Vitrail sur l'épisode de l'arche de Noé
Auteur de l’article
  Chercheur au CNRS en écologie et biologie de la conservation, Vincent Devictor s'intéresse aux causes et aux conséquences de la crise de la biodiversité. Cette crise correspond au déclin des espèces et à la dégradation des habitats naturels engendrés par les activités humaines (urbanisation, intensification agricole, changement climatique). Pour lui, ces recherches nécessitent une approche aussi bien scientifique de l'écologie qu'une réflexion philosophique sur le sens de nos actions.
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Combien y a-t-il d’espèces vivantes en tout ?


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Plus de 90 % des espèces vivantes n'ont pas encore été découvertes !

Combien y a-t-il d’espèces vivantes en tout ?

La question peut sembler absurde. Comment (et surtout pourquoi) connaître le nombre « total » d’espèces sur terre ? Cette question est pourtant intimement liée au concept de biodiversité. En contemplant une fourmilière, cette question a resurgi brutalement. Voici vers quoi ma réflexion s’est hasardée :


Est-il possible d’établir un « état zéro » de la diversité biologique ?
Peut-on mesurer les taux d’extinction et d’apparition globaux des espèces ?


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Avant l’émergence de la notion de biodiversité, la diversité du vivant est bien entendu une caractéristique centrale que les scientifiques cherchent à connaître et à expliquer. L’accumulation de spécimens lors des grandes expéditions naturalistes témoigne de cette fascination pour la diversité des espèces. Pour comprendre l’origine de cette diversité, les sciences de l’évolution ont joué un rôle clef depuis Darwin.

Mais la notion de « biodiversité » ajoute quelque chose à cette accumulation de collections d’espèces emmagasinées sans fin dans les musées. Edward Wilson qui confère au concept de biodiversité sa dimension scientifique a cette intuition que des espèces disparaissent « avant même que nous le sachions ». Et pour cause ! Wilson s’intéresse particulièrement aux fourmis et suggère que de nombreuses espèces discrètes s’éteignent après la destruction d’une forêt. Combien d’espèces et de milliers de fourmis sont-elles perdues lorsque la forêt disparaît ?

Pour Wilson, la diversité biologique est cette diversité « qu’il reste à découvrir ». Autrement dit, la biodiversité désigne les espèces que l’on voit mais aussi et surtout celles que l’on ne voit pas et qui risquent de disparaître « avant même que nous nous en apercevions ».

Etablir un « état zéro » de la diversité biologique s’impose dès lors pour les écologues comme une nécessité. Car pour savoir ce qui disparaît, encore faut-il savoir ce qui existe. En 1982, Edward Wilson tente ainsi de faire la synthèse sur l’état des connaissances de cette diversité « totale » du vivant. Savoir estimer la diversité du vivant globalement devient une question de base en écologie, comme celle de savoir estimer la circonférence de la terre ou la vitesse du son en physique.

Wilson propose, en se basant sur la somme des espèces connues à son époque (1,4 millions d’espèces) un chiffre total de 5 millions. Mais déjà deux difficultés se présentent :

Premièrement, une hétérogénéité majeure dans la répartition du nombre des espèces au sein des groupes (le groupe des insectes décrits totalisant 750 000 espèces contre 41 000 espèces de vertébrés). D’ailleurs, un effort de prospection accrue dans certaines régions suggère déjà que cette estimation est elle-même tout à fait incertaine.

Des prélèvements dans la forêt péruvienne laissent penser, à l’époque de Wilson, que les insectes sont si nombreux que le nombre d’espèces atteindrait non pas 5 millions mais 30 millions. Il faut donc être capable de tenir compte de l’extrême diversité présente dans certains groupes et ne pas s’arrêter aux espèces faciles à observer. Les fourchettes d’estimations sont phénoménales.

La deuxième difficulté tient dans le biais majeur de notre connaissance des différents groupes. Les insectes, champignons, bactéries et autres micro-organismes étant largement inconnues par rapport aux espèces de vertébrés. Pire, la notion même « d’espèce » a de multiple définitions. S’il peut sembler facile de distinguer deux espèces de mammifères (lorsque l’on définit l’espèce comme représentant des individus interféconds), la chose est beaucoup moins aisée pour d’autres groupes pour lesquels le même critère a peu de sens (pour des organismes asexués par exemple).

Ces estimations ne cessent depuis Wilson d’être reprises et requalifiées. Aucun outil technologique ne permet d’estimer correctement ce chiffre avec une méthode fiable. Des méthodes détournées sont donc régulièrement proposées. Toutes reposent sur des extrapolations. L’idée consiste à extrapoler des règles d’associations entre un nombre d’espèces et d’autres paramètres bien plus faciles à étudier.

Par exemple, une relation relativement stable est généralement établie entre le nombre d’espèces présentes dans un endroit et la surface de cet endroit. Il suffirait de prolonger cette relation jusqu’à la surface totale du globe pour en déduire le nombre total d’espèces présentes. Ou alors, on peut extrapoler la courbe de description des nouvelles espèces au cours du temps. A chaque décennie, le nombre d’espèces nouvellement décrites diminue et l’on peut prolonger la courbe d’accumulation en supposant que celle-ci va finir par saturer vers le nombre total d’espèces. En utilisant cette méthode des auteurs ont récemment proposé un chiffre de 8,7 millions d’espèces environ.

En gros, ces méthodes suggèrent qu’il y aurait entre 2 et 100 millions d’espèces en tout (en excluant les virus et les bactéries pour lesquels il est difficile de parler d’espèces) et les estimations récentes s’accordent plutôt autour de 5 millions. Mais toutes ces estimations sont controversées et pour résoudre la question, une méthode fiable d’estimation à l’abri des biais n’est toujours pas disponible.

En fait, ces estimations n’ont pas réellement fait progresser le problème posé par Wilson et sa question demeure : sommes-nous en train de perdre des espèces « avant même de pouvoir les nommer » ?

Cette question risque bien de demeurer sans réponse non seulement à cause de la difficulté de produire une estimation fiable du nombre d’espèces mais aussi parce que le taux d’extinction global des espèces (le nombre d’espèces qui s’éteint chaque année) est lui-même tout aussi incertain (celui-ci varie entre espèces, dans le temps, dans l’espace etc…). Les chiffres de 1 à 5 % d’extinction d’espèces par décennie est souvent retenu comme représentant le taux d’extinction global d’espèces connues.

Le taux « d’apparition » d’espèces (on parle de spéciation) est encore plus difficile à estimer. Ce chiffre reposerait sur la comparaison du nombre d’espèces total vivantes aujourd’hui et du nombre d’espèces éteintes dans le passée. Des estimations grossières aboutissent à une moyenne d’apparitions de trois espèces par an. Mais les incertitudes se multiplient, rendant ce chiffre plus qu’incertain.

De plus, si l’extinction d’une espèce peut être facile à définir (la disparition du dernier individu) l’apparition d’une espèce est un processus continu, difficile à identifier et faisant l’objet d’hybridations, de changements imperceptibles et s’étalant sur le long terme. Bref, autant dire que proposer un chiffre global du nombre d’apparition d’espèces est absurde. Et, au fond, si une espèce disparaît ou apparaît sans que personne ne s’en aperçoive, quelle importance ?

Ce qui est sûr, c’est que nous connaissons encore seulement qu’une partie des espèces existantes sur la terre et dans les océans. Plus de 90 % des espèces restent à découvrir. Ce que ces estimations et leurs incertitudes démontrent aussi c’est que ces chiffres ont peu de valeurs en eux-mêmes.

La tendance actuelle en écologie cherche d’ailleurs plutôt à se concentrer sur le processus de diversification et d’extinction que sur un nombre fixe d’espèces « en tout ». La recherche de ces chiffres n’en demeure pas moins intéressante et permet de mieux connaître la biodiversité globalement, ce qu’elle représente et comment elle s’inscrit dans une dynamique historique.

Les fourmis, elles, semblent bien détachées de cette obsession des mesures !

Vincent Devictor
Chargé de recherche au CNRS en écologie et biologie de la conservation
L’écoblog

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