un champ magnétique.

Seuls 10 % des quelque deux cents centres de tri en France sont en effet équipés de ces machines « à courants de Foucault » – ce qui concerne 15 % de la population française, selon l’entreprise.

Pour le moment, les capsules sont nettoyées en Allemagne avant d’être fondues un peu partout en Europe

Autre complication, comme une capsule contient d’autres matières (plastique et café notamment), elle ne peut pas être fondue dans un four classique. Pour préserver le métal, il faudrait utiliser la pyrolyse, une technique très coûteuse en énergie. Résultat, pour le moment, les capsules doivent être nettoyées en Allemagne, chez Alunova, avant d’être fondues, un peu partout en Europe.

Afin de recycler vraiment les capsules sur toute la chaîne, il faudrait envisager un schéma passant par quatre pays, expliquait France Télévisions dans un reportage : les Pays-Bas pour les nettoyer, l’Italie pour ôter la laque et les fondre en lingots, l’Allemagne pour transformer les lingots en feuilles, et la Suisse pour transformer à nouveau le métal en capsules.

Quant à la filière hollandaise, elle permet d’utiliser à nouveau l’aluminium grâce à un partenaire local, qui le transforme en vélos ou en canettes, mais le projet de faire des capsules à partir de capsules est encore au stade de la recherche et développement. Reste sinon, pour le consommateur, à opter pour une capsule réutilisable, à remplir soi-même

« Pour 1 tonne d’aluminium, j’offre 4 tonnes de rejets sous forme d’arsenic, de titane, de chrome, de plomb, de vanadium, de mercure »

Imprécis

Il est vrai qu’il faut quatre tonnes de bauxite, un minerai, pour produire une tonne d’aluminium. Les boues rouges, issues du traitement de la bauxite pour faire de l’aluminium, contiennent en effet du titane, de l’oxyde de fer, de l’oxyde d’aluminium, de l’oxyde de silicium (silice), et du chrome et du cadmium à de très faibles concentrations.

Garantie du contrôle des rejets à partir de 2020

Nestlé a annoncé début décembre s’être s’alliée à Rio Tinto, le deuxième groupe minier mondial, pour utiliser des capsules en aluminium certifiées « responsable » à partir de 2020. Cette exploitation (dans des mines de la région Nord-Est de l’Australie), justifie Nespresso, garantira un contrôle des rejets, mais la question des traces de substances toxiques naturellement présentes dans les boues rouges subsistera.

L’entreprise précise que les capsules ne représentent que 0,02 % de la consommation mondiale d’aluminium (le plus gros consommateur étant de très loin les transports). Mais cette production reste sans conteste une activité polluante et très énergivore. D’ailleurs, au-delà de l’aspect environnemental, le recyclage reste un objectif économique pour les fabricants, car ils pourraient réduire le coût des capsules. « Chaque tonne d’aluminium recyclée permet d’économiser 95 % de l’énergie nécessaire à la fabrication de l’aluminium de première fusion », avance ainsi Citeo.

« J’ai aussi le record du plus grand taux de furane », une substance « cancérigène pour le foie »

Trompeur

La tribune contre les dosettes n’y va pas avec le dos de la cuillère, promettant avec les « capsules de café, une dose de cancer à chaque fois ». Tous les types de café, y compris le café moulu classique, contiennent du furane, une molécule naturelle qui apparaît lorsqu’on torréfie la matière première.

Le furane présent dans les dosettes est-il dangereux ? « Pour le furane on admet que la dose maximale admissible est de 2 milligrammes par kilogramme [de masse corporelle et par jour], alors que la consommation de vingt tasses de café préparé à partir de capsules apporterait de 0,03 à 0,038 mg de furane/kg », écrit Maurice Leroy, président de la Fédération française pour les sciences de la chimie.

« Dans cette hypothèse il est plus que probable que le consommateur consultera son cardiologue ou son gastro-entérologue avant de se préoccuper d’une éventuelle intoxication chronique par le furane. »

Six autres métaux recherchés n’ont pas non plus donné de résultats inquiétants

Un calcul confirmé par des toxicologues, et sur d’autres composants des dosettes, comme l’aluminium : avec quatre tasses d’expresso quotidiennes, on ne dépasse pas 0,3 % de la dose hebdomadaire tolérable, selon les analyses de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Six autres métaux recherchés n’ont pas non plus donné de résultats inquiétants, aucun d’entre eux n’exposant à plus de 0,8 % des doses tolérables.

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Enfin, concernant la mousse (« Le pompon, c’est la mousse (…) la recette est secrète : un chouïa de graisse animale, des additifs top secret », clame la tribune), l’entreprise s’inscrit vigoureusement en faux contre cet argument, en s’appuyant sur des certifications et tests d’organismes tiers :

« Nos capsules ne contiennent que du café torréfié et moulu comme indiqué sur les étuis. Elles ne contiennent aucun additif. La seule exception concerne les trois variations aromatisées qui contiennent des arômes naturels (vanille, caramel et chocolat). »

« 4 grammes de café à 0,40 euro, ça nous fait pour 1 000 grammes de café 100 euros »

Plutôt vrai

Si ce calcul est juste, les dosettes Nespresso contiennent en réalité entre 5 à 7 grammes de café et commencent pour certaines à 30 centimes la dosette, ce qui fait un café à une soixantaine d’euros le kilo, ce qui demeure en effet très cher comparé aux cafés classiques.

L’association Familles de France a effectué un comparatif analysant le coût réel d’une consommation de café quotidienne, elle montre que le budget annuel d’un consommateur peut varier du simple au triple, selon la machine utilisée.

En prenant en compte le prix d’une dose de café à l’achat, le prix moyen de la machine à café, l’amortissement du prix de la machine sur une année et le prix de revient d’un café pour chaque consommateur, le café filtre s’en sort avec un budget annuel de 109,5 euros, contre 365 euros pour la machine Nespresso haut de gamme utilisée avec des dosettes de la marque.

« Je prends toutes les origines de café au cours le plus bas du moment »

Impossible à vérifier

L’entreprise affirme travailler avec plus de 70 000 caféiculteurs dans douze pays. « Dans le cadre de notre programme AAA pour une qualité durable, nous assurons la traçabilité jusqu’à la ferme pour plus de 80 % de nos cafés. Nous achetons le café issu de ces fermes 30 à 40 % plus cher que le prix du marché », assure la communication de l’entreprise.

Une affirmation difficile à vérifier dans la mesure où les comptes annuels du géant de l’agroalimentaire suisse ne permettent pas d’atteindre ce niveau de détail. Ce qui paraît probable, en tout cas, c’est que la multinationale ne fasse pas exception à la règle du commerce des matières premières : plus un groupe est important et contrôle de maillons de la chaîne (production, transport, transformation, distribution…), plus il a la capacité d’imposer ses prix.

Une étude publiée en octobre par le Basic (Bureau d’analyse sociétale pour une information citoyenne) montrait que la richesse issue de cette filière reste largement captée par les torréfacteurs et les distributeurs, au détriment des producteurs.

Avec un chiffre d’affaires de 1,074 milliard d’euros, le marché français de la capsule est tonique, mais il est concentré dans les mains de trois acteurs : Nestlé (qui possède les marques Nescafé et Nespresso), Jacobs Douwe Egberts (L’Or, Jacques Vabre, Grand-Mère, Maxwell House…) et Lavazza (Carte noire…). Une concentration qui se retrouve au niveau mondial et explique, en partie, la différence entre les revenus des producteurs et des torréfacteurs.

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