Portrait

À 63 ans, Hubert Guérin laisse derrière lui sa ferme et le travail d’une vie à La Godivelle (Puy-de-Dôme)


Hubert Guérin, cet agriculteur à "l'ancienne" prend sa retraite au soir du 31 décembre
Installé sur le plateau du Cézallier depuis l’enfance, Hubert Guérin, paysan et producteur de lait, a effectué sa dernière traite au soir du 31 décembre. À 63 ans et sans repreneur, il laisse derrière lui le travail d’une vie et une manière de faire qui disparaît peu à peu.

«Vous croyez que ça va intéresser les gens ? ». Dans son étable, la plus ancienne de La Godivelle, construite en 1840, Hubert Guérin regarde ce qui lui reste de son troupeau de vaches rustiques avec l’air dubitatif.

À 63 ans, ce paysan humble et timide enfile une dernière fois sa combinaison verte pour la traite avant de prendre sa retraite sans avoir conscience qu’avec lui, ce n’est pas seulement un éleveur qui prend sa retraite mais que c’est toute une manière de faire qui disparaît peu à peu. Le morceau d’une histoire vieille de plus d’un demi-siècle et qui ne se répétera plus.


« Je suis ici depuis l’âge de dix ans, explique Hubert en regardant les poules circuler librement devant son étable. J’ai pris la suite de mes parents machinalement. » Ici, c’est le village de La Godivelle, plus petite commune du Puy-de-Dôme perchée sur le plateau venté et neigeux du Cézallier et peuplée d’une douzaine d’habitants à l’année. « J’ai repris la ferme familiale de production de lait en 1983, précise-t-il. Au plus fort de l’activité, j’avais entre 60 et 70 bêtes sur 76 hectares mais depuis quelques années, j’ai diminué à une trentaine de vaches. »

Couronne, Violette, Gentiane… toutes les bêtes de ce troupeau hétéroclite de Montbéliardes, de Vosgiennes et de Salers brunes et noires ont un nom. « Ce qui est important pour moi, c’est la rusticité, l’authenticité des bêtes et du territoire, avoue calmement le sexagénaire. Je ne produis pas beaucoup, entre 4.000 et 5.000 litres de lait par vache à l’année. »

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« C’est dur car ce n’est plus humain »

Une exploitation à taille humaine avec une philosophie qui disparaît peu à peu. « En 50 ans, j’ai plein de bons souvenirs avec les fêtes de village et les foires où on amenait les vaches à pied sur cinq kilomètres jusqu’à Brion. On aimait ça parce que c’était humain. Au fil des ans, j’ai vu cette humanité disparaître petit à petit mais c’est normal, explique Hubert, conscient d’être la dernière génération à travailler de cette manière. Aujourd’hui, on demande aux jeunes d’avoir des grandes exploitations aseptisées, on ne peut plus vivre « à l’ancienne » en faisant la traite dans l’étable avec le veau à côté. D’ailleurs, aujourd’hui, les paysans ne peuvent plus vivre du tout, ils survivent. Ces dernières années, je ne vivais plus de mon travail comme pouvaient le faire mes parents mais de subventions. On vivait. Maintenant, on produit. Ça, c’est dur parce que ce n’est plus humain. »

« Un sentiment de liberté »

D’ici le printemps, toutes ses bêtes seront vendues et c’est une des deux dernières exploitations du village qui disparaît. « J’ai commencé à vendre le troupeau petit à petit. Oui, c’est triste car c’est toute ma vie, avoue Hubert. Mais j’ai également un sentiment de liberté. Cette exploitation, c’est toute ma vie depuis l’âge de 14 ans où toutes mes journées ont été rythmées par le travail sans vraiment avoir de place pour une vie de famille. » En fouillant dans sa mémoire, le sexagénaire va même plus loin pour révéler la part d’ombre de ce métier. « Quand j’étais jeune, mes parents ne me laissaient que très rarement sortir parce qu’il y avait toujours des tâches agricoles à faire. Quand on y repense, c’était presque de l’esclavage. Aujourd’hui, le métier a évolué mais je tire mon chapeau à tous les jeunes qui veulent se lancer. »


C’est le cas de Julien Brof, 19 ans, qui devrait reprendre une partie des terres d’Hubert pour produire du saint-nectaire mais cela demande des investissements considérables pour construire des bâtiments modernes. « Je veux m’installer ici parce que c’est un pays plaisant. Je connais les difficultés mais ça ne me fait pas peur », avoue le jeune homme sous le regard admiratif d’Hubert. 

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Pour le sexagénaire, la suite sera différente. « J’ai envie de voir autre chose que ce que j’ai vu toute ma vie. Voyager et découvrir. »

Où ? « Je ne sais pas encore mais dans un endroit où il n’y a pas de neige ! »

Texte : Rémi Pironin
Photos : Franck Boileau
Vidéo : Stéphanie Delannes

Hommage. Au soir du 31 décembre, les habitants du village ont accompagné l’éleveur à sa dernière traite et organisé une fête en l’hommage « d’un vrai paysan et d’un homme extraordinaire, humble et gentil » selon les mots de Jacques Sigaud, président du comité des fêtes de la commune et de Véronique Tixier-Desmarie, adjointe au maire de la commune.


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13 commentaires

Amanda ELeonore a posté le 22 novembre 2020 à 22h19

Une personne courageux. Je souhaite de savoir après et maintenant.

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verdurin a posté le 04 janvier 2019 à 13h35

Ce qui est intéressant c’est qu’il dit qu’il vivait de subventions...donc de mes impôts...c’est dingue le nombre de gens vivant des impôts ou plus exactement de prélèvements obligatoires...c’est la même chose et donc les médecins, pharmaciens et dentistes qui se disent professions libérales et le entreprises vivant de marche public...et bien ce sont tous des fonctionnaires et pourtant ils critiquent les fonctionnaires...

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