Implants contraceptifs. « On nous a prises pour des cobayes »

Par Sophie Paitier

750 000 femmes dans le monde ont utilisé une méthode de contraception définitive, alternative à la ligature des trompes : les implants Essure. Beaucoup ont vu leur état de santé se dégrader. Françoise Corler, à Saint-Armel (56), est l’une d’elles. Récit d’une descente aux enfers.

« Je sais que si je n’avais pas eu mon mari et mes enfants, j’aurais basculé. Je pense que certaines femmes qui ne sont pas entourées comme je l’ai été, peuvent décider d’en finir. Ça m’a traversé l’esprit », confie Françoise Corler.
« Je sais que si je n’avais pas eu mon mari et mes enfants, j’aurais basculé. Je pense que certaines femmes qui ne sont pas entourées comme je l’ai été, peuvent décider d’en finir. Ça m’a traversé l’esprit », confie Françoise Corler. (Photo S. P.)

C’est un petit ressort de quatre centimètres que Françoise Corler aurait préféré n’avoir jamais rencontré. 45 grammes de nickel, titane, chrome, fer, étain, argent, platine, qui lui ont volé sept ans de sa vie. Sept ans à souffrir sans savoir de quoi, sept ans à encaisser les réflexions sceptiques et déstabilisantes du corps médical, sept ans d’errance thérapeutique. Il y a eu le scandale des hormones de croissance, celui du médiator, des prothèses mammaires PIP… Voici venir le scandale du dispositif contraceptif Essure, commercialisé par Bayer Healthcare, qui a stoppé sa mise en vente l’été dernier.

Dans sa coquette maison de Saint-Armel, Françoise s’apprête à fêter son premier Noël de bien portante, un an après une opération lourde qui l’a libérée de ce « dispositif contraceptif moderne », comme le lui avait présenté le gynécologue qui lui a implanté en 2007. Françoise avait alors 37 ans, trois enfants, un mari aimant et aimé et l’envie d’une contraception définitive.

« J’envisageais la ligature des trompes », raconte-t-elle. « Ce gynécologue m’a dit que c’était dépassé et m’a proposé les implants Essure. Le système consiste à introduire dans les trompes de Fallope, par voies naturelles, deux petits ressorts (un pour chaque trompe). Dans les semaines suivantes, une réaction naturelle se produit autour des micro-implants et bouche les trompes. Ce qui empêche les spermatozoïdes d’atteindre leur cible, l’ovule à féconder ».


« Un corps qui débloque »


Sur le papier, cela semble formidable. Pour Françoise, ça l’est durant les deux premières années. Et puis, son corps commence « à débloquer » : fatigue, prise de poids, douleurs musculaires et articulaires, fourmillements dans les mains… « J’étais tellement fatiguée que je n’arrivais même plus à me promener avec ma famille. Je ne dormais plus. J’étais complètement déprimée, je ne trouvais pas de réponse à mon état. J’ai tout essayé : acupuncture, sophrologie… On m’a même laissé entendre que j’étais hypocondriaque. Au bout de cinq ans, j’étais à bout. Les six derniers mois ont été terribles. Je sais que si je n’avais pas eu mon mari et mes enfants, j’aurais basculé. Je pense que certaines femmes qui ne sont pas entourées comme je l’ai été, peuvent décider d’en finir. Ça m’a traversé l’esprit ».

« Depuis un an, je revis ».

La lumière va jaillir d’un article paru dans le Monde, en 2016. On y parle des implants Essure. D’une lanceuse d’alerte, Marielle Klein, qui a créé une association RESIST (Réseau d’entraide de soutien et d’information sur la stérilisation tubaire). Son objectif : défendre les intérêts des femmes victimes du dispositif Essure. Dans le TGV, son mari le lit. Pour le couple, c’est une révélation : ces implants pourraient être la cause de tous les maux de Françoise. Commence alors une autre bataille : comment s’en débarrasser ? Les implants ne doivent, en aucun cas, être coupés, tirés, cassés, ou chauffés. L’association RESIST lui conseille un chirurgien à Nantes. Il lui confirme qu’elle souffre sans doute d’une allergie au nickel, qu’il faut retirer les implants, mais aussi les trompes, les ovaires et l’utérus. « J’ai été opéré le 12 décembre 2017. Le soulagement a été immédiat. Le lendemain de l’opération, plus de douleurs articulaires. Par la suite, plus de fourmillements, d’angoisse, de syndrome des jambes sans repos, j’ai retrouvé le sommeil et une libido. Depuis un an, je revis ».


2 000 victimes en France ?


En France, selon le ministère de la Santé, 175 000 femmes ont été implantées depuis 2002. Les implants ne sont plus commercialisés depuis l’été 2017. 2 000 femmes, répertoriées par RESIST, auraient des problèmes à des degrés divers. « Toutes les femmes porteuses qui souffrent n’ont pas forcément entendu parler de notre association, ni réussi tout simplement à identifier la source de leurs problèmes », affirme Françoise qui depuis est devenue déléguée régionale de l’association. « On pense qu’il y en a beaucoup plus ».

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En Bretagne, 102 femmes adhèrent à l’association. En mars, elle a assigné en Justice le laboratoire Bayer Healthcare devant le tribunal de grande instance de Paris, dans le but de démontrer la défectuosité et le défaut d’information. « On nous a pris pour des cobayes, » déplore Françoise. « Les implants ont été mis sur le marché trop vite ».


Pratique
RESIST : 07 71 64 78 40correspondance@resist-france.org
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