La lettre politique

Chouard, Dieudonné, Ruffin

publié le 21 décembre 2018 à 17h14
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Bizarre, ce Ruffin. Journaliste alternatif puis représentant autoproclamé du peuple souffrant, député histrion, il prend les accents de Marat pour dénoncer indistinctement «les élites» de droite et de gauche, exhalant sa détestation obsessionnelle de Macron en truffant ses discours du mot «haine» comme le Père Duchesne ponctuait ses diatribes du mot «foutre» pour imiter le parler sans-culottes.

Une nouvelle facette du personnage vient d'apparaître. Plaidant pour le RIC, le référendum d'initiative citoyenne demandé par le mouvement des gilets jaunes, Ruffin a rendu un hommage appuyé à un certain Etienne Chouard, un prof de Marseille connu pour avoir, en 2005, sonné la charge contre le traité constitutionnel européen (TCE) et qui réclame depuis, sur son blog, l'instauration d'un RIC à sa sauce. Jusque-là rien de grave.

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L’ennui, c’est que ce Chouard est un drôle de pistolet. Peu après ses exploits numériques au moment du rejet du TCE, il s’est distingué en reprenant à son compte les thèses conspirationnistes à propos du 11 septembre, sur le thème «on ne vous a pas tout dit», mantra habituel des paranoïaques du complot, pour suggérer que la chute des tours de Manhattan était l’œuvre non de terroristes mais des services secrets occidentaux. Progressant dans l’élaboration de sa pensée politique, Chouard a ensuite montré une grande sympathie envers les thèses d’Alain Soral, antisémite officiel, plusieurs fois condamné, qui déverse lui aussi son fiel fascisant et antijuif sur le Net. Toutes choses qui ne semblent pas troubler Ruffin et qui font tousser ses camarades de La France insoumise.

D’anciens faits et gestes du député picard sont à cette occasion remontés à la surface. Par exemple, son utilisation du mot «quenelle», qui ne renvoie pas à une spécialité lyonnaise et débonnaire, mais au geste popularisé par Dieudonné, autre antisémite déclaré, également condamné en justice.

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Député, militant de longue date, Ruffin, dispose par construction d'un minimum de culture politique. Ses références à Chouard et à Dieudonné, deux olibrius qui ont occupé l'actualité dans les années passées, ne sauraient être le fruit d'une distraction ou d'une ignorance. Elles sont, au mieux, un clin d'œil à tout ce petit monde de la conspiration, de l'antimédias, de la haine des élites et de la fake news trumpisante qui grouille sur le Net. Au pire – et un député de la République devrait s'expliquer sur ce point –, on retrouve chez Ruffin les ambiguïtés historiques qui ont plusieurs fois entaché le mouvement ouvrier, quand des socialistes ou des progressistes ralliaient le général Boulanger, trouvaient des mérites à la France juive de Drumont, refusaient de soutenir Dreyfus ou encore se rapprochaient des ligues des années 30, au nom de la lutte contre les élites et de la saine colère du peuple.

Ruffin veut mélanger sans précaution le jaune des gilets au rouge et au vert de sa rhétorique d’extrême gauche. On voit, dans son cas, ce que donne un tel mélange de couleurs : du brun.