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Tribune

Opinion | Les « gilets jaunes » ne sont pas le peuple

LE CERCLE/HUMEUR - Le mouvement des «gilets jaunes» ne représente que lui-même et ne saurait dicter la politique voulue par les électeurs. Pour autant, ce mouvement confirme des faits qu'il nous faut affronter en commun.

Opinion | Les « gilets jaunes » ne sont pas le peuple

Par Jacques Hardy (Professeur des universités)

Publié le 6 déc. 2018 à 18:05

En démocratie, le débat doit être pacifique et aucune colère ne justifie que l'on tente d'incendier la maison commune. Dans ce système certes imparfait, les gouvernants sont désignés par des élections libres et ne ramassent pas le pouvoir dans la rue. Dans ce contexte, les idées peuvent s'exprimer librement sous réserve que leurs manifestations ne mettent pas en péril l'ordre public c'est-à-dire les règles du vivre ensemble. 

Peut-être faut-il rappeler fermement ces règles aux quelques milliers de «gilets jaunes»qui manifestent non pas leur colère, mais des colères qui se côtoient sans se confondre et fournissent la matière d'un mouvement non pas inédit (la France a connu d'autres jacqueries et en connaîtra encore) mais surprenant du fait de son incapacité à s'organiser, à se fédérer pour trouver un débouché à sa création.

Education politique

Pour autant, remis à sa juste place, ce mouvement, plus qu'il ne révèle des choses inconnues, confirme des faits qu'il nous faut en effet affronter en commun. La précarité, l'appauvrissement des retraités, les fins de mois difficiles ne sont pas nés avec l'élection d'Emmanuel Macron et le fait qu'il en parle parfois mal ne justifie pas que l'on réclame ici ou là sa démission. 

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L'affaiblissement (le mot est faible) du consentement à l'impôt fondement historique du système de représentation parlementaire doit également être sérieusement traité mais, il ne date pas d'aujourd'hui. Sur ces deux sujets le mouvement montre à quel point la réponse politique est inadaptée, hors de propos.

> Lire aussi : Opinion | Des « gilets jaunes » si français

Entre la paresse intellectuelle des chefs de parti qui ne voient pas d'autres réponses que la marche arrière et l'éventuelle obstination de ceux qui parieraient sur le pourrissement du mouvement, il y a sans doute un chemin étroit et exigeant qui est fait de pédagogie et d'empathie et, pour tout dire, d'éducation civique dont la faiblesse fait le lit du populisme.

Entendre ici ou là des «gilets jaunes» demander plus de service public et exiger la baisse de la pression fiscale, dire que«ce n'est tout de même pas à l'Etat de dire où nous devons manifester», exiger la démission d'un Président démocratiquement élu témoigne de notre faible niveau d'éducation politique, nous qui sommes citoyens.

L'Etat, c'est l'autre

Les ambivalences du rapport à l'Etat en fournissent un signe patent. D'abord l'Etat c'est «un autre» alors que quand l'Etat dépense de l'argent ou lorsqu'il fait des économies, c'est la société dans son entier qui contribue plus ou moins. Quand les «gilets jaunes» cassent du mobilier public ou mobilisent les forces de l'ordre pour les contenir, ils contribuent à l'augmentation de la dépense publique et par conséquent des prélèvements obligatoires.

Ensuite cet Etat volontiers décrit comme prédateur lorsqu'il prélève l'impôt et comme impotent lorsqu'il ne répond pas aux exigences de chaque groupe d'intérêts est aussi un père dont chacun est prompt à rechercher la protection lorsqu'il est en danger. 

Ce que nous montre ce mouvement relève donc de notre responsabilité collective à nous peuple de France attaché à la démocratie sociale qui est la sève du vivre ensemble patiemment construit depuis la fin de la seconde guerre mondiale et fortement incarné par notre système de protection sociale.

> Lire aussi :La lourde facture des « gilets jaunes »

Dès lors, il importe de ne pas croire ou laisser croire que le mouvement des «gilets jaunes» est le peuple incarné. Peu importe que 70 % des sondés qui continuent à travailler et à vaquer à leur occupation disent soutenir le mouvement.

A moins de vouloir le chaos, de considérer qu'il est normal que ceux qui essaient de représenter le mouvement reçoivent des menaces de mort, que l'appel à la démission du Président élu est légitime, que les violences contre les personnes et les biens sont un mode normal d'expression de la colère, il n'y a aucune raison de soutenir un mouvement qui est lui même bien en peine de se décrire, de se contrôler, de s'organiser et de faire fructifier sa propre énergie.

Alors, face à ce pétard que d'aucuns voudraient transformer en bombe atomique mettant à bas notre démocratie il faut sans doute que ceux qui sans démagogie, avec patience et humilité sont prêts à s'engager pour que vive la démocratie et que perdure ce qui nous unit se lèvent et le disent avec une tranquille détermination. 

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Jacques Hardy est professeur des universités.

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