Un tsunami de démocratie directe est en train de submerger la France. Il est né du séisme des barrages et des ronds-points, tenus depuis la mi-novembre par les “gilets jaunes”. Il s’est transformé en vague début décembre, lors de la publication du manifeste en 42 points présenté par ces derniers avec, en tête, le fameux “référendum d’initiative citoyenne” (RIC).

Puis le raz-de-marée s’est mis à déferler au fil des manifestations et des annonces d’Emmanuel Macron, qui, mardi, a ouvert le chantier du futur grand débat politique national. Avis aux élus et aux politologues : une partie des citoyens français veulent désormais pouvoir parler, être entendus, et si possible contrôler l’action de leurs représentants durant le cours de leur mandat.

Cette revendication a aussitôt conduit la Suisse à se retrouver au cœur des discussions. Quid de nos “votations” ? Et s’il suffisait de puiser dans ce laboratoire politique qu’est la Confédération pour en extraire, prêt à l’emploi, ce “RIC” que tout le monde réclame dans l’Hexagone ? L’avalanche de questions fait sourire. Surtout lorsque des personnalités de premier plan, comme le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, nourrissent le débat en affirmant que la démocratie directe helvétique est souvent affaire de “quelques clics d’affairistes et de lobbyistes démasqués”.

La France a mal à sa démocratie

Les imperfections du système helvétique sont réelles. Mais ne serait-il pas plus judicieux, et en conservant son calme, de s’interroger sur ce qui ne fonctionne plus en France ? Et ce, en gardant bien évidemment les yeux ouverts sur l’instrumentalisation de cette fièvre référendaire, sur le terrain, par les militants du Rassemblement national de Marine Le Pen, résolus à capitaliser sur cette “colère jaune” ?

La vérité est simple : la France a mal à sa démocratie, corsetée depuis 1958 par une Ve République taillée historiquement pour le général de Gaulle et pour son goût du plébiscite. La verticalité du pouvoir élyséen, que François Hollande a en vain cherché à réformer et qu’Emmanuel Macron s’est employé à magnifier, devient vite insupportable lorsque la société rue dans les brancards. La stabilité que procure cette constitution de fer vire au carcan lorsque la majorité législative, dans la foulée de la présidentielle, met durant cinq ans tous les leviers du pouvoir dans les mains d’un homme ou d’un parti.

La référence à la Suisse et à ses votations doit être perçue dans ce contexte de souffrance institutionnelle. Il est bon que les Français, en cette période troublée, regardent ailleurs pour y chercher des solutions. À condition de bien comprendre que démocratie directe et tolérance vont de pair. Que la souveraineté du peuple s’exerce dans les urnes, pas dans la rue. Et que voter ne veut pas dire gagner, mais souvent perdre et l’accepter.