La Goulue, scandaleuse reine du cancan, renaît sur scène 

La police, les bourgeois et même les grands fauves : rien n’effrayait la Goulue. A Paris, un excellent spectacle retrace la vie de cette féministe qui enflammait le Moulin-Rouge.

Publié le 16 décembre 2018 à 15h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 01h11

Sa flamboyante chevelure blond vénitien et son jupon à frous-frous, immortalisés par les pinceaux de Toulouse-Lautrec, son ami, symbolisent à jamais le french cancan. Louise Weber, éprise de liberté comme rarement femme en son temps, n’aura dansé qu’une poignée d’années au Moulin-Rouge. Revisitant à rebours soixante-deux ans d’une vie rocambolesque, c’est à son tempérament, au-delà de sa carrière de danseuse, que Delphine Gustau, auteur, et Delphine Grandsart, comédienne, rendent hommage dans Louise Weber dite la Goulue, une pièce de théâtre musical saisissante par la modernité des sujets dont elle s’empare.

Si la cancaneuse fut souvent présentée à tort comme une demi-mondaine, elle avait davantage le sang d’une révolutionnaire. Abandonnée par sa mère à l’âge de 3 ans, orpheline à 6 lorsque son père, amputé des jambes, meurt de ses blessures de guerre, elle cause son premier scandale en arrivant en tutu le jour de sa première communion, provoquant la révocation du curé. Puis, à 16 ans, elle s’enfuit de chez les religieuses pour aller vivre avec un certain Edmond, avant de traîner dans les bals populaires.

Louise Weber dit La Goulue (1869-1929), danseuse française du Moulin-Rouge.

Louise Weber dit La Goulue (1869-1929), danseuse française du Moulin-Rouge. © Roger-Viollet

“Hé Galles ! Tu paies l’champagne !”

De 1885 à 1889, elle devient actrice-chanteuse au Cirque Fernando, au Moulin de la Galette, à l’Elysée Montmartre, à La Closerie des Lilas et à l’Alcazar. Son tempérament volcanique lui vaut de s’y faire repérer par Charles Zidler, qui l’engage au Moulin-Rouge. A Montmartre, les bourgeois qui s’encanaillent tombent en pâmoison devant cette nature qui danse sans chapeau, fait valser ceux des hommes de la pointe du pied et ose les apostropher de sa gouaille sans égale. Ainsi restera consignée son interpellation du futur roi Edouard VII : « Hé Galles ! Tu paies l’champagne ! C’est toi qui régales ou c’est ta mère qu’invite ? »

On lui attribuerait volontiers la paternité du mot « culot », elle qui inventa le fameux « coup de cul » du quadrille, exhibant un cœur brodé sur sa culotte et ayant acquis son surnom de Goulue pour sa propension à siffler les verres des clients. Une forte en gueule, qui n’avait pas peur de se faire mettre à l’amende en des temps où la police des mœurs écumait les salles de spectacle — on ne compte pas ses procès, pour malversation morale notamment —, ni de se promener dans les bals avec un bouc en laisse, puisque les femmes se devaient d’être accompagnées d’un mâle dans les lieux publics, ni, encore, d’assumer sa bisexualité.

Elle fait l’ouverture de l’Olympia, en 1893, et quitte deux ans plus tard le Moulin-Rouge, en pleine heure de gloire, pour se mettre à son compte. Devenue danseuse du ventre puis dompteuse de fauves dans les foires (elle obtient des autorités l’autorisation de porter le pantalon…), elle tombe peu à peu dans l’oubli. A la mort de son fils, elle sombre dans l’alcoolisme et finit sa vie, méconnaissable, à vendre des allumettes devant le Moulin-Rouge. Ainsi commence sur scène l’histoire de cette femme libre, tirant le fil de sa vie jusqu’à l’enfance, le long de thématiques qui restent très actuelles : l’homosexualité, les violences conjugales, la syphilis et l’avortement…

Bio
1866
Naissance de Louise Weber à Clichy-la-Garenne.
1889 Ouverture du Moulin-Rouge.
1893 Inauguration de l’Olympia, dont elle est la vedette.
1895 Quitte le Moulin-Rouge et devient foraine.
Janvier 1929 Meurt d’une crise d’apoplexie et est enterrée à Pantin. Ses cendres sont transférées, en 1992, au cimetière de Montmartre.

on aime passionnément Louise Weber dite La Goulue, Jusqu’au 6 avr., les ven. et sam. 21h30 ; jusqu’au 25 juin, les lun. et mar. 21h30. Essaïon, 6, rue Pierre-au-Lard, 4e. 01 42 78 46 42 (15-25 €). Le lun. 31 déc., 22h (50 €), avec champagne et buffet d’amuse-bouche.

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