Macron, président entravé par les «technos», vraiment ?

Les Gilets jaunes ont plongé l’exécutif dans une crise bien plus profonde : celle de la prédominance des technocrates.

 La politique d’Emmanuel Macron et ses ambitions sont freinées et parasitées par la présence de technocrates dans son entourage.
La politique d’Emmanuel Macron et ses ambitions sont freinées et parasitées par la présence de technocrates dans son entourage. LP/Olivier Corsan

    Officiellement, la guerre est déclarée. Emmanuel Macron serait déterminé à mettre au pas les « bureaucrates » et autres « technocrates », accusés d'édulcorer ses réformes et de chercher à torpiller les mesures de pouvoir d'achat qu'il a annoncées pour répondre aux Gilets jaunes. « Parfois, il est en rage », confie même un pilier de la majorité. « Il a parfaitement compris qu'il est emmené dans le mur par les technos », assure un autre fidèle.

    Alors que la journée de mardi a encore été l'illustration de cette mainmise, avec le nouveau couac de com' que s'est offert dans la soirée l'exécutif en maintenant finalement les mesures en faveur des Gilets jaunes … après avoir dit le contraire quelques heures plus tôt. Le tout géré en grande partie par les conseillers techniques de Matignon, sans mettre l'Élysée en première ligne. Mardi soir, le Palais renvoyait d'ailleurs mécaniquement l'explication du côté de Matignon.

    À l'Élysée, on hausse le ton, en mode « on décide, ils exécutent », en visant le ministère de l'Économie : « La réalité comptable de Bercy, elle n'existe pas ! Il n'y a qu'une réalité, celle du pays », assène un proche du président. Et ceux qui ne sont pas contents sont priés de rentrer dans le rang : « Si un directeur d'administration centrale ne se sent pas à l'aise avec la politique qui est menée par le ministre qui le dirige, il peut faire autre chose de sa vie. »

    Des remous dans la majorité

    La goutte d'eau? Les cent euros pour les smicards et la suppression de CSG pour certains retraités, promis par le chef de l'État le 10 décembre, sont devenus de redoutables usines à gaz. Ainsi les retraités concernés devront-ils payer quand même la CSG en 2019… avant de recevoir un chèque de remboursement au 1er juillet. « Je suis effaré, c'est inconcevable, indécent! » s'étrangle un ami du président, qui le somme de procéder à un « acte d'autorité » en convoquant « les dirigeants de caisses de retraite pour leur dire : c'est comme ça ou vous sautez! »

    Ce mardi, la réunion des députés LREM a viré à l'explication de gravure. Plusieurs élus ont interpellé le Premier ministre. « Le 1er juillet, c'est trop tard, il faut que ça tombe au 28 février, début mars maximum », a alerté Sacha Houlié. Réponse d'Édouard Philippe : « Je ne peux pas vous le promettre. » La ministre du Travail Muriel Pénicaud a, elle, douché la députée Amélie de Montchalin qui exposait un tableau détaillant l'impact des mesures pour différents foyers : « Ce n'est pas avec un tableau Excel qu'on va convaincre les gens. »

    «Un gouvernement PowerPoint»

    Au sein de la Macronie, certains sont sceptiques sur les chances de reprendre la main. « C'est un Parlement d'experts-comptables et un gouvernement PowerPoint ! Il doit s'entourer de politiques », s'agace un conseiller de l'exécutif, qui craint que la technostructure ne soit inscrite dans l'ADN même du chef de l'État, passé par l'ENA et l'Inspection des finances (dont il a démissionné).

    Le même épingle son choix de faire élire des députés inexpérimentés, de nommer des ministres novices et issus de la société civile, et de s'entourer à l'Élysée de conseillers venus de l'ENA et du Trésor, qui reviendrait tel un boomerang. « C'est lui qui nomme des anciens de l'ENA. Des gens serviles et serviables au système. Ça a toujours été le cas dans la Ve République, mais là c'est version XXL », s'étrangle un élu LREM.

    Candidat, Macron avait promis de renouveler les directeurs des hautes administrations centrales pour asseoir son pouvoir. Un proche confesse : « Le problème, c'est qu'il n'a pas trouvé les gens. Il n'a pas de banc de touche, les types sont partis dans le privé… »