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Papilio-phorbanta
Papilio phorbanta (mâle)
© Christian Guillermet - Licence : Tous droits réservés

L'Île de la Réunion est connue pour son activité volcanique. Elle est également un écrin de biodiversité grâce à son caractère insulaire. Le Papillon La Pâture (Papilio phorbanta) en est la parfaite illustration. Espèce endémique et protégée depuis 1993 au niveau national, le plus grand papillon connu de l'île est menacé de disparition.

Le Papillon La Pâture (Papilio phorbanta - Papilionidae - Linné 1771) est endémique de La Réunion. Il fait parti des joyaux de l'entomofaune au coeur de l'Archipel des Mascareignes (Océan Indien). 

L'Île de la Réunion répertorie à ce jour 34 espèces de Lépidotères (dont 7 endémiques). Papilio phorbanta est avec Papilio demodocus le plus grand papillon diurne de l'île. Il peut mesurer jusqu'à 87 mm d'envergure. 

Ce papillon tient ses origines d'une espèce africaine (Papilio nireus). Cette dernière a migré naturellement à la Réunion et vers les autres îles de la région pour donner lieu à des espèces uniques : Madagascar (Papilio epiphorbas et Papilio oribazus), Grande Comore (Papilio nireus aristophontes), Île Maurice (Papilio manlius), Île des Seychelles (Papilio phorbanta var. nana - non observé depuis 1880). 

La Pâture : des couleurs éclatantes pour le mâle

Papilio phorbanta se distingue par des caractéristiques différentes entre les mâles et les femelles. On parle alors de dimorphisme sexuel. 

Le mâle est de couleur noire avec des tâches bleus métalliques intenses. Il est volontiers observable et reconnaissable. Il parcourt aisément les jardins en quête de nourriture et de partenaire. 

La femelle, quant à elle, se fait plus discrète. Elle vit essentiellement à l'abri dans les fourrées, pour n'en sortir que pour se nourrir et pondre, de préférence le matin. Ses couleurs sont plus neutres : brune avec des tâches marginales blanches de tailles variables.

La Pâture : visible jusqu'à 1000 m d'altitude

Papilio phorbanta est visible globalement tout au long de l'année avec un pic durant l'été austral, période la plus chaude et propice à la végétation et aux papillons. Sa répartition couvre une zone relativement large entre le niveau de la mer et les hauteurs jusqu'à 1000 m d'altitude. 

Avant de parvenir au stade adulte, les oeufs sont pondus sur une plante hôte indigène de moyenne altitude et plus précisément, un arbrisseau grimpant ou liane ligneuse : Toddalia asiatica (Rutaceae). Cette plante est plus communément appelée : la liane « Patte Poule ».

La femelle peut également déposer ses oeufs sur d'autres Rutaceae, se substituant à la plante d'origine : citronniers, pamplemoussiers, mandariniers, orangers, qui poussent dans les jardins.

À la sortie de l'oeuf, les chenilles sont de couleurs bleu-noir. Puis, elles deviennent vertes avec des tâches jaunes vifs. À l'état adulte, Papilio phorbanta a une durée de vie oscillant entre 3 à 4 semaines.

Raréfaction de l'espèce : différents facteurs en cause

Malheureusement, ce qui est souvent beau est souvent vulnérable. Les Lépidoptères font les frais des pratiques humaines, malgré sa protection depuis 1993 au niveau national et son classement dans la liste rouge de l'Union international pour la conservation de la nature (UICN) depuis 1996, comme espèce « vulnérable ». 

Outre, la pression démographique croissante et l'expansion urbaine qui en découle et menace son habitat naturel ; l'utilisation d'agents chimiques dans les jardins et les pépinières ou encore les collectionneurs ne font qu'accroître la vulnérabilité de Papilio phorbanta

Papilio phorbanta est surtout victime d'une mouche parasitoïde : la mouche tachinaire (Carcelia evolans). Cette dernière a été introduite sur le territoire dans les années 1960, afin de lutter contre les chenilles d'un autre papillon : Papilio demodocus (Papilionidae). En effet, les chenilles de ce dernier s'attaquent aux cultures d'agrumes de type Citrus (mandariniers, orangers, pamplemoussiers), dont se nourrissent également Papilio phorbanta

Cette mouche parasite pond ses oeufs sur les chenilles et inflige des dégâts considérables. Plus de 80% des chenilles n'atteignent pas la fin du stade larvaire.

Des lueurs d'espoir pour la sauvegarde de Papilio phorbanta

Des mesures de conservation des sites naturels favorisent la protection de la biodiversité à la Réunion. En 2007, le Parc national de la Réunion a vu le jour. Trois ans plus tard, en 2010, l'Île de la Réunion est reconnue « au titre de bien naturel » du patrimoine mondial par l'UNESCO. 

Par ailleurs, la topographie escarpée de l'île est un atout. Elle sert de remparts naturels pour la faune et la flore. L'Homme joue également un rôle majeur. Paradoxalement, il contribue à la conservation de Papilio phorbanta, en plantant dans ses jardins particuliers des plantes hôtes (Rutaceae) que les chenilles affectionnent : Combavas (agrume), Caloupilé, Citron Galet… 

L'espoir de voir cette espèce perdurer existe. Il ne faut pas oublier que Papilio phorbanta n'est pas qu'une merveille du patrimoine naturel de notre planète. C'est également un acteur du fonctionnement de l'écosystème. Comme la plupart des insectes, il participe directement à la pollinisation des plantes. Il est donc indispensable. 

Quelques définitions

  • écosystème : système formé par un environnement et par l'ensemble des espèces qui y vivent, s'y nourrissent et s'y reproduisent (Larousse)
  • endémique : espèces vivantes propres à un territoire bien délimité (Larousse)
  • entomofaune : partie de la faune qui correspond à l'ordre des insectes
  • dimorphisme sexuel : ensemble des caractéristiques morphologiques qui distinguent les individus mâle et femelle d'une même espèce 
  • indigène (espèce) : originaire d'une région ou d'une zone particulière (Dictionnaire de la géographie)
  • insulaire : relatif aux îles (Larousse)
  • lépidoptère : ordre des papillons chez les insectes qui possède une trompe pour aspirer les aliments liquides et quatre ailes couvertes d'écailles (plus de 165 000 espèces de papillons existent) (Larousse)
  • papillon diurne : papillon de jour ou Rhopalocère (ancienne dénomination)

Un grand merci à Monsieur Christian Guillermet (spécialiste des Lépidoptères de la Réunion - Initiateur et Directeur de l'Insectarium de la Réunion entre 1992 et 2002 et auteur de plusieurs ouvrages et d'un site internet sur les papillons de la Réunion), pour ses éclaircissements précieux, ses observations, ses sources bibliographiques sur Papilio phorbanta et la photographie d'illustration.


Sources
  • Guillermet Chr, 2004. Les Rhopalocères ou papillons diurnes de l'île de La Réunion. p27-28
  • Papilio phorbanta Linné, 1771, Mant. Plant. 2ème partie. p.535 (« Habitat in Cayenna »)
  • Papilio disparilis Boisduval, 1833, Nouv. Ann. Mus. nat, 2, p.163 (type : Bourbon)
  • Vinson J. 1938. - Catalogue of the Lepidoptera of the Mascarene Islands, Mauritius Institut Bulletin, p.14
  • Viette P., 1957. - Mémoires de l'Institut Scientifique de Madagascar, Tome VIII, Série E, p.215
  • Paulian R. & Viette P., 1968. - Insectes Lépidoptères Papilionidae, Faune de Madagascar, XXVII, p.66-69 ; pl. 12; pl16, fig.32; pl.17, fig.34
  • Guillermet Chr., 1994. - Les Papillons : Un monde d'odeurs, de couleurs et de fantaisie. p29-30, pl.1, Editions Azalées.
  • Martiré D & Rochat J, 2008. - Les Papillons de la Réunion et leurs chenilles ». Parthénon Collection. Publications scientifiques du Muséum
  • Benard S. et al, 2016. 2ème édition. La Réunion Faune et Flore. Le Guide Naturaliste
  • http://insectarium-reunion.fr/phorbant.htm
  • http://insectarium-reunion.fr/rhopalo.htm
  • www7.inra.fr/opie-insectes/pdf/i128guillermet.pdf
  • https://inpn.mnhn.fr/docs/LR_Reunion/Dossier_de_presse_Liste_rouge_faune_de_La_Reunion.pdf
  • https://www.galerie-insecte.org/galerie/view.php?ref=113256
  • https://www.reunion-parcnational.fr/fr
  • https://www.insee.fr/fr/statistiques/1294087
  • https://www.iucnredlist.org/species/16004/5351493

CC BY Attribution

La Pâture, le plus grand papillon endémique de la Réunion est en danger ; 20/12/2018 - www.notre-planete.info


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