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Santé

"On a nous a oubliés" : une mère d'enfant du Zika au Brésil

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La Brésilienne Thamires Cristina dos Santos Ferreira da Silva avec son fils Miguel à Belford Roxo (Brésil) le 30 novembre 2018.
La Brésilienne Thamires Cristina dos Santos Ferreira da Silva avec son fils Miguel à Belford Roxo (Brésil) le 30 novembre 2018.
AFP - Mauro PIMENTEL

Quand elle a su au bout de six mois de grossesse que le bébé qu'elle portait avait de graves malformations neurologiques, Thamires a tenté de se suicider en se jetant sous un autobus à Rio de Janeiro.

"Je voulais juste en finir", dit, en pleurant, cette Brésilienne de 29 ans, dont Miguel est le seul enfant. Mais le conducteur du bus a freiné à temps.

Plus de deux ans plus tard, avec son mari Wallace, ses proches et des spécialistes, elle continue la lutte silencieuse qui consiste à élever un garçon avec le syndrome congénital du Zika.

Le virus transmis par les moustiques avait semé la panique mais ne fait plus les titres des journaux. "Je sens que nous avons été totalement oubliés", dit Thamires.

└ deux ans et quatre mois, Miguel souffre de "microcéphalie, de lissencéphalie (une anomalie du cortex cérébral) et d'une variante de la malformation de Dandy Walker, qui est une maladie rare provoquant une insuffisance rénale et des crises d'épilepsie", explique sa mère.

Elle vient de le baigner, de le parfumer et s'apprête à lui donner son déjeuner: purée de courgettes avec de l'huile d'olive.

Malgré son strabisme, le bébé n'a pas de problème de vue. Il réagit aux voix familières, mais n'arrive pas à marcher, s'asseoir, ni à tenir sa tête. Il suit un programme strict et coûteux de soins qui exige la prise de six médicaments toutes les 12 heures et des hospitalisations fréquentes.

"C'est difficile et ça coûte cher. Les familles cachent leur enfant pour que la société ne les voie pas, mais nous, nous voulons faire partie de la société", explique Wallace.

Il travaille de nuit comme informaticien pour payer les innombrables factures de santé de Miguel: pédiatre, néphrologue, psychomotricien et physiothérapeute de trois hôpitaux différents, publics et privés.

- Mères abandonnées -

L'épidémie du Zika qui a touché le Brésil en 2015 a provoqué une hausse exponentielle des naissances de bébés microcéphales, surtout dans le Nord-Est, région la plus pauvre du pays.

De novembre 2015 à mai 2018, le ministère de la Santé a enregistré plus de 3.000 cas de contamination in vitro.

L'État accorde aux mères des enfants touchés des avantages: priorité pour les logements sociaux, salaire minimum pour les familles les plus pauvres. Mais le manque d'informations et une pesante bureaucratie sont des obstacles.

"Tout est fait pour vous empêcher d'aller plus loin", déplore Thamires.

Avec Wallace, elle a préféré dès le début se mettre en lien avec d'autres familles touchées afin d'échanger les renseignements utiles. Et aussi faire pression ensemble sur les autorités pour obtenir ce que la loi leur accorde, comme l'accès au logement, qui leur a permis d'emménager dans une maison de la banlieue pauvre de Rio de Janeiro.

Mais beaucoup de mères sont dans une situation encore pire que Thamires: leur compagnon les a abandonnées. "Nous savons comme c'est difficile, que beaucoup de familles ont un père absent", dit Wallace, très ému.

Curieusement, les plus grandes difficultés ne viennent pas des traitements avancés, mais des soins pédiatriques de base.

"Dans le système de santé publique, le médecin en général ne connait pas le Zika, alors il n'accorde pas d'attention aux soins pédiatriques de base", dit Wallace. L'enfant malade "va aussi avoir des douleurs dentaires et tous les autres problèmes des autres bébés".

- "Au jour le jour"-

Le couple voudrait d'autres enfants, mais Miguel absorbe toute leur attention, toutes leurs ressources. Il faudra au moins que Thamires termine ses études d'infirmière et travaille.

En attendant, ils emmènent Miguel à la plage, à des fêtes. Pour son anniversaire, d'autres enfants microcéphales sont venus.

Mais durant les deux ans et demi de sa courte vie, il a dû être hospitalisé huit fois en soins intensifs. "C'est là qu'on voit les risques qu'il meure", dit sa jeune mère.

Elle se souvient du conseil des médecins qui les a tellement aidés: "vivre au jour le jour" parce que "Miguel peut mourir à 10 ans, 20 ans, ou 3 ans".

"Alors je veux lui donner son bain, l'embrasser, sentir son odeur, parce qu'à tout moment ils peuvent l'hospitaliser", dit Thamires.

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