Des larmes, de la colère et surtout de l'incrédulité. Mardi, de nombreux habitants de La Condamine étaient sous le choc, après l'expulsion d'une famille albanaise, en décembre et par des températures flirtant avec le négatif.
Avec une question sur toutes les lèvres: comment les services de l'État peuvent-ils mettre à la rue un couple et quatre enfants, alors que c'est la trêve hivernale?
"Oh, sérieux ! Leur fille, elle a l'âge de ma fille", s'effare une maman. Une autre s'effondre en sanglots: "Moi, je ne veux pas que vous passiez la nuit dehors, c'est pas humain!"
Pétition
Jusqu'au bout, ils ont cru que leur mobilisation, lancée vendredi, aboutirait à quelque chose. Ce jour-là, les Muldakaj ont reçu une lettre de la préfecture leur annonçant que leur expulsion "avec le concours de la force publique" aurait lieu mardi matin. Le motif ? Puisque leur demande d'asile a été rejetée, ils ne doivent plus bénéficier du Cada (un logement dédié aux demandeurs d'asiles), qu'ils occupent actuellement.
En apprenant cela, un groupe de mères de famille sonne le branle-bas de combat. En tête, Linda Zarbout est allée toquer aux portes, de jour comme de nuit, pétition à la main.
"Ce sont des gens biens, investis dans le quartier", prêche-t-elle.
Au petit matin, elle faisait les comptes devant l'école primaire où flottait une banderole: "École Pierre-Cauvin Drap solidaire avec la famille Muldakaj". Bilan : 137 signatures.
A qui destiner la pétition? À la préfecture? Aux gendarmes? Quelque part, Linda sait que c'est trop tard, mais elle fait comme elle peut: "Ils ont été prévenus même pas une semaine avant, pour l'expulsion. Non mais je rêve!"
"Ils n'existent pas"
Il est 9 heures, l'heure annoncée. Une vingtaine de personnes se réunit au pied de l'immeuble concerné. Les gendarmes finissent par arriver, accompagnés par la fondation Actes, en charge du dossier de la famille. Linda présente sa pétition.
"La trêve hivernale ne s'applique pas pour les déboutés du droit d'asile", objecte Zeina Braye, chargée de mission. Brouhaha dans la foule.
"C'est une décision d'État. Notre association accompagne la famille depuis un an. On s'occupe des demandeurs d'asile et ça fait six mois qu'exceptionnellement, on essaie de trouver des solutions, en vain."
Le premier adjoint au maire, Romain Bianchi, avoue aussi son impuissance: "C'est un truc de fou. Monsieur le maire a fait tout ce qu'il pouvait. Mais pour les services sociaux, ils n'existent pas!"
SOS "gilets jaunes"
Face à cette situation implacable, Linda et d'autres parents d'élèves perdent le fil. Elles déboulent en furie à la mairie annexe, quelques mètres plus loin, pour être reçues par l'assistante sociale.
"C'est une urgence!" Cela ne servira à rien. Dehors, les gendarmes se mettent en place. Ils attendent de voir si la fondation Actes parvient à trouver un hébergement d'urgence.
"C'est plus compliqué que prévu…"
Une habitante appelle les "gilets jaunes" du rond-point de Cantaron, en dernier recours. Vingt minutes plus tard, ils arrivent, accueillis en héros, avec applaudissements. L'un d'eux, Cyril Seu, demande à ce qu'on accorde aux expulsés un délai de quarante-huit heures.
"Ils partiront, mais qu'ils puissent le faire la tête haute." En vain.
Les gendarmes évacuent les affaires. Mardi soir, les Muldakaj étaient officiellement à la rue. Des habitants ont pris en charge les enfants, mais étaient à la recherche d'une solution.
commentaires