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Mon enfant a un ami imaginaire : et si ça l’aidait à grandir ?

En général, c'est entre trois ans et cinq ans que les enfants commencent à s'inventer des amis imaginaires. Shutterstock

Les amitiés de jeunesse s'écrivaient autrefois dans les cours d'école ou sur les terrains de sport, lors d'un goûter d'anniversaire ou une colonie de vacances. Mais à coup de « tchats  » et de « likes », les réseaux sociaux font bouger les lignes. Comment les enfants et les adolescents définissent-ils et considèrent-ils l'amitié aujourd'hui ? De la psychologie à la sociologie, les chercheurs tentent de percer dans cette série « les lois de l'amitié ». Après deux épisodes sur les amitiés adolescentes, leur importance, et la manière dont les réseaux sociaux les influencent, après un regard sur les ressorts des amitiés pendant l'enfance et quelques réflexions sur le contexte scolaire, on se penche sur une situation plus atypique, celle des amitiés fictives.


Si les psychologues ont commencé à se pencher au début du XIXe siècle sur la question des « amis imaginaires », c’est d’abord parce qu’ils craignaient que ce soit le symptôme d’une instabilité émotionnelle ou de problèmes psychologiques. Au vu des avancées de la recherche depuis deux décennies, il est devenu évident que c’est tout le contraire : de tels amis manifesteraient en fait un progrès de l’enfant dans son développement.

Le fait d’avoir un ami imaginaire est un phénomène étonnamment répandu. La plupart des gens connaissent quelqu’un qui a eu un camarade de jeu imaginaire quand il était jeune, ou en ont eu un eux-mêmes. Des études ont révélé que 65 % des enfants sont concernés.

En général, c’est entre trois ans et cinq ans qu’ils commencent à s’inventer des amis imaginaires. Ce phénomène a été observé dans le monde entier, chez des enfants de culture anglophone, comme chez des enfants du Kenya, du Japon ou encore du Népal. Et cela ne concerne pas seulement les enfants dont le développement psychologique suit un schéma classique, mais aussi ceux qui sont atteints de trisomie 21 ou d’autisme.

Les raisons pour lesquelles ils vont s’inventer des amis sont nombreuses et variées. De plus, chacun de ces compagnons de jeu fictif est unique, et signifie quelque chose de spécial pour son créateur. Mais l’une de leurs premières fonctions est tout simplement de soulager la solitude. Avec ces personnes imaginaires, on a toujours quelqu’un avec qui jouer. C’est pour cela que les aînés ou les enfants uniques sont plus susceptibles de se créer ce genre d’amis.

Autre motif classique du recours à un ami imaginaire : avoir quelqu’un à accuser de ses maladresses ou de ses bêtises. Selon leurs créateurs, les amis imaginaires peuvent être montrés du doigt en cas de vitres cassées ou de chambres mal rangées.

Mieux se connaître

Des recherches ont révélé que les enfants ayant des amis imaginaires sont plus à l’aise en société. Ils ont par exemple plus de facilité à se mettre à la place des autres. En clair, ils sont capables de concevoir que d’autres aient une manière différente d’envisager les choses, ce qui peut les aider dans leurs relations sociales.

D’autres études ont montré que les enfants qui ont des amis imaginaires se concentrent davantage sur les traits de caractère que sur l’apparence des autres. Quand on leur demande de décrire certains de leurs amis réels, par exemple, ils sont plus enclins à évoquer leur personnalité que des caractéristiques physiques. Ils ont aussi une meilleure connaissance d’eux-mêmes et comprennent que leurs pensées ne sont pas visibles de l’extérieur – ce que les enfants ont souvent du mal à percevoir.

D’autres études encore ont montré que les enfants ayant des amis imaginaires sont plus créatifs que les autres. Cependant, à l’heure actuelle, il est difficile de dire précisément si les amis imaginaires sont la cause de tous ces bénéfices, ou si, en fait, ce sont les enfants les plus créatifs et sociables qui sont tout simplement plus susceptibles d’avoir ce genre d’amis. Cela dit, il est probable que jouer avec un ami imaginaire renforce au fil du temps les compétences sociales de l’enfant, même si celles-ci étaient déjà bonnes au départ.

Une étape de l’enfance

Toutes ces conclusions mettent en avant des enjeux sociaux et émotionnels importants dans l’enfance. En grandissant, on a en général plus de possibilités de se faire de nouveaux amis et on passe moins de temps seul. On comprend aussi mieux les relations sociales.

Toutefois, si la plupart des enfants cessent de jouer avec des amis imaginaires au bout de quelques années, d’autres continuent de leur consacrer du temps. Et les chercheurs ont découvert que les effets positifs des amis imaginaires se maintiennent. Les adolescents atteints de troubles du comportement qui ont des amis imaginaires arrivent à s’adapter plus facilement que les autres.

Les adultes aussi peuvent avoir des amis imaginaires, mais c’est rare. Certains prétendent d’ailleurs que les auteurs en ont à travers leurs personnages qui peuvent faire des choses auxquelles leurs créateurs ne s’attendaient pas quand ils se sont mis à écrire. De quoi les aider à construire leurs propres histoires.

Quelle attitude pour les parents ?

Les parents se demandent souvent comment ils doivent réagir par rapport à ces amis imaginaires. Les résultats de la recherche suggèrent que la meilleure chose à faire est d’accepter ce camarade fictif et de jouer le jeu avec son enfant.

Si, par exemple, votre enfant est en train de s’amuser avec son ami avant l’heure du dîner, vous pouvez lui suggérer de lui préparer un couvert à lui aussi. Les parents dont les enfants ont des amis imaginaires ont tendance à mieux décrire les jeux de leurs enfants, ce qui laisse penser qu’ils sont plus attentifs à leurs faits et gestes.

Il arrive que les amis imaginaires soient taxés de mauvais comportements. Ainsi, certains ne voudraient pas partager leurs jeux, ou faire ce que l’enfant demande, d’autres tiendraient des propos méchants.

Dans ces situations, il est important, en tant que parent, d’écouter ce que l’enfant a à dire et de l’aider à résoudre son problème. Même si ces amis peuvent ne pas sembler très sympathiques, ils permettent à l’enfant à comprendre le fonctionnement des relations sociales, tout comme avec un ami imaginaire plus gentil.

Bien sûr, il se peut que les parents aient raison de s’inquiéter, notamment quand leur enfant pense que leur ami fictif existe vraiment. Mais la plupart des enfants font la différence entre leur propre imagination et la réalité. Par conséquent, dans la grande majorité des cas, ces amis invisibles ne sont qu’une manifestation des incroyables capacités d’imagination des enfants – qui peuvent d’ailleurs leur être bien utiles.


Traduction de l’anglais par Aurélie Djavadi.

This article was originally published in English

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