Publicité

Élection de Trump : Instagram a été l'outil le plus efficace pour la propagande russe

Rien que sur Facebook, 80.000 posts sponsorisés par la Russie ont touché 126 millions d'internautes. Dado Ruvic/REUTERS

Deux rapports du Sénat américain détaillent l'ampleur de l'ingérence russe pendant l'élection présidentielle de 2016. Rôles joués par Instagram et YouTube, faux profils, ciblage des communautés... Le Figaro fait le point sur leurs principaux enseignements.

Mark Zuckerberg a-t-il omis de donner certaines informations aux parlementaires pendant son audition devant le Congrès américain en avril dernier? C'est ce que montrent notamment les conclusions de deux rapports préparés pour le Comité du renseignement du Sénat américain sur l'étendue de l'ingérence russe pendant la campagne présidentielle de 2016. Ces documents ont été réalisés grâce à l'étude des données transmises par les plus grandes entreprises du web (Facebook, Google, Twitter) à la chambre haute américaine. Deux équipes se sont chargées de les analyser: des chercheurs de l'université d'Oxford en collaboration avec Graphika, une entreprise spécialisée dans l'analyse des réseaux sociaux et des chercheurs des universités américaines de Canfield et de Columbia, aidés par une entreprise spécialisée dans la cybersécurité, New Knowledge. Outre le rôle déjà connu des plateformes Facebook et Twitter, les rapports donnent de nouveaux détails sur la manière dont l'IRA (Internet Research Agency), organisme russe de propagande sur Internet, a utilisé les réseaux sociaux pour tenter d'influencer le résultat de l'élection présidentielle américaine de 2016.

● Instagram, meilleur outil de propagande pour la Russie

Lors de son audition en avril dernier, Mark Zuckerberg expliquait que l'IRA était à l'origine de 120.000 posts sur Instagram vus par 20 millions de personnes. Bien moins que les 126 millions d'utilisateurs confrontés aux 80.000 posts sur le réseau Facebook. À l'époque, le PDG de Facebook n'avait pas détaillé les chiffres concernant l'interaction (mentions «j'aime», commentaires) de ces posts. Une donnée importante puisqu'elle traduit le degré d'engagement des utilisateurs sur ces contenus. Le rapport du Sénat américain révèle qu'il y en a eu 187 millions sur la plateforme, soit trois fois plus que sur Facebook (77 millions) et que sur Twitter (73 millions). Grâce à un fonctionnement basé sur le partage de photos, vidéos, organisé par intérêts et mot-clé, la plateforme est «idéale pour influencer les opinions des internautes via le partage de mèmes viraux» précise le rapport. Ces posts Instagram ont notamment généré de longues conversations dont l'objectif était de convaincre de futurs électeurs de voter pour Donald Trump et de s'opposer à Hillary Clinton. Les auteurs des deux rapports ajoutent que 40% des comptes Instagram soupçonnés d'avoir été créés par l'IRA ont comptabilisé plus de 10.000 abonnés. Douze d'entre eux ont même dépassé les 100.000 abonnés.

Des comptes comme @feminism_tag ont, par exemple, publié des photos d'Hillary Clinton accompagnées de citations la faisant passer pour une personne ne défendant pas la cause des femmes. D'autres ont mis en avant des contenus dits «patriotiques» comme le compte @american.veterans (215 680 abonnés et plus de 18 millions d'interactions) pour convaincre certaines franges de la population, comme les soldats à la retraite, de voter pour Donald Trump.

Dans une déclaration relayée par la presse américaine, Facebook (propriétaire d'Instagram) a rappelé qu'il avait fait des «progrès dans la prévention de possibles manipulations étrangères pendant les élections et avait financé des recherches indépendantes sur l'impact des médias sociaux sur la démocratie».

● L'utilisation de YouTube pour le partage de vidéos de propagande

Exemples de mèmes publiés sur Instagram par des comptes créés par l'IRA. Captures Instagram

La plateforme vidéo de Google a aussi joué un rôle dans la diffusion de messages vidéo pour favoriser l'élection de Donald Trump. Le rapport parlementaire américain explique que l'IRA a produit 1107 vidéos sur 17 chaînes différentes entre 2015 et 2017. Parmi elles, certaines dénonçaient le fait qu'Hillary Clinton ait reçu 20.000 dollars du Ku Klux Klan pour financer sa campagne électorale ou faisait la promotion d'un «#PeeOnHillary challenge» («uriner sur Hillary»). Le rapport montre que la propagande venant de YouTube s'est aussi développée après l'élection de Donald Trump. Dans les six mois qui ont suivi le scrutin, le nombre de liens renvoyant vers des vidéos YouTube de l'IRA a augmenté de 84%.

Peu d'informations ont fuité sur Google (propriétaire de YouTube). L'entreprise américaine est accusée par les auteurs des rapports d'avoir sciemment transmis des données dans un format ne pouvant être analysé par les membres du Sénat. Selon le site spécialisé Techcrunch, ce type de démarche laisse penser que les responsables de Google avaient des informations sensibles qu'ils n'ont pas souhaité transmettre.

D'autres réseaux sociaux moins consultés comme Tumblr, Pinterest ou Reddit ont aussi fait l'objet d'une campagne d'ingérence de la part de l'IRA selon le Sénat américain.

● Le ciblage de la population afro-américaine

La campagne d'ingérence russe avait aussi pour objectif d'influencer le vote d'une frange précise de la population américaine: les Afro-américains, traditionnellement plus proches du camp démocrate. L'IRA ne souhaitait pas directement les inciter à voter en faveur de Donald Trump mais a partagé des contenus pour les convaincre de s'abstenir. Ainsi, de nombreux comptes ont été créés sous de faux profils et multipliaient les messages négatifs sur Hillary Clinton l'accusant d'être une opportuniste cherchant seulement à gagner des voix.

Un nombre important de contenus partagés sur la toile par l'IRA visait aussi à faire la promotion de l'identité noire, poussant même au communautarisme afin de diviser la société américaine. Pour parvenir à ses fins, l'IRA a mis en place une stratégie généralisée sur tous les réseaux sociaux pour toucher le plus d'utilisateurs possible. La page «Black Matters US», qui mettait en valeur l‘identité noire, était par exemple présente sur Twitter (5.841 abonnés), Facebook (2 pages réunissant des milliers d'internautes), Instagram (28.466 abonnés), YouTube (95 vidéos), Google + et même PayPal. Grâce à cette stratégie, les influenceurs russes ont été capables de solliciter des donations, d'organiser des rassemblements et manifestations mais aussi de ramener du trafic sur des sites web qu'ils contrôlaient à 100% selon le Sénat américain. Même constat avec l'outil Google Ads, sollicité par l'IRA pour financer une trentaine de publicités ciblées avec l'objectif clair de diviser l'opinion grâce à des messages agressifs de type «Les flics tuent des enfants noirs». Sur Twitter, certains messages faisaient aussi la promotion de faux dysfonctionnements dans la procédure électorale américaine empêchant les Noirs d'aller voter.

Selon le Pew Research Center, le taux de participation des électeurs noirs s'est établi à 59,6% en 2016, en recul de cinq points par rapport à la précédente élection présidentielle, une première en vingt ans.

Dans leurs conclusions, les deux rapports commandés par le Sénat américain affirment que le même type de manipulation politique venant de l'étranger pourrait ressurgir lors des élections de 2020. Selon eux, d'autres plateformes sociales, moins connues du grand public mais aussi des services de messagerie pourront être sollicités à ces fins.

Élection de Trump : Instagram a été l'outil le plus efficace pour la propagande russe

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner
50 commentaires
  • 0ltariev

    le

    Et en quittant la Syrie, sur décision de Trump, les USA laissent la place libre à la Russie. Un remerciement en retour ?

À lire aussi

Comment l’Afrique est devenue la «cash machine» d’Orange

Comment l’Afrique est devenue la «cash machine» d’Orange

DÉCRYPTAGE - L’opérateur enregistre une croissance à presque deux chiffres dans les 18 pays de la zone Afrique-Moyen-Orient, où il est présent. Le groupe bénéficie d’un contexte macroéconomique très favorable marqué par l’explosion des besoins en connectivité. Pour autant, il reste sur ses gardes.