«Vous croyez que ça va intéresser les gens ? ». Dans son étable, la plus ancienne de La Godivelle, construite en 1840, Hubert Guérin regarde ce qui lui reste de son troupeau de vaches rustiques avec l’air dubitatif.
À 63 ans, ce paysan humble et timide enfile une dernière fois sa combinaison verte pour la traite avant de prendre sa retraite sans avoir conscience qu’avec lui, ce n’est pas seulement un éleveur qui prend sa retraite mais que c’est toute une manière de faire qui disparaît peu à peu. Le morceau d’une histoire vieille de plus d’un demi-siècle et qui ne se répétera plus.
« Je suis ici depuis l’âge de dix ans, explique Hubert en regardant les poules circuler librement devant son étable. J’ai pris la suite de mes parents machinalement. » Ici, c’est le village de La Godivelle, plus petite commune du Puy-de-Dôme perchée sur le plateau venté et neigeux du Cézallier et peuplée d’une douzaine d’habitants à l’année. « J’ai repris la ferme familiale de production de lait en 1983, précise-t-il. Au plus fort de l’activité, j’avais entre 60 et 70 bêtes sur 76 hectares mais depuis quelques années, j’ai diminué à une trentaine de vaches. »
Couronne, Violette, Gentiane… toutes les bêtes de ce troupeau hétéroclite de Montbéliardes, de Vosgiennes et de Salers brunes et noires ont un nom. « Ce qui est important pour moi, c’est la rusticité, l’authenticité des bêtes et du territoire, avoue calmement le sexagénaire. Je ne produis pas beaucoup, entre 4.000 et 5.000 litres de lait par vache à l’année. »
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« C’est dur car ce n’est plus humain »
Une exploitation à taille humaine avec une philosophie qui disparaît peu à peu. « En 50 ans, j’ai plein de bons souvenirs avec les fêtes de village et les foires où on amenait les vaches à pied sur cinq kilomètres jusqu’à Brion. On aimait ça parce que c’était humain. Au fil des ans, j’ai vu cette humanité disparaître petit à petit mais c’est normal, explique Hubert, conscient d’être la dernière génération à travailler de cette manière. Aujourd’hui, on demande aux jeunes d’avoir des grandes exploitations aseptisées, on ne peut plus vivre « à l’ancienne » en faisant la traite dans l’étable avec le veau à côté. D’ailleurs, aujourd’hui, les paysans ne peuvent plus vivre du tout, ils survivent. Ces dernières années, je ne vivais plus de mon travail comme pouvaient le faire mes parents mais de subventions. On vivait. Maintenant, on produit. Ça, c’est dur parce que ce n’est plus humain. »
« Un sentiment de liberté »
D’ici le printemps, toutes ses bêtes seront vendues et c’est une des deux dernières exploitations du village qui disparaît. « J’ai commencé à vendre le troupeau petit à petit. Oui, c’est triste car c’est toute ma vie, avoue Hubert. Mais j’ai également un sentiment de liberté. Cette exploitation, c’est toute ma vie depuis l’âge de 14 ans où toutes mes journées ont été rythmées par le travail sans vraiment avoir de place pour une vie de famille. » En fouillant dans sa mémoire, le sexagénaire va même plus loin pour révéler la part d’ombre de ce métier. « Quand j’étais jeune, mes parents ne me laissaient que très rarement sortir parce qu’il y avait toujours des tâches agricoles à faire. Quand on y repense, c’était presque de l’esclavage. Aujourd’hui, le métier a évolué mais je tire mon chapeau à tous les jeunes qui veulent se lancer. »
C’est le cas de Julien Brof, 19 ans, qui devrait reprendre une partie des terres d’Hubert pour produire du saint-nectaire mais cela demande des investissements considérables pour construire des bâtiments modernes. « Je veux m’installer ici parce que c’est un pays plaisant. Je connais les difficultés mais ça ne me fait pas peur », avoue le jeune homme sous le regard admiratif d’Hubert.
Pour le sexagénaire, la suite sera différente. « J’ai envie de voir autre chose que ce que j’ai vu toute ma vie. Voyager et découvrir. »
Où ? « Je ne sais pas encore mais dans un endroit où il n’y a pas de neige ! »
Texte : Rémi Pironin
Photos : Franck Boileau
Vidéo : Stéphanie Delannes
Hommage. Au soir du 31 décembre, les habitants du village ont accompagné l’éleveur à sa dernière traite et organisé une fête en l’hommage « d’un vrai paysan et d’un homme extraordinaire, humble et gentil » selon les mots de Jacques Sigaud, président du comité des fêtes de la commune et de Véronique Tixier-Desmarie, adjointe au maire de la commune.
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13 commentaires
Amanda ELeonore a posté le 22 novembre 2020 à 22h19
Une personne courageux. Je souhaite de savoir après et maintenant.
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verdurin a posté le 04 janvier 2019 à 13h35
Ce qui est intéressant c’est qu’il dit qu’il vivait de subventions...donc de mes impôts...c’est dingue le nombre de gens vivant des impôts ou plus exactement de prélèvements obligatoires...c’est la même chose et donc les médecins, pharmaciens et dentistes qui se disent professions libérales et le entreprises vivant de marche public...et bien ce sont tous des fonctionnaires et pourtant ils critiquent les fonctionnaires...
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impala a posté le 02 janvier 2019 à 19h34
chapeau bas, Monsieur ! vous avez effectué un travail noble, mais dur et ingrat, toute votre vie, et de manière invisible. aujourd'hui, je doute que quelqu'un fasse pareil, à commencer par moi d ailleurs. vraiment, vous êtes un brave, bravo , et j espere que vous profiterez dorénavant de votre temps.
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Noel a posté le 02 janvier 2019 à 18h49
Meilleurs voeux Hubert, pour une bonne et longue retraite. Bravo de vouloir entreprendre autre chose, car, il n'y a pas d'âge pour apprendre ( peinture , musique, etc...) C' est bien plus qu' un village qui vous accompagne. Vous forcez l'admiration de tous .
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père Noël a posté le 02 janvier 2019 à 18h00
respect a ce monsieur, c'est un peu triste mais c'est le cours de la vie c'est ainsi. j'admire ces personnes qui travaillent dur. profitez en bien mon bon monsieur.,!!
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eba a posté le 02 janvier 2019 à 16h31
Longue et belle retraite largement bien méritée à cet homme.
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Michael a posté le 02 janvier 2019 à 16h11
c'est dommage de devoir attendre la retraite pour pouvoir vivre.... quel tristesse
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joyeux a posté le 02 janvier 2019 à 15h01
respect et admiration à ce Monsieur
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Hélène Garcia-romeral a posté le 02 janvier 2019 à 13h20
Hubert est un homme exceptionnel, qui a énormément de qualités. Il est naturel et droit, je suis d autant plus très heureuse de l avoir rencontré. Il laisse derrière lui, un savoir-faire authentique, mais il est temps pour lui de passer à autre chose...une autre vie commence, remplie de bonheur et de découvertes qu il merite amplement. Un grand homme courageux avec un grand coeur , humble et honnête.
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laissez les vivre a posté le 02 janvier 2019 à 12h50
respect et admiration à ce Monsieur
Hélène Helena a répondu le 02 janvier 2019 à 17h44 Merci pour votre message
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Nathalie a posté le 02 janvier 2019 à 10h16
Bonjour je voudrais que M Hubert Guérin sache qu'il est un homme admirable, vaillant et lucide. qu'il peut être fier de lui, de son métier, de son engagement, de son amour pour ses bêtes. je lui souhaite une belle année, douce et sereine à vivre, jonchée de belles rencontres et belles surprises. meilleurs vœux à vous aussi. bien cordialement. Nathalie, une parisienne de Clermont Ferrand.
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Mon Avis a posté le 02 janvier 2019 à 09h28
C'est bien triste...
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