Face à la colère des Gilets jaunes, le gouvernement a annoncé un gel de la taxe carbone pour 2019. Pourtant, la France est loin d’être le seul pays à faire peser un prix sur le carbone. 46 pays et 26 provinces à travers le monde ont en effet mis en place une taxe ou un système de marché carbone. Au total, ces différents mécanismes ont généré 26 milliards d’euros de revenus en 2018, dont près de la moitié sont affectés à des projets bas-carbone.

C’est la hausse de trop qui a créé l’étincelle de la colère des Gilets jaunes. La taxe carbone qui aurait dû passer de 44,6 euros la tonne de CO2 à 55 euros au 1er janvier prochain, sera finalement gelée en 2019. Pour autant, la France est loin d’être le seul pays à appliquer ce principe de taxe carbone, avec une hausse progressive de son prix, anticipée jusqu’en 2030.
C’est en 2014 que la France crée cette composante carbone, dans un contexte de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre. Initialement établie à 7 € la tonne de CO2, elle a peu à peu été relevée pour atteindre 44,6 € en 2018. elle devrait grimper à 86,2 € en 2022 puis 100 € en 2030.  
Cette taxe touche aussi bien les ménages que les entreprises. Elle s’applique sur l’énergie (hors électricité), l’essence, le gazole, le fioul domestique, le gaz naturel et le charbon. Les secteurs des transport aérien, maritime et routier de marchandises, du ciment et du verre, ou encore de l’agriculture en sont exonérés. Les industries les plus polluantes sont soumises au marché carbone européen où la tonne de CO2 s’échange actuellement autour de 20 euros seulement. Un écart qui a notamment contribué à alimenter le mouvement des Gilets jaunes, dénonçant l’injustice de ce double système.  
Infographie prix carbone france et monde
Au rythme actuel, le prix du carbone ne compensera les coûts réels qu’en 2095
D’autres pays comme la Suède ont réussi à mettre en place une taxe carbone, avec une forte augmentation de sa tarification (120 euros la tonne), grâce notamment à des baisses d’impôt contrebalançant l’impact pour les ménages. Pour autant, le pays fait quelque peu figure d’exception. Si 46 pays et 26 provinces donnent un prix au carbone, son niveau est encore trop faible pour être aligné avec les objectifs de l’Accord de Paris, d’après un rapport de l’OCDE, publié en septembre (1).
Le déficit de tarification du carbone (qui compare le prix réel du carbone et les coûts réels du changement climatique, estimés à 30 euros par tonne de CO2) était de 76,5 % en 2018, en baisse mais encore trop élevé. Si bien qu’au rythme actuel, le prix du carbone ne compensera les coûts réels qu’en 2095.  
Infog ecart tarification carbone

L’OCDE mesure l’écart entre le prix du carbone appliqué dans chaque pays et secteur et les coûts réels du changement climatique, estimés à 30 euros par tonne de CO2. @Novethic


“Le gouffre qui sépare aujourd’hui le prix du carbone et le coût réel des émissions pour notre planète est inacceptable”, a déclaré Angel Gurría, secrétaire général de l’OCDE. “Donner un prix correct au carbone est une manière concrète et efficace, par rapport à son coût, de ralentir le changement climatique. Nous laissons échapper une occasion de mettre les économies sur la voie d’une croissance bas carbone et nous perdons un temps précieux chaque jour qui passe.”   
Transférer 30 % de la taxe carbone aux plus pauvres
Pour l’OCDE, le meilleur moyen de mettre en place une taxe carbone est de “transférer 30 % des recettes de la taxe à 30% des habitants les plus pauvres, en cash de préférence, pour compenser les inégalités sociales créées par la mesure“, explique Kurt Van Dender, chef de la division des politiques fiscales de l’OCDE à Libération. En 2016, ce principe de compensation avait été appliqué en France : 3 milliards d’euros ayant été mis à disposition des entreprises sous la forme de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et 1 milliard d’euros aux ménages sous la forme de taux réduits de TVA sur les travaux de rénovation énergétique.  
Mais en 2018, l’écart entre les recettes et les mesures compensatoires sur les produits énergétiques s’est creusé, notamment à cause de la convergence des prix entre gazole et essence. Face à cette hausse de 3,7 milliards d’euros des recettes de la taxe carbone, le gouvernement n’a mis que 181 millions d’euros sur la table (100 millions de plus pour la prime à la conversion des véhicules, et 81 millions de plus pour la généralisation du chèque énergie). Il manque donc 3,5 milliards d’euros pour compenser la hausse de la pression fiscale sur les produits énergétiques. 
Concepcion Alvarez, @conce1
(1) Voir l’étude de l’OCDE.

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