Schiappa : « Les Gilets jaunes sont un peu les jusqu'au-boutistes d'En marche ! »

VIDÉO. La secrétaire d'État à l'Égalité femmes-hommes décrit les erreurs commises par le gouvernement sur les Gilets jaunes et trace ses perspectives pour 2019.

Propos recueillis par et

Temps de lecture : 18 min


C'est assise dans un café à deux pas de la gare Montparnasse que nous retrouvons Marlène Schiappa. La secrétaire d'État chargée de l'Égalité femmes-hommes et de la lutte contre les discriminations attend le TGV qui l'emmènera au Mans, là où elle fut adjointe à la mairie, où elle a passé ses congés de Noël, où elle s'est entretenue avec de nombreux Gilets jaunes de Sarthe. Rare membre du gouvernement à avoir enchaîné, au cœur de la tempête, les plateaux de télévision pour défendre les deux têtes de l'exécutif, elle revient aujourd'hui sur les erreurs commises ces dix-huit derniers mois et les perspectives pour 2019. Entretien.

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Le Point : Vous sortez tout juste du premier conseil des ministres de 2019, sur quoi Emmanuel Macron a-t-il insisté  ?

Marlène Schiappa : Vous connaissez cette phrase qui dit : « Ce qui se passe à Vegas reste à Vegas » ? Eh, bien ! C'est pareil. ce qui se dit en conseil des ministres reste en conseil des ministres. Mais dans les grandes lignes, nous avons fait un point sur la situation internationale et le président, dans la continuité de ses vœux, a rappelé ses engagements, puis nous avons travaillé sur les affaires courantes de la semaine, notamment la question du prélèvement à la source. Mais le gros des débats se passera mercredi au séminaire gouvernemental, où nous parlerons du grand débat national à venir, qui commencera mi-janvier.

Emmanuel Macron a-t-il été secoué par la crise des Gilets jaunes ?

Je n'ai pas, avec le président, des discussions sur ses émotions. J'ai un respect des institutions et de la fonction, je ne me permettrai pas d'aller dire au président : « C'est quoi, votre état d'esprit en ce moment  ?  » Je le vois très déterminé et, justement, je pense qu'il a à cœur de répondre aux espoirs des Français et a encore plus envie de transformer le pays. Je crois qu'il avait dit dans Le Point qu'il était fait pour gouverner par tempête, contrairement à son prédécesseur, fait pour gouverner par temps calme. Là, il démontre qu'il tient bien les choses.

Lire notre grand entretien avec Emmanuel Macron

Considérez-vous les Gilets jaunes comme une foule haineuse, en partie d'extrême droite  ?

J'en ai rencontré beaucoup, notamment en Sarthe. J'ai fait partie des premiers responsables politiques à les rencontrer. Sur les plateaux de télévision et en dehors. J'ai fait venir des femmes Gilets jaunes dans mon ministère, dont Ingrid Levasseur, femme aide-soignante qui était une de leurs figures de proue. J'en ai rencontré une dizaine au Mans, fait trois débats avec des Gilets jaunes. Et j'en vois aussi parce qu'il y en a dans mon entourage, dans ma belle-famille.

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Il y a des Gilets jaunes qui représentent une partie de la population qui souffre, qui ne se sent pas représentée, qui veut juste vivre dignement de son travail. Les mères célibataires que j'ai vues ne crient pas de slogans néonazis, elles me disent : « J'ai 1 280 euros net par mois, comment je paye l'orthodontiste du gamin alors que je n'ai pas de quoi me payer une mutuelle  ? » Ce sont des demandes respectables et c'est à nous d'apporter des réponses. Dans le grand débat national, je vais m'engager pour ces mères isolées, ces familles monoparentales, parce qu'elles étaient surreprésentées sur les ronds-points, parce qu'elles sont surreprésentées chez les gens précaires.

Mais, d'autre part, il y a tous les gens peu recommandables qui se sont relookés en enfilant un gilet jaune. Tous les types d'extrême droite proches du Front national qui, eux, crient ou brandissent des slogans néonazis, antisémites, homophobes, sexistes, racistes. Qui ont dénoncé des migrants qui se cachaient dans un camion. Eux ont le droit de tout dire dans le débat public et je trouve ça incroyable. J'observe que, à la télévision ou à la radio, il suffit de mettre un gilet jaune pour que votre parole devienne sacrée. Vous pouvez dire ce que vous voulez, n'importe quelle fake news, et il y en a énormément depuis ces dernières semaines, n'importe quelle horreur. Vous devenez « le peuple », avec le droit de dire tout ce qui vous chante, sans que la contradiction ne vous soit apportée. C'est contre cela que je m'élève. Quand j'étais face à Éric Drouet sur BFM TV et qu'il appelle à marcher sur l'Élysée, atteindre le président, et j'en passe…, ce sont des propos qui tombent sous le coup de la loi et je suis très choquée qu'on le laisse dire cela. Donc, évidemment, j'interviens fermement. La France est une République sociale, une et indivisible. Il est urgent de rétablir les vérités, de faire respecter l'ordre public, d'apaiser les clivages, de mettre fin aux divisions.

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On a pu également entendre des réflexions misogynes, notamment en direction de Brigitte Macron...

La question de la première dame en France me passionne et j'avais commencé des travaux de recherche sur ce thème avant d'entrer dans la campagne. Quand on mène une analyse sémantique de la façon dont on parle de la femme des présidents dans les médias, on retrouve toujours les mêmes mots depuis plusieurs quinquennats, et on les accuse toujours toutes des mêmes choses : être frivole, dépensière, manipulatrice, de diriger leur mari dans l'ombre, de faire des crises de colère… Ça a été le cas pour toutes, sans distinction de personne  ! Sans compter le fait qu'on parle sans cesse de leur tenue vestimentaire, avec toujours un commentateur pour les en blâmer. Il y a une haine qui se cristallise et une parole sans borne contre elles. Plusieurs vidéos profondément ordurières contre Brigitte Macron circulent largement sans aucune condamnation, alors que si c'était à propos de n'importe qui d'autre, tout le monde serait choqué à juste titre. Avez-vous entendu des gens s'indigner quand on a entendu : « Brigitte, il faut la foutre toute nue sur une palette »  ? Non, aucun responsable politique des oppositions ne l'a défendue. Ça me révulse. D'ailleurs, je prépare un signalement au CSA au sujet de cette vidéo. Brigitte Macron est quelqu'un qui se démène bénévolement pour défendre des causes. S'en prendre à elle est injuste. Être femme du président ne donne pas plus de droits, mais pas moins non plus. Tout cela procède d'une misogynie honteuse.

Le constat qui est fait par les Gilets jaunes, c'est le même qu'on faisait au début de la création d'En marche  !

Êtes-vous passés à côté du constat dressé par les Gilets jaunes  ?

Le constat qui est fait par les Gilets jaunes, c'est le même qu'on faisait au début de la création d'En marche  !, quand on disait qu'on était dans une société de rentes de situations, une société où il y a des assignations à résidence, une société où il faut plus d'émancipation. On portait aussi un message de renouvellement, à la fois des institutions et du personnel politique. Les Gilets jaunes sont un peu parfois les jusqu'au-boutistes d'En marche !...

Qu'est-ce que l'exécutif doit changer dans son exercice du pouvoir  ?

Beaucoup de choses. D'abord, je pense que si on avait tout fait parfaitement, on en serait pas arrivés là, à cette situation de tension. Le problème, ce n'est pas tant les Gilets jaunes que l'adhésion parfois ambiguë et tacite d'une partie de la population aux Gilets jaunes, groupe disparate. Il faut qu'on travaille pour avoir plus de cohérence dans l'action gouvernementale. On doit davantage s'occuper du ressenti de nos mesures, pas simplement envoyer des choses sans se préoccuper de la manière dont elles vont être reçues. La politique, c'est se préoccuper de l'envoi mais aussi de la perception. Si on a fait une très bonne réforme et que personne ne s'en saisit, c'est juste une bonne réforme sur le papier. Une bonne réforme technique, mais une mauvaise réforme politique. Il faut écouter davantage, c'est crucial.

Depuis deux mois, certains ministres et le président de la République critiquent la haute administration, qui n'irait pas assez vite, voire n'appliquerait pas les décisions des responsables politiques. Un argument que l'on entendait rarement avant la crise des Gilets jaunes. N'est-ce pas là un défaussage un peu facile  ?

Je l'ai toujours dit, regardez mes premières interviews. Il faut que l'administration suive. Il faut aussi que nous conduisions pour cela une transformation de l'action publique. Je m'étonne vraiment quand je vois le manque de mixité à la tête de l'État : tous les instituts qui font des études sérieuses pour mesurer la performance montrent qu'une équipe est plus efficace quand elle est diverse, en termes d'âge, d'hommes et de femmes, de parcours, d'origine géographique, sociale, ethnique. Or, à la tête de la haute administration, on a principalement des hommes, blancs, qui ont fait l'ENA ou une grande école approchant de l'ENA. On manque terriblement de diversité dans les parcours, les compétences, ou dans les manières de penser. Quand vous avez tous le même logiciel, vous n'avez plus l'intelligence collective. Je le déplore. Mais ce n'est pas seulement la faute de l'administration, elle est managée par des politiques, et c'est à eux, bref à nous, de faire le nécessaire pour les faire tourner correctement. C'est facile, c'est vrai, de se dédouaner sur eux, alors qu'ils apportent aussi une expertise précieuse et assurent la continuité de l'État. Ce n'est pas un problème personnel, mais systémique.

D'autant que Matignon a plutôt tendance à dire que les ministres doivent se montrer responsables de leur administration, et se séparer d'éléments si la situation de leur convient pas…

C'est vrai. On s'est engagés sur un spoil system à la française, on a commencé à le faire, et peut-être qu'on ne l'a pas fait assez vite. Il faut qu'on évalue mieux toutes nos politiques publiques. J'ai fait voter une loi cet été qui condamnait notamment le harcèlement de rue et allongeait la prescription en cas de viol. Aujourd'hui, je crée un groupe de travail pour évaluer ses effets concrets. Si ce n'est pas satisfaisant, on reviendra dessus et on l'améliorera. Nous-mêmes, ministres, devrions-nous, peut-être, être encore plus évalués par le Premier ministre ou le président de la République sur cette dimension.

Emmanuel Macron avait beaucoup dit à ses ministres et à ses équipes que c'était l'exécution qui comptait dans la production de politiques publiques. Est-ce que cela n'a pas été un peu oublié  ?

Dans une réforme, il y a trois strates. D'abord le sens de la réforme, vers où on veut aller. Quel est le sens théorique, intellectuel de la réforme. Ensuite, il y a la technicité, les ficelles, la cuisine. Et enfin, il y a l'impact concret. Je crois qu'on s'est trop attachés à la technicité et pas assez au sens ni à l'impact concret. Il y a une demande de concret dans la vie quotidienne, et de sens, de vision, de cohérence. Il ne faut pas donner l'impression qu'on fait plein de choses en même temps qui partent dans tous les sens, mais montrer qu'on sait où on veut aller.

Le mouvement LREM a-t-il suffisamment fait le lien entre le terrain et le pouvoir  ?

Non, le mouvement n'a pas assez joué son rôle pendant les dix-huit premiers mois du quinquennat. Pour plusieurs raisons. D'abord, notre parti n'a pas cinquante ans d'ancienneté, il n'a pas d'élus locaux partout pour faire office de capteurs et remonter les informations. Nous n'avons pas d'organisations satellites, de fédérations, d'organisations de jeunesse assez anciennes pour faire cela en période de crise. On a besoin de s'organiser pour avoir un meilleur maillage et c'est le chemin qu'est en train de prendre le mouvement avec Stanislas Guérini. Pour le grand débat national, je m'occuperai de la partie «  Démocratie  » pour La République en marche, et on a lancé un grand groupe de travail avec des parlementaires, des experts, des référents, des élus locaux, des gens de terrain pour faire remonter des propositions afin de nourrir l'action du gouvernement.

De plus en plus de parlementaires LREM disent que les remontées n'étaient pas écoutées…

C'est vrai. D'ailleurs, Jean-Luc Mélenchon a beau dire qu'Éric Drouet est la voix du peuple, il est bon de rappeler que les parlementaires LREM le sont plus légitimement, puisque plus de 300 ont été élus. Leur légitimité a trop souvent été contestée par l'opposition. Mais, effectivement, on gagnerait à davantage les écouter. Je m'attache à les voir au Mans deux à trois fois par mois, je reçois régulièrement les députés de la délégation des droits des femmes, je parle avec les élus de Corse, les députés d'Île-de-France quand je suis à Paris… Il faut qu'on écoute plus les remontées, qu'on soit en capacité d'entendre aussi celles qui sont négatives. Sinon, le risque, c'est que le président de la République et le gouvernement soient un peu enfermés, et que dans l'idée de nous protéger on ne nous fasse plus de remontées critiques. Quand j'ai été nommée, la première chose que j'ai dite à mon cabinet, c'est de ne pas trier le courrier. Je veux recevoir et lire aussi les courriers négatifs, les courriers agressifs, les courriers d'insultes, parce que ce sont aussi nos capteurs.

On ne peut pas à la fois tout reprocher au président de la République, et tout attendre de lui

Est-ce qu'Emmanuel Macron investit assez ses ministres et les parlementaires  ? N'est-il pas trop dans la captation du pouvoir  ?

On est dans un système assez paradoxal, parce que la Ve République a été qualifiée par certains de monarchie républicaine ; la Constitution de 1958 donne au président des pouvoirs importants, mais pas non plus un pouvoir total. Il y a une hyperpersonnalisation du président de la République dans le débat qui n'est pas toujours pertinente. Par exemple, quand il y a une motion de censure déposée par les oppositions, BFM n'a pas titré : « Motion de censure contre le gouvernement », mais « contre Emmanuel Macron ». On a une forme d'effacement des frontières entre les rôles dans l'analyse. Pourtant, on ne doit pas tout attendre du président de la République. On ne peut pas à la fois tout lui reprocher et tout attendre de lui. Lui reprocher d'être Jupiter, l'homme providentiel, et en même temps attendre exactement de lui qu'il soit l'homme providentiel et qu'il règle tous les problèmes d'un claquement de doigts. C'est aussi le travail du gouvernement de faire ces remontées au président. À nous de le faire.

Vous avez été recadrée après avoir déclaré que l'ISF pourrait être rétabli si l'évaluation de l'IFI (impôt sur la fortune immobilière) ne donnait pas satisfaction. Votre parole est-elle encore libre  ?

Ma parole est toujours libre aujourd'hui. Sur l'ISF, il y a eu une fébrilité dans les commentaires. On a dit qu'on allait évaluer la transformation de l'ISF en IFI. Ça, c'est dans la loi, donc ce n'est pas très bolchevik non plus. Je suis toujours surprise de voir à quel point les experts ignorent ou feignent d'ignorer la loi. Et qu'ensuite, si ça n'avait pas fait ses preuves, je proposerais de le rétablir. Il ne faut pas paniquer comme ça. D'abord, il y aura son évaluation, qui a été lancée de façon anticipée par le Premier ministre. On verra ensuite. Mais moi, je pense qu'il n'y a pas de tabou dans le débat, y compris au sein du gouvernement. J'appartiens à un gouvernement, pas à une secte. Et je pense que c'est ce qui fait la richesse d'un gouvernement, d'avoir des paroles libres, des tonalités différentes – le fameux «  en même temps  » –, et c'est le rôle des responsables politiques d'animer le débat public sans se cantonner à un dossier particulier. Après, le président tranche, comme il l'a fait avec l'ISF, dont la transformation faisait partie du programme.

Bruno Le Maire a dit que le quinquennat « rentrait dans le dur ». Y a-t-il un risque que les gens sortent dans la rue à chaque réforme d'ampleur  ?

Non, car les mesures prises sont des mesures d'urgence économique et sociale pour répondre à une urgence. Leur but n'est pas de répondre aux Gilets jaunes, mais à toutes les personnes qui peuvent être dans une situation difficile, précaire économiquement et socialement. L'idée, c'est d'apporter une réponse à ces sujets : le gel de la hausse des taxes sur les carburants, le gel des prix sur l'électricité et le gaz, la prime d'activité, arrêter la hausse de la CSG pour les retraités qui gagnent moins de 2 000 euros par mois. Prendre ces mesures-là, c'était nous permettre de continuer à transformer le pays pour la suite sur tous les sujets qui arrivent, comme le prélèvement à la source.

Lire aussi Le Maire : « Il faut accélérer la baisse des impôts et donc des dépenses »

La République en marche n'est pas en dehors de la société. La société est sexiste

Avec les 10 milliards d'euros prévus pour financer les mesures d'urgence en faveur du pouvoir d'achat, Bercy se montre encore plus précautionneux au sujet des dépenses de l'État et des ministères. Ne craignez-vous pas que votre portefeuille ministériel soit affaibli dans ce contexte  ?

Premièrement, on a augmenté considérablement le budget alloué à l'Égalité femmes-hommes, à 530 millions pour 2019, mais c'est loin d'être l'un des plus gros budgets de l'État. Donc ce ne serait pas sérieux de vouloir prendre de l'argent chez moi, ce n'est pas là où on en trouvera beaucoup d'économies à faire. Ensuite, mon engagement est sincèrement partagé par les membres du gouvernement. Ce matin encore, je parlais de la situation des mères isolées avec Bruno Le Maire, et c'est un sujet qui lui tient particulièrement à cœur puisqu'il y avait des mesures pour elles dans son programme lors de la primaire de la droite. Le Premier ministre a lui engagé 4 millions d'euros pour interpeller les témoins de violences conjugales via des spots télé. Je suis donc confiante pour la grande cause du quinquennat.

Il y a 16 femmes sur 52 conseillers élyséens, le clan macroniste ne compte réellement qu'une seule femme, Sibeth Ndiaye, que faut-il en penser  ?

Comme je le dis souvent, La République en marche n'est pas en dehors de la société. La société est sexiste, et on ne peut pas balayer d'un revers de la main des années et des années de fonctionnement de ce type. Pourquoi on en est là  ? Parce que les femmes choisissent moins les filières qui permettent d'accéder à ce type de poste. Parce qu'elles ont parfois été discriminées ou découragées. La politique est le milieu où on trouve le plus les « normes masculines du pouvoir » édictées par l'institut Catalyst : l'esprit de clan, de compétition, le refus de l'émotion, l'hyperactivité, l'hyperprésentéisme… À La République en marche, on a essayé de changer ça par une politique basée sur la bienveillance, en investissant 50 % de femmes sur des circonscriptions gagnables. Maintenant, dans les cabinets, ça reste effectivement difficile. J'ai cherché une directrice de cabinet pendant très longtemps, mais on peinait à avoir des candidatures…

Votre lien avec les associations féministes s'est-il rétabli  ?

C'est une vieille histoire. Le lien a pu être difficile quand j'ai été nommée, car il y a eu beaucoup de fausses informations, notamment sur la baisse du budget de mon ministère. Or, il dépendait du budget 2017 voté avant notre arrivée. En plus, une rumeur circulait sur le fait que les subventions aux associations allaient baisser. On a mis du temps pour avoir la confiance de ces associations, pour leur montrer que leurs subventions n'allaient pas baisser, mais augmenter. Beaucoup ont été doublées, triplées, et nous avons organisé ensemble l'université d'été du féminisme. Je suis certaine que la confiance est retrouvée et on va beaucoup compter sur elles dans le cadre du grand débat national, pour qu'elles fassent entendre la voix des femmes. Même si, je l'assume, j'ai toujours dit que je n'étais pas la ministre des associations féministes, mais de l'Égalité femmes-hommes au global et, maintenant, de la lutte contre les discriminations.

Un des risques du grand débat national est qu'il soit vu comme un artifice sans réelles conséquences pratiques. Le gouvernement est-il conscient qu'il doit déboucher sur de vraies mesures nouvelles, qu'elles soient sociales, économiques et démocratiques  ?

Il est certain qu'on ne peut pas aborder 2019 comme si la crise des Gilets jaunes n'était pas passée par là. D'ailleurs, je suis en train de refaire ma feuille de route pour l'année à venir. La politique du gouvernement doit en tenir compte, elle va en tenir compte. Nous devons nous montrer agiles : on a dit qu'En marche  ! c'était la « start-up nation », agile, réactive, malléable, adaptée au réel, donc ce sera à nous de le prouver en 2019. On ne peut pas décider dès maintenant de ce qu'on fera au second semestre, à mon sens. À l'issue de ce grand débat national, on devra apporter des réponses politiques. Ce sera peut-être des référendums, ce sera peut-être autre chose, mais des manières de faire mieux participer les citoyens à la démocratie. On aura un gros travail à mener là-dessus, pour ramener une vraie cohésion nationale. J'encourage tout le monde à y participer, il faut que les gens ne s'interdisent rien. Ce débat national doit être une auberge espagnole où tout le monde apportera sa contribution.

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Commentaires (77)

  • gillmi44

    C’est une foule antisociale

  • keycat

    Tout à fait, elle est Secrétaire d’Etat et je le sais... J’ai écrit Ministre et n’ai pu corriger mon erreur une fois envoyé C’est un défaut de ce module de Commentaires... Cela ne change pas grand chose à mon constat. 77 commentaires dont certains sont peu éclairés... Et je reconnais les différences de commentaires adressés à un homme ou une femme même si l’on est en 2019 ! C’est malheureusement la même chose plus on monte en responsabilité en politique ou dans une grande entreprise C’est vraiment dommage !

  • BAUVAN

    De la sottise.