Des dizaines de tentes s'étalent sur l'avenue du président Wilson, à Saint-Denis. Depuis le mois d'août, des migrants vivent ici dans des conditions très difficiles. Crédit : InfoMigrants
Des dizaines de tentes s'étalent sur l'avenue du président Wilson, à Saint-Denis. Depuis le mois d'août, des migrants vivent ici dans des conditions très difficiles. Crédit : InfoMigrants

Les démantèlements et la pression policière à Paris poussent les migrants toujours plus vers le nord de la capitale. Depuis la fin août, ils sont de plus en plus nombreux à camper à Saint-Denis. Les associations d’aide aux migrants réclament une mise à l’abri en urgence.

Tout est calme au petit matin sur l’avenue du président Wilson, à Saint-Denis. Depuis la fin de l’été, des dizaines de tentes sont installées le long de cette avenue qui relie Saint-Denis à Paris. Les baluchons de vêtements que les migrants installent dans les arbres de l’avenue pour éviter qu’ils soient emportés par les services de nettoyage font désormais partie du paysage.

Apparu à la fin du mois d’août, le campement ne cesse de prendre de l’ampleur. Le collectif solidarité migrants Wilson estime qu’entre 300 et 400 personnes y dorment. La mairie évoque, elle, le nombre de 150 personnes.

Durant la journée, les migrants mettent leurs affaires à l'abri dans les arbres de l'avenue Wilson. Crédit : InfoMigrants>> À lire : Quatorze associations dénoncent la "faillite" de l'État français dans la "protection" des migrants

Auparavant limités au nord de Paris par le périphérique, les campements débordent aujourd’hui sur l’avenue Wilson. Pour échapper aux évacuations policières systématiques autour de la porte de La Chapelle et d’Aubervilliers, les migrants s’installent de plus en plus au nord de la capitale.

"Le ministère de l’intérieur, la ville de Paris et la préfecture sont dans une stratégie d’invisibilité", estime Philippe Caro, membre du collectif Wilson et conseiller municipal PCF-Front de gauche. Pour la mairie de Saint-Denis, l’arrivée des migrants sur l’avenue Wilson est le résultat du "durcissement des consignes de la préfecture sur Paris qui empêche toute installation" dans la capitale. "Mais les gens n’ont pas disparu. Ils vont là où on ne les déloge pas et c’est vrai que nous n’avons pas demandé d’évacuation", ajoute la municipalité contactée par InfoMigrants.,

Tous les jeudis matin, le collectif distribue un petit-déjeuner en face de l’église Sainte-Geneviève de la Plaine. Un gobelet de café à la main, Salah, un Soudanais de 29 ans, originaire du Darfour, raconte qu’il a vécu pendant plus d’un an porte de la Chapelle. Mais depuis trois mois, lassé des expulsions policières, il préfère venir dormir à Saint-Denis.

Désormais, un certain nombre de nouveaux arrivants à Paris s’installent directement à Saint-Denis. C’est le cas de Mohammed Saleh. Arrivé en France il y a un mois, ce Somalien de 24 ans n’a passé que quelques jours à la porte de la Chapelle avant de "suivre le flux" vers Saint-Denis, explique-t-il.

>> À lire : Une journée dans l'enfer des migrants, porte de la Chapelle, à Paris

La mairie communiste estime que la présence de centaines de personnes à la rue pose moins problème en Seine-Saint-Denis qu’à Paris. "On a plus l’habitude de voir des migrants et des personnes qui sont en difficulté sociale en banlieue. Résoudre le problème semble moins urgent quand c’est à Saint-Denis que quand c’est dans le centre de Paris."

"On n’a rien sauf ce que nous donnent les associations"

Sur les trottoirs de l’avenue du président Wilson, comme dans tous les campements de Paris, les conditions de vie des migrants sont extrêmement difficiles. "On ne peut pas se laver, on ne peut pas laver nos vêtements. On n’a rien sauf ce que nous donnent les associations", déplore Salah.

Heureusement, les mois passant, un réseau de solidarité s’est constitué autour de l’avenue. Plusieurs collectifs de riverains se sont créés et il est courant que des habitants apportent spontanément à manger aux migrants du camp.

Des toilettes ont été installés sur l'avenue Wilson, jeudi 3 janvier 2019. Crédit : collectif solidarité migrants WilsonLa mairie souligne que "cette situation particulière avec ces centaines d’hommes seuls à la rue est bien au-delà des capacités de la ville." Elle réclame une mise à l’abri des migrants, rappelant qu’il s’agit "avant tout d’une responsabilité de l’État".

Évacuations ponctuelles

Pour reloger une partie des migrants de l’avenue, la mairie a proposé d’ouvrir un centre de vacances municipal dans le Val d’Oise. La préfecture n’a pas encore donné de réponse mais, pour le collectif Wilson, la solution est loin d’être idéale. "Le centre se trouve à une heure de route de Saint-Denis. Ce n’est pas pratique car la plupart des personnes ont des démarches à effectuer à Paris […] Par ailleurs, cela ne concernerait que 30 à 40 personnes, 50 tout au plus. Que fait-on des autres ?", questionne Philippe Caro.

À Saint-Denis, les migrants ne subissent pas le harcèlement policier mais n'en sont pas complètement exempts. Les forces de l'ordre viennent déloger les migrants "certains matins", mais à un rythme moins fréquent que dans la capitale. 

La mairie, elle, fait valoir que l’avenue Wilson "ne supporterait pas l’installation d’un campement durable". Pourtant, la plupart des occupants, des "dublinés", devraient rester là un certain temps. Ayant laissé leurs empreintes en Italie, ils doivent attendre au moins 6 mois avant de pouvoir déposer une demande d’asile en France.

Salah, le Soudanais, a conscience que son attente risque d’être encore longue. Le jeune homme ne supporte plus d’être à la rue et souffle : "Tout ce que je demande c’est une protection, seulement après je pourrai commencer à réfléchir à ce que je veux faire de ma vie."

 

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