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TRIBUNE

«Nous, citoyens de banlieue, soutenons les revendications sociales de la police»

Ce collectif de personnalités originaires des banlieues appelle à rapprocher la police des citoyens des quartiers populaires par un accroissement des moyens qui lui sont alloués et un renforcement de la formation des policiers.
par Réda Didi, président du think tank Graines de France, Wahiba Zedouti, maire adjointe (Saint Ouen), Mohamed Moulay, vice-président de la région Centre-Val de Loire, Aicha Boutaleb, présidente de FIL (Nantes), Samir Mihi président ADM (Clichy-sous-Bois), Mohamed Ragoubi, responsable national des quartiers populaires au DAL (Poissy), Abdelkrim Branine, journaliste et essayiste
publié le 21 décembre 2018 à 13h10

Tribune. Cette semaine, plusieurs manifestations de policiers ont eu lieu pour dénoncer le mal-être de la profession, le niveau des salaires, le déficit de reconnaissance et aussi la dégradation du rapport citoyens-police.

Aujourd’hui, la confiance est brisée et le dialogue est quasiment rompu entre une partie des citoyens et la police, mettant les fonctionnaires de police dans l’impossibilité de remplir correctement leurs missions. Trop nombreux sont les citoyens qui préfèrent éviter d’avoir affaire aux forces de l’ordre plutôt que s’adresser à elles lorsqu’ils sont victimes d’infractions. La police n’est donc plus perçue comme un garant de la sécurité de la population, comme une institution protectrice des libertés, mais comme un vecteur d’insécurité qui menace ces mêmes libertés.

Les jeunes se sentent particulièrement ciblés par ces pratiques abusives, qui dans leur dimension symbolique, ébranlent leur appartenance à la République par une remise en cause permanente de leur citoyenneté.

Ce diagnostic a été confirmé par le travail de terrain que nous menons depuis plus de dix ans qui a également mis en lumière la demande de sécurité des habitants des quartiers populaires : une police plus à l’écoute et en capacité d’être un véritable soutien pendant les moments de crise. Notre travail nous a également permis de constater que les fonctionnaires de police souffrent aussi de la dégradation de cette relation. Leurs conditions de travail sont extrêmement détériorées par le stress permanent et le danger, parfois mortel, de situations trop souvent conflictuelles. Les policiers en première ligne des situations conflictuelles sont souvent les plus jeunes et les moins expérimentés, qui dans leurs premières affectations sont présents sur le terrain dans des quartiers dits sensibles.

Cette situation est intolérable. N’oublions pas que, de toutes les institutions publiques, l’institution policière est l’une des plus visibles, si ce n’est la plus présente dans le quotidien de la population. Elle est en charge d’une mission fondamentale : garantir la sécurité et l’ordre public. Le droit à la sûreté doit être garanti sur l’ensemble du territoire de la République et il est urgent de rétablir le dialogue et ainsi de restaurer le respect mutuel car cette situation n’affecte pas seulement les relations citoyens-police mais altère le pacte républicain liant les citoyens à leurs institutions publiques.

Faire face à ces problèmes complexes et fermement enracinés nécessitera une batterie de mesures ciblées au sein d’une action plus globale visant à remettre la prévention à sa juste place, à rapprocher la police des citoyens et à accentuer son rôle de service public et en la dotant de moyens supplémentaires.

Il faut un engagement fort des responsables politiques et des mesures conséquentes afin que les changements nécessaires soient amorcés pour lutter contre les pratiques abusives. Cela nécessite :

- un renforcement de la transparence ;

- une véritable écoute de la population en matière de sécurité au niveau local qui passe par l’intégration d’une police du quotidien, proche du citoyen pour retisser les liens et assurer la sécurité de tous afin de restaurer une présence policière proche de la population ;

- l’organisation de rencontres régulières entre les différents acteurs concernés par les questions de sécurité au niveau local. Ces réunions citoyens-police-élus au niveau local permettront un dialogue véritablement ouvert et accessible à toute la population locale ;

- le renforcement de la formation initiale et continue des fonctionnaires de police ;

- la mise en pratique des règles déontologiques dans l’accomplissement des tâches quotidiennes ;

- la mise en œuvre de conditions humaines et matérielles incitant les fonctionnaires les plus gradés à rester sur les territoires les plus difficiles, et ce, pour limiter le «turn-over» actuel, facteur de dérives.

Avec nos parcours, nos histoires, nos vécus différents, nous sommes des citoyens engagés dans nos quartiers populaires et pour un meilleur rapport police-populations nous soutenons les revendications sociales des policiers.

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