Gaz hilarant en soirées étudiantes : «Si cette mode continue, ce sera catastrophique»

Mourad Benyamina, anesthésiste-réanimateur à l’hôpital Saint-Louis (AP-HP), alerte sur la dangerosité du protoxyde d’azote, un gaz qu’inhalent de plus en plus de jeunes lors de soirées festives.

    Depuis près d'un an, la mode du protoxyde d'azote, un gaz contenu dans les siphons à chantilly vendu en toute légalité en supermarché, ne cesse de se répandre chez les lycéens et les étudiants. L'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) publiera jeudi une analyse sur ce phénomène inquiétant. Mourad Benyamina, anesthésiste-réanimateur à l'hôpital Saint-Louis (AP-HP), explique les effets procurés par le protoxyde d'azote.

    Ce gaz pour faire de la chantilly est aussi employé en médecine. Dans quelles circonstances ?

    MOURAD BENYAMINA. Le protoxyde d'azote est administré par voie respiratoire à l'aide d'un masque facial pour endormir le patient. Il permet ainsi de réduire les doses des anesthésies classiques. Le Samu s'en sert aussi comme antidouleur dans le cadre d'une luxation de l'épaule ou de la pose d'un garrot grâce à des petites bouteilles disposées dans les camions d'intervention. Mais ce gaz n'est pas pur comme dans les capsules de chantilly ! Il est toujours mélangé à 50 % avec de l'oxygène. On ne le donne jamais plus d'une fois dans la journée à un même patient et on ne l'emploie pas dans certaines chirurgies, comme l'œil ou le cerveau, car il augmente la pression à l'intérieur de ces organes. C'est le produit anesthésiant le plus ancien qui existe. Il a d'abord été utilisé par des dentistes, il y a 150 ans, avant d'être détourné dans les fêtes foraines de l'époque pour ses effets hilarants.

    Est-il dangereux ?

    Oui ! En dehors d'un contexte médical, le protoxyde d'azote expose à des risques parfois mortels. Une prise provoque une crise d'hilarité car ce gaz agit directement sur la zone du cerveau, à l'origine du rire. Il crée des distorsions de sons, des mouvements incontrôlés. Le risque est surtout de tomber, d'avoir un accident en le prenant au volant. Mais le danger, c'est la répétition. Le protoxyde d'azote arrive très vite dans le sang, les consommateurs apprécient justement ses effets très courts. C'est là le piège. Ce gaz peut provoquer des vomissements, des troubles neurologiques car il inactive la vitamine B 12, à l'origine d'une bonne innervation. À force, le consommateur inspire et recrache beaucoup de protoxyde d'azote au risque d'entraîner un manque d'oxygène, ce qui peut conduire à une détresse respiratoire. Sa toxicité accumulée dans le sang peut aussi toucher le cœur et entraîner un arrêt cardiaque.

    VIDÉO. Le gaz hilarant : la mode qui cartonne chez les jeunes

    Y a-t-il beaucoup de cas d'hospitalisations ?

    C'est difficile à dire. En France, on découvre à peine le problème. Je l'ai appris par mes étudiants en médecine qui m'ont dit en consommer. Il doit y avoir des accidents mais les spécialistes ne font pas le lien avec le protoxyde d'azote. Le problème, c'est que ces produits sont disponibles partout, en libre accès. Si cette mode continue de se répandre, ce sera catastrophique.