La violence sur Twitter a un sexe et une couleur. Elle est particulièrement virulente contre les politiciennes ou les femmes journalistes. Et plus encore quant il s'agit de femmes noires, selon une vaste étude dévoilée aujourd'hui par Amnistie internationale en collaboration avec Element AI, un fournisseur mondial de logiciels d'intelligence artificielle.

Plus de 6500 volontaires dans 150 pays ont participé à «Troll Patrol», un projet qui a permis de trier 228 000 tweets envoyés à 778 femmes politiques ou journalistes au Royaume-Uni et aux États-Unis, pour en arriver à ce constat. Selon les calculs d'Element AI, pas moins de 1,1 million de tweets violents, injurieux ou problématiques ont été envoyés à des femmes durant l'étude, soit un environ toutes les 30 secondes.

De façon générale, 7,1% des tweets envoyés aux femmes de l'étude ont été jugés problématiques ou abusifs. Les femmes noires ont été ciblées de façon disproportionnée : elles sont 84% plus susceptibles que les femmes blanches d'être mentionnées dans les tweets violents ou problématiques - selon les conclusions, un tweet sur dix pour les femmes noires et un sur quinze pour les femmes blanches.

«Nous avons constaté que si les violences ciblent des femmes de tous bords politiques, les femmes noires sont ciblées de façon disproportionnée. En se montrant incapable de sévir contre ce fléau, Twitter contribue à faire taire des voix déjà marginalisées», dit Milena Marin, conseillère principale sur les recherches de ce type chez Amnistie internationale.

À noter que pour tirer des conclusions, les bénévoles de Troll Patrol ont collectivement consacré 2500 heures à analyser des tweets, soit l'équivalent d'une personne travaillant à plein temps durant un an et demi.

Violence tous azimuts

La violence en ligne à l'égard des femmes touche particulièrement les Noires, mais également toutes les femmes de couleur - asiatiques, latino-américaines et métisses. Amnistie internationale conclut que 34% des femmes de ce groupe sont plus susceptibles d'être mentionnées dans les tweets violents ou problématiques que les femmes blanches. 

Quant à la politique et au journalisme, les auteurs de l'étude d'analyse de données en viennent à la conclusion que toutes allégeances confondues, libéraux ou conservateurs, médias de gauche ou de droite, il n'y a pas de différence. La violence en ligne touche toutes les sphères politiques, selon les tweets analysés sur les comptes des femmes journalistes de The Daily MailThe New York TimesThe GuardianThe SunGalDem, Pink News et Breitbart.

Pour plus de transparence

Amnistie internationale souligne que le but de Troll Patrol «n'est pas de rétablir l'ordre sur Twitter ni de forcer la plateforme à supprimer du contenu». «Nous lui demandons d'être plus transparente et espérons que les conclusions de Troll Patrol l'obligeront à opérer ce changement.» 

L'organisme de défense des droits de la personne affirme avoir fait part de ses conclusions à Twitter. En réponse, la direction du réseau social aurait demandé de clarifier la définition de «problématique» conformément à la nécessité de protéger la liberté d'expression et de rédiger les politiques de manière claire et précise. À ce sujet, les contenus problématiques ont été définis comme des contenus offensants ou hostiles - surtout s'ils sont envoyés à une personne de façon répétée ou cumulée - mais d'une intensité moindre que les tweets injurieux.

Amnistie internationale publie ces conclusions sous la forme d'une page web interactive.