Lafayette Anticipations

Anne Frank à l’épreuve de la société du spectacle

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Simon Fujiwara, Vue de l’installation “Likeness” à l’exposition “Simon Fujiwara : Revolution”, Lafayette Anticipations, Paris
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Simon Fujiwara, Vue de l’installation “Likeness” à l’exposition “Simon Fujiwara : Revolution”, Lafayette Anticipations, Paris, 2018

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© Andrea Rossetti

Pour Simon Fujiwara, le monde est un parc d’attractions. Sujets, objets, villes, organisations… Rien n’échappe à la mise en scène, tout est prétexte à un enrobage marketing. Le constat est amer, certes, mais il est pleinement assumé par ce trentenaire ultra-lucide. À l’heure où chacun devient sa propre marque et produit constamment des images sur les réseaux, ce Britannique installé à Berlin s’interroge sur l’effectivité du pouvoir de l’artiste.

Cynique et réaliste, il a pris le parti d’épouser ce régime de visibilité problématique et d’en exposer la chair et le squelette. Ainsi, l’artiste fait entendre sa voix dans ce climat de surabondance visuelle, dans ce brouhaha néo-libéral où les peaux sont lissées, où l’auto-entreprenariat est exalté et la consommation érigée en divinité. Pour cela, il n’hésite pas à user de méthodes spectaculaires et à s’appuyer sur les ressorts de nos sensibilités et références partagées. Voilà sa stratégie.

Simon Fujiwara, Vue de l’installation “Likeness” à l’exposition “Simon Fujiwara : Revolution”, Lafayette Anticipations, Paris, 2018

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© Andrea Rossetti

Simon Fujiwara, Vue de l’installation “Likeness” à l’exposition “Simon Fujiwara : Revolution”, Lafayette Anticipations, Paris, 2018

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© Andrea Rossetti

À la fondation Lafayette, Simon Fujiwara a placé à distance du spectateur une reproduction en cire de la victime la plus célèbre de la Shoah, Anne Frank. Des écrans retransmettent des images de la statue en question alors qu’elle est filmée par un bras robotique en mouvement. Étrange dialogue entre deux imitations d’être humain… Vision d’un futur, voire d’un présent, qui n’échappe pas à la médiatisation de la machine ?

C’est après avoir vu une reproduction de la jeune fille au musée Grévin que l’artiste a eu l’idée de cette installation. Loin de seulement vouloir choquer en se référant à cette personnification de l’horreur nazie, il expose ici une icône (prétendument) intouchable, mais mise à nu car scrutée de toute part. On ne le sait que trop bien : Anne Frank attire nombre de « visiteurs-consommateurs » et fait l’objet d’un musée, de produits dérivés et de multiples reproductions, online ou offline. Aussi chargées d’histoire et d’affects soient-elles, les images n’échappent pas à l’instrumentalisation par le capital – au contraire. Elles en sortent lessivées, plus ou moins dépossédées de leur valeur, et parfois tristement décontextualisées…

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Simon Fujiwara - Revolution

Du 13 octobre 2018 au 6 janvier 2019

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