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Harcèlement des femmes sur Twitter : Amnesty enfonce le clou

Dans une étude, qui s’appuie sur 288 000 tweets, l’ONG constate que le réseau social « est un espace où le racisme, la misogynie et l’homophobie prospèrent sans entrave ».

Le Monde

Publié le 18 décembre 2018 à 17h09, modifié le 18 décembre 2018 à 23h49

Temps de Lecture 4 min.

Twitter est régulièrement critiqué pour les problèmes de harcèlement sur sa plate-forme.

Une « patrouille des trolls » : c’est ce qu’Amnesty International a mis en place pour analyser le harcèlement des femmes sur Twitter. L’ONG a rassemblé plus de 6 500 bénévoles, issus de 150 pays, chargés d’analyser 288 000 tweets envoyés en 2017 à 778 femmes, journalistes et politiciennes américaines et britanniques, de tous bords politiques – en tout, elles ont reçu 14,5 millions de mini-messages sur l’ensemble de l’année.

Le résultat de leur travail vient d’être publié mardi 18 décembre. Avec un constat accablant selon Amnesty : « Nous avons les données permettant de corroborer ce que les femmes nous disent depuis longtemps – Twitter est un espace où le racisme, la misogynie et l’homophobie prospèrent sans entrave. »

Element AI, une société spécialisée dans l’intelligence artificielle (IA), et partenaire de l’ONG pour ce projet, a extrapolé les données recueillies pour établir une vue d’ensemble du phénomène. Résultat : 7,1 % des tweets étaient problématiques – menaçants, violents, agressifs, dégradants ou sexistes par exemple. Ce qui correspond en tout à 1,1 million de messages, « soit un toutes les trente secondes », précise Amnesty dans son rapport. Parmi les tweets pris en compte par l’organisation, certains ne contreviennent pas aux règles de Twitter, comme certains contenus hostiles ou blessants, précise l’ONG.

Les femmes noires sont les plus visées

Les femmes de couleur sont particulièrement ciblées : elles ont « 34 % de risque de plus d’être mentionnées dans ces tweets que les femmes blanches ». Parmi elles, ce sont les femmes noires qui sont le plus touchées (84 % de risque de plus que les femmes blanches), avec « un tweet sur dix » reçu étant problématique – contre un sur quinze pour les femmes blanches.

« L’échec de Twitter à sévir contre ce phénomène signifie qu’il contribue à faire taire des voix déjà marginalisées », écrit Milena Marin, responsable de la recherche chez Amnesty, dans un communiqué. Et si les femmes d’origine hispanique reçoivent quantitativement moins de tweets problématiques que les femmes blanches, les messages reçus sont plus à même de contenir des menaces de violences physiques.

Concernant leur appartenance politique, les politiciennes de gauche sont plus ciblées que celles de droite, mais Amnesty a observé l’inverse pour les journalistes – en s’appuyant sur la couleur politique des publications pour lesquelles elles travaillent.

Amnesty reconnaît toutefois plusieurs limites à son étude. A commencer par le fait qu’elle se concentre sur des femmes politiques et des journalistes anglo-saxonnes. Les résultats « seraient relativement différents avec d’autres professions ou pays », estime l’ONG. Elle souligne aussi que sa définition des tweets problématiques, en dehors de ceux que Twitter interdit, peut faire l’objet de débat – point que le réseau social a de son côté soulevé après la publication du rapport. Mais pour Amnesty, les prendre en compte permet de « reconnaître l’effet cumulatif » des nombreux mini-messages agressifs que reçoivent ces femmes.

Autre élément à prendre en considération : les tweets analysés, bien qu’ils datent de 2017, ont été recueillis en mars 2018. Or, certains tweets problématiques, interdits par la plate-forme, ont pu être supprimés entre-temps par le réseau social. « Ce qui laisse à penser que l’ampleur réelle du harcèlement était encore plus grande que ce que montrent nos résultats », souligne l’ONG.

Amnesty réclame plus de transparence

« Des violences en ligne contre les femmes d’une telle ampleur ne devraient pas exister sur les réseaux sociaux », écrit Amnesty.

« Des entreprises comme Twitter ont la responsabilité de respecter les droits de l’homme, ce qui implique de s’assurer que les femmes qui utilisent la plate-forme sont en mesure de s’exprimer librement et sans crainte. »

Ce n’est pas la première fois que l’ONG demande des comptes à Twitter sur ce sujet. Elle lui avait déjà réclamé de rendre publiques ses données sur le harcèlement, ce à quoi le réseau social s’était refusé. « De telles données sont précieuses pour quiconque essaie de comprendre et de combattre cet obstacle aux droits des femmes sur Internet. Puisque Twitter refuse, nous espérons que ce projet permettra de donner un aperçu de l’ampleur du problème. »

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Twitter vient toutefois, le 12 décembre, d’ajouter pour la première fois à son « rapport de transparence » des informations sur les contenus qu’il supprime afin de faire respecter ses règles. « C’était l’une des recommandations d’Amnesty International et nous considérons que cela va dans le bon sens », estime l’ONG. « Mais nous sommes toutefois déçus que les informations dans ce rapport n’aillent pas assez loin. » Amnesty estime que Twitter ne détaille pas assez ces données, par exemple en précisant les populations ciblées par les tweets supprimés, ou en indiquant en combien de temps ces messages ont été bannis.

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« Le harcèlement, les messages automatiques et la manipulation détériorent Twitter », a répondu à Amnesty Vijaya Gadde, représentante du réseau social, qui a transmis ses réponses au magazine Wired. L’entreprise, qui reconnaît depuis plusieurs années les problèmes de harcèlement sur sa plate-forme, a multiplié les annonces pour tenter d’améliorer la situation – sans jamais réussir à régler le problème. Vijaya Gadde promet plus de transparence à l’avenir, et assure que Twitter se montre « reconnaissant » envers Amnesty de la conseiller « sur ce que cela devrait inclure ».

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