Violences en manifestation : «Le pouvoir politique doit les condamner des deux côtés»

Sébastian Roché, chercheur spécialisé sur la police, réagit aux images de violences à Paris et à Toulon lors de l’acte 8 des Gilets jaunes, qui ont beaucoup circulé sur les réseaux sociaux.

 Un ex-boxeur s’en est pris à un CRS sur la passerelle des Arts. Celui-ci a décidé de porter plainte.
Un ex-boxeur s’en est pris à un CRS sur la passerelle des Arts. Celui-ci a décidé de porter plainte. Capture d’écran Line Press

    Sébastian Roché est directeur de recherche au CNRS. Son dernier livre s'intitule « De la police en démocratie » (Grasset, 2016). Il réagit aux violences qui ont émaillé l'acte 8 des Gilets jaunes ce samedi, notamment les coups donnés par un ex-boxeur à un gendarme mobile à Paris et ceux d'un policier à Toulon, qui a frappé plusieurs manifestants.

    Une vidéo montre un commandant de police en train de violenter un manifestant à Toulon. Que vous inspirent ces images ?

    SÉBASTIAN ROCHÉ. Elles sont dérangeantes et devraient faire l'objet d'une enquête si le contrôle des policiers est effectif. Les policiers et les gendarmes sont formés pour faire face aux situations de maintien de l'ordre dans un cadre juridique précis. Ce n'est pas la première fois que des suspicions de violences policières sont signalées depuis le lancement du mouvement des Gilets jaunes. Mais il faut rappeler qu'elles ne sont pas la règle et sont non mortelles, sans usage d'arme à feu. On est loin de ce qui peut se produire en Amérique latine ou en Russie.

    L'exaspération des forces de l'ordre face aux violences dont ils font eux-mêmes l'objet permet-elle de comprendre ces débordements ?

    C'est très probable. À force d'être exposés aux coups et aux invectives, il y a un effet d'usure qui se créé chez les policiers et les gendarmes. Mais on peut aussi s'interroger sur le blanc-seing que semblent leur donner les autorités.

    La réaction de l'exécutif n'est-elle pas à la hauteur ?

    Non. Je suis très troublé par la gestion politique de ces violences policières. Quand Emmanuel Macron s'en prend à la « foule haineuse », quand Christophe Castaner ne dit pas un mot des débordements des policiers, quand le préfet du Var se contente uniquement de féliciter les forces de l'ordre, on a l'impression que ces violences sont au mieux tolérées, au pire acceptées. Cette attitude ne fait que renforcer le sentiment d'injustice qui anime les Gilets jaunes. Le pouvoir politique doit prendre de la hauteur et condamner les violences des deux côtés. Sinon cela ne fera malheureusement que renforcer la détermination des plus radicaux.

    Comment analysez-vous la violence de certains manifestants ?

    Elle est comme le mouvement, hétérogène. Dans son essence, ce mouvement n'est ni factieux, ni révolutionnaire. Il y a une agrégation d'opposants au président de la République avec des motivations diverses et des modes d'actions différenciés. On retrouve donc quelques personnes qui, par conviction, se mobilisent uniquement pour s'en prendre aux forces de l'ordre. D'autres veulent rendre les coups reçus. Mais, dans l'ensemble, les policiers ne sont pas visés par principe mais en tant que défenseurs d'un pouvoir politique perçu comme injuste.