Lutter contre la fatigue hivernale

Quel est l’impact de la lumière naturelle sur notre santé ?

Publié par Marie-Anne Thomas et Hélène Bour  |  Mis à jour le par Mathilde Pujol

En collaboration avec Pr Damien Davenne (Chronobiologiste) et Dr Patrick Lemoine (Psychiatre)

Sommeil, humeur, mémoire, capacités d’apprentissage, ou encore immunité… La liste des effets biologiques de la lumière ne cesse de s’allonger. La bonne nouvelle : des solutions concrètes et des astuces existent pour compenser le manque de luminosité et pour maintenir votre rythme biologique. On fait le point.

La lumière pénètre dans l’organisme via des cellules de l’œil qui, reliées au cerveau, envoient l’information « jour » ou « nuit » à notre horloge biologique interne, une petite zone cérébrale située près de l’hypothalamus. Ainsi calée sur un cycle de 24 heures, l’horloge biologique donne le tempo au corps en lui envoyant différents signaux.

Par exemple le jour, l’horloge biologique entraîne la sécrétion d’hormones impliquées dans l’activité physique et cérébrale ; tandis que lorsque les yeux perçoivent l’obscurité, le cerveau se met à fabriquer des hormones nocturnes, telle la mélatonine, qui favorise le sommeil. Ces hormones, et bien d’autres encore, règlent en partie le rythme de notre organisme.

La lumière régule naturellement l’humeur

Il est connu qu’en période hivernale, un certain nombre de personnes souffre d’une baisse d’énergie et de motivation, doublée d’un besoin excessif de sommeil et d’une attirance pour les aliments sucrés : c’est le « trouble de l’humeur saisonnier », mis en évidence en 1982 par des chercheurs du National Institute of Mental Health (États-Unis), également appelé dépression saisonnière.

Ces chercheurs ont alors mis au point une technique de soins basée sur l’exposition à une lumière proche du spectre solaire.

Les solutions

  • Promenez-vous dès que possible à l’extérieur, ne serait-ce que lors de la pause déjeuner : même un ciel couvert, qui donne une luminosité d’environ 1 500 lux (unité de mesure de l’éclairement lumineux), a des propriétés bénéfiques sur le moral ;
  • Sinon, l’utilisation de lampes halogènes, à raison de 3 heures par jour, peut aider : en se réfléchissant sur des murs clairs, leur lumière blanche favorise la resynchronisation des rythmes de l’organisme.

Ce « manque de pêche » est pénible à supporter ? Tentez une cure de luminothérapie.« Cette technique s’avère efficace dans près de 85 % des cas, affirme le Dr Patrick Lemoine, psychiatre et directeur de recherche au CHU de Lyon. Une cure de luminothérapie doit agir comme un synchroniseur très puissant des horloges biologiques, à l’instar d’un jogging matinal… pas toujours facile à faire ! ».

La lumière du jour, bénéfique pour l’humeur et le sommeil

S’exposer suffisamment chaque jour à la lumière naturelle aurait un impact significatif sur notre humeur et la qualité de notre sommeil. C’est la conclusion d’une étude scientifique mise en ligne et publiée dans le numéro de décembre 2021 du Journal of Affective Disorders (source 1).

Menée auprès de 502 000 Britanniques issus de la base de données British Biobank, l’étude a révélé qu’un manque d’exposition à la lumière du jour était un facteur de risque de symptômes dépressifs, de mauvaise humeur et d’insomnie.

« Dans cette étude, nous avons observé que le plus grand temps d’exposition à la lumière extérieure pendant la journée était associé à moins de symptômes dépressifs, à une probabilité plus faible d’utiliser des antidépresseurs, à un meilleur sommeil et à moins de symptômes d’insomnie », a commenté Angus Burns, premier auteur de l’étude, dans un communiqué. Des résultats qui “peuvent s’expliquer par les impacts de la lumière sur le système circadien et les effets directs de la lumière sur les centres de l’humeur dans le cerveau”, a ajouté le chercheur.

Des ajustements mineurs au quotidien, comme le fait de sortir s’aérer en extérieur plutôt que de prendre sa pause à la machine à café, pourraient déjà faire la différence, estiment les auteurs.

« Une exposition insuffisante à la lumière du jour pourrait être un facteur clé contribuant à la mauvaise humeur et aux mauvais résultats du sommeil [présents] dans les troubles dépressifs. Mon conseil général pour tout le monde est simple : lorsque le soleil est de sortie, obtenez autant de lumière que possible, mais lorsqu’il se couche, restez dans l’obscurité. Votre corps vous remerciera », a conclu le Pr Sean Cain, qui a dirigé l’étude.

Le principe des lampes à luminothérapie

On recommande de s’exposer chaque matin, entre 10 et 30 minutes, à la lumière de lampes spécifiques de 10 000 lux (cela n’empêche pas de lire, de prendre le petit déjeuner ou de se maquiller), et de faire une cure de luminothérapie continue durant deux à trois semaines, puis poursuivre à la demande, jusqu’au mois d’avril. Une cure de luminothérapie est à éviter toutefois en cas de maladies de la rétine (car l’intensité lumineuse est forte et les yeux plus sensibles), de désordres psychiques tels qu’un syndrome maniaco-dépressif, ou encore si vous prenez des médicaments augmentant la sensibilité des yeux à la lumière (dérivés de la vitamine D3, médicaments contre l’acné à base d’isotrétonoïne, certains médicaments de chimiothérapie…).

La lumière augmente la vigilance

On se concentre plus facilement dans une pièce baignée de lumière qu’éclairée faiblement, et de surcroît avec une lumière artificielle. Ce lien entre lumière forte et vigilance est utilisé depuis plusieurs années dans les usines pour améliorer les performances et diminuer les accidents.

Plus récemment, il a été démontré que la lumière aide à rester éveillé lors de la conduite de nuit. Dans ce cas, ce n’est pas son intensité qui intervient mais sa couleur.

En 2006, des chercheurs américains ont constaté en testant diverses couleurs primaires que l’effet d’éveil était maximal avec la lumière bleue, celle du petit matin, même lorsque celle-ci est de faible intensité.

Les solutions

  • Avant de prendre le volant, et plus particulièrement si vous avez passé une partie de la journée dans un bureau sombre, prenez le temps de marcher à la lumière du jour lorsque la saison le permet ;
  • Pour la conduite de nuit, réglez l’écran du GPS de la voiture en mode nocturne, de couleur bleue. Inutile de boire plus de cafés : cet effet de la lumière serait au moins aussi efficace que les petits noirs avalés avant et pendant la route ;
  • S’il vous faut boucler un dossier pour le lendemain matin ou réviser un examen tard dans la soirée, restez sans scrupule devant votre écran d’ordinateur ou votre tablette : sa couleur bleutée augmente le niveau d’éveil et excite le cerveau.

La lumière régularise le sommeil

Dans l’idéal, une fois couché, lumières éteintes, nous ne tardons pas à sombrer dans les bras de Morphée pour nous réveiller sept à huit heures plus tard, frais et dispo. Sauf que la réalité n’est pas toujours celle-ci.

Notre sommeil dépend de la sécrétion de mélatonine

Produite exclusivement à l’obscurité, dès la tombée de la nuit, cette hormone entraîne la sensation de fatigue, abaisse la vigilance et nous prépare ainsi à dormir. Des difficultés d’endormissement peuvent venir d’une exposition trop tardive à des lumières artificielles comme les halogènes, ou celles qui ont une composante bleue comme la plupart des écrans informatiques. Du coup, vous repartez pour un tour, et adieu la mélatonine qui est l’une des clés du bon sommeil.

Les solutions

  • Pendant la journée, il s’agit de stimuler au maximum la vigilance pour que le sommeil soit récupérateur. « Par exemple, s’exposer à la lumière du matin et faire une activité physique », explique le Pr Damien Davenne, spécialiste en chronobiologie à l’université de Caen ;
  • Une heure avant de vous coucher, éteignez ordinateurs, téléviseurs et tablettes : ils sont éclairés par des diodes (Led) qui émettent une lumière stimulante ressemblant à celle du jour. On peut aussi changer la couleur de son écran avec le logiciel gratuit f.lux. Éteignez les lampes l’une après l’autre pour que l’ambiance lumineuse baisse doucement ;
  • Si le sommeil ne vient pas, plutôt que de se retourner dans son lit, mieux vaut lire, en privilégiant une lumière douce et chaude à dominante rouge, propice à l’endormissement ; les ampoules fluocompactes à moins de 4 000 degrés kelvin (blanc chaud) conviennent aussi.

La lumière donne de l’énergie

Le simple fait de voir la lumière du jour tôt le matin active la sécrétion de cortisol, une hormone indispensable à la forme. De plus, « notre horloge biologique contrôle plusieurs mécanismes impliqués dans le niveau d’énergie, explique Damien Davenne. Ainsi, la température corporelle diminue légèrement la nuit, tandis que le jour, elle est programmée à 37 °C, l’idéal pour que les muscles, notamment, fonctionnent de façon optimale ».

Les solutions

  • Essayer d’ouvrir les yeux toujours à la même heure, car l’horloge interne « programme » le moment où elle active le cortisol ;
  • Le week-end, il est préférable de ne pas prolonger les grasses matinées, même si l’on s’est couché très tard la veille : le sommeil du matin tend à dérégler l’horloge biologique, et de fait, la sécrétion de cortisol. C’est pour cette raison que l’on est souvent fatigué après avoir “trop” dormi… ;
  • Enfin, se rendre au travail à pied est un excellent moyen de stimuler son organisme.

La lumière renforce la solidité des os et le système immunitaire

La lumière du soleil permet la transformation, au niveau de la peau, d’une molécule dérivée du cholestérol en vitamine D. En plus de son rôle clé dans la minéralisation osseuse, la vitamine D participe au bon fonctionnement de notre immunité : elle accroît l’activité des macrophages, ces globules blancs qui « digèrent » les microbes et favorise la production de peptides anti-infectieux.

La vitamine D est également associée à un risque plus faible de certains cancers et d’accidents cardiovasculaires.

Les solutions

  • Une simple exposition des mains, des avant-bras et du visage, 5 à 15 minutes, deux à trois fois par semaine, tout au long de l’année, est conseillée pour synthétiser de la vitamine D, et ce pour un adulte à peau claire et en bonne santé ;
  • Parfois, la lumière d’hiver peut ne pas suffire, en particulier chez les personnes à forte pigmentation cutanée, celles qui souffrent de maladies liées à une mauvaise absorption intestinale ou encore qui suivent certains régimes végétariens favorisant les carences.

En cas de doute, votre médecin pourra vous prescrire un dosage sanguin de vitamine D et, si besoin, une supplémentation ponctuellede cette vitamine. Les lampes de luminothérapie certifiées médicales ne produisent pas d’UV, elles ne permettent donc pas la production de vitamine D.

Quelle est l’importance de la lumière naturelle dans la vie de tous les jours ?

Grâce à la lumière naturelle, notre horloge biologique reste synchronisée. Et chaque année, en hiver, c'est le même phénomène : nous allons manquer de lumière pendant trois à quatre mois. De quoi mesurer à quel point la lumière du jour nous est précieuse, pour notre moral comme pour notre santé.

Pourquoi l’éclairage naturel est indispensable aux activités humaines ?

En effet, le travail mené dans un espace sans fenêtre, ou de nuit, perturbe l’horloge biologique : des études montrent que l’absence de lumière du jour génère des troubles du sommeil, de la vigilance et des performances cognitives. L’absence de lumière du jour pourrait aussi augmenter les risques de maladies métaboliques comme le diabète.

Si vous avez un travail de nuit ou si vous travaillez dans un espace sans accès à la lumière du jour :

  • Privilégiez si possible les rotations de périodes courtes (changement de poste tous les 2-3 jours) afin de ne pas laisser au corps le temps de changer son horloge biologique, ou compensez avec une lumière vert bleutée près de votre poste de travail, qui mime la lumière de jour.
  • Quand on travaille de nuit, il est conseillé de rentrer chez soi en portant des lunettes aux verres orangés, afin d’atténuer la lumière intense du matin et de simuler la nuit.

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