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Le selfie, un acte narcissique qui draine sa propre économie

Le marché de la perche télescopique n'est plus ce qu'il était, mais l'éditeur chinois pionnier de la retouche de selfies corrige plus de 6 milliards de photos par mois et vaut plus de 1 milliard d'euros en Bourse. Et les bornes à selfies se multiplient.

A l'image de la célébrité Kim Kardashian accompagnée ici du mannequin Naomi Campbell, des millions de selfies sont pris chaque mois et génèrent une économie dans l'univers du logiciel et de l'accessoire photo.
A l'image de la célébrité Kim Kardashian accompagnée ici du mannequin Naomi Campbell, des millions de selfies sont pris chaque mois et génèrent une économie dans l'univers du logiciel et de l'accessoire photo. (Charley Gallay/Getty Images/AFP)

Par Florian Dèbes

Publié le 5 janv. 2019 à 08:00Mis à jour le 5 janv. 2019 à 08:22

« Quand je me lève le matin, la première chose que je fais est de prendre un selfie. C'est un peu fou mais j'adore ça. » Ces mots ne sont pas la dernière saillie d'une vedette de télé-réalité. Ils sont signés par une certaine Abhilasha, une quidam parmi les 400 millions d'utilisateurs revendiqués sur son site web par le groupe chinois Ufoto, spécialiste du logiciel de retouche d'autoportrait. Filiale de Hangzhou Gexiang Technology, cet éditeur d'applications pour smartphone vend ou fait sponsoriser par des marques ses filtres de corrections.

Sans même parler des réseaux sociaux comme Instagram ou Snapchat dont les succès doivent beaucoup au partage de selfies , cet acte égocentrique souvent dénigré mais accompli par tout un chacun draine sa propre économie. « En devenant un nom usuel, c'est devenu quelque chose qui peut-être référencé, produit et marketé », notait déjà en 2015 Tim Hwang, un chercheur américain qui travaille maintenant pour l'université d'Harvard et un laboratoire du MIT. Développeurs d'applications mobiles, fabricants de bornes à selfies et d'accessoires ont profité ou bénéficient encore de l'engouement. Avec toutefois des hauts et des bas.

Un phénomène asiatique

Sur le marché toujours bien valorisé de l'application de retouche à selfie, Ufoto est gros mais n'est qu'un challenger comparé au pionnier Meitu. Chinois également, cet éditeur dit embellir plus de 6 milliards de photos… par mois. Avec sa quinzaine d'applications, il pèse plus de 12,5 milliards de dollars locaux à la Bourse de Hong-Kong, soit plus de un milliard d'euros, en dépit d'une baisse du cours ces derniers mois. Ses technologies et celles de ses concurrents sont regardées de près par le monde des cosmétiques qui réfléchit à numériser les tests produits auprès des consommateurs.

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Au vu de l'origine des téléchargements de ces applications, le phénomène de la retouche de selfie est peu répandu aux Etats-Unis et en Europe. « Ces services sont devenus extrêmement populaires ces dernières années, principalement sur le marché asiatique même si le secteur montre quelques signes de ralentissement », note Bertrand Salord pour App Annie, un cabinet d'analyse statistique du marché des applis.

Mais les éditeurs poussent maintenant les feux sur les mobinautes en Inde et en Amérique Latine. Ils espèrent que ces marchés apprécieront leurs efforts pour ne pas exporter seulement une vue asiatique de la beauté. Leurs systèmes retouchent automatiquement mais différemment le visage d'un brun latin par rapport à celui d'un japonais.

Chute libre du marché de la perche à selfies

En revanche, les ventes des fameuses perches télescopiques conçues pour faciliter la prise de vue d'un selfie se sont bien tassées. Sur ce marché difficile à évaluer, Persistence Research prédisait l'an dernier que les fabricants généreraient 6,4 milliards de dollars de recette en 2025, au lieu de 1,9 milliard en 2017.

« On ne prend pas du tout ce chemin-là, observe Melchior Lopez, le PDG de Digit Access, l'un des principaux revendeurs d'accessoire photo pour les professionnels en France, en Espagne et au Portugal. Le marché a baissé au moins de moitié depuis la folie des dernières années. » Distribués à très petit prix par les magasins de souvenirs et les supermarchés, les perches à selfie sont maintenant chez tous les touristes et aucune innovation ne vient justifier le besoin de se rééquiper. D'autant que ces perches ont été à l'origine de plusieurs accidents - la perte d'équilibre en prenant un selfie cause plus de morts que les attaques de requins dans le monde - et sont maintenant interdites dans certains musées.

Autre échec, le livre composé exclusivement de selfies de la célébrité Kim Kardashian et intitulé « Selfish » ne s'est vendu qu'à 32.000 exemplaires aux Etats-Unis. Mais ces mêmes images lui ont rapporté bien plus sur les réseaux sociaux.

Florian Dèbes

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