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Politique

Gilets jaunes : cette violence qui affaiblit l'Etat de droit

ÉDITO - Comment ne pas se désoler du bilan des violences qui ont émaillé la huitième journée consécutive de mobilisation des gilets jaunes  ? Une question subsiste toutefois : sans cette violence, les gilets jaunes auraient-ils obtenu satisfaction ? C’est douteux, et voilà sans doute, dans ces tristes événements, ce qu’il y eut de plus déplorable : une prime donnée à la violence et à l’illégalité.

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Heurts entre manifestants et forces de l'ordre lors d'une manifestation des "gilets jaunes" à Rouen, le 5 janvier 2019

Heurts entre manifestants et forces de l'ordre lors d'une manifestation des "gilets jaunes" à Rouen, le 5 janvier 2019

AFP - CHARLY TRIBALLEAU

La violence des « gilets jaunes », ou de ceux qui s’étaient glissés parmi eux, restera dans les annales. Pillages, incendies volontaires, dégradations innombrables, agressivité inouïe contre les forces de l’ordre, des centaines de blessés parmi les manifestants comme parmi les policiers, dix morts (du fait des barrages routiers), des millions d’euros de dégâts, des milliards de manque à gagner pour nos commerçants, le tourisme en berne, une croissance compromise, l’image de notre pays durablement dégradée dans le monde entier, sa position affaiblie en Europe, le déficit de nos finances publiques qui repart à la hausse, les capacités réformatrices du gouvernement vraisemblablement amoindries, des flots de haine et d’absurdités qui submergent les réseaux sociaux… Comment ne pas se désoler d’un tel bilan ? Reste une question : sans cette violence, les « gilets jaunes » auraient-ils obtenu satisfaction, comme ce fut le cas, sur la quasi-totalité de leurs revendications initiales ? C’est douteux, et voilà sans doute, dans ces tristes événements, ce qu’il y eut de plus déplorable : une prime donnée à la violence et à l’illégalité. Que vont en penser nos syndicats, déjà peu représentatifs ? Et les électeurs, déjà difficiles à mobiliser ?

Le cas, hélas, n’est pas sans précédents. En 2008, il avait suffi que les taxis bloquent les rues pendant quelques heures pour que Sarkozy renonce à réformer leur profession, comme le demandaient tous les experts (dont la commission Attali) et comme il s’était engagé à le faire. En 2013, ce sont les « bonnets rouges » qui s’en prennent violemment aux portiques destinés à l’écotaxe, dont ils exigent le retrait. La loi, pourtant votée à la quasi-unanimité, quelques années plus tôt, est vite abandonnée. Même chose, ou peu s’en faut, pour l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes : quelques dizaines de milliers de « zadistes » et autres manifestants, souvent violents, finissent par l’emporter contre la décision démocratiquement réitérée des élus puis des électeurs de la région.

L'Etat de droit en sort affaibli

Cela fait beaucoup ! Quoi qu’on pense du fond du dossier, sur chacun de ces litiges, force est de reconnaître que quelques dizaines ou centaines de milliers de manifestants l’ont emporté contre les autorités de la République, et d’autant plus vite qu’ils avaient fait preuve de davantage de violence ou qu’ils se souciaient moins de la légalité. L’État de droit en sort affaibli ; la rue, renforcée ; et c’est un mauvais coup contre la démocratie.

Il faut féliciter nos forces de l’ordre, pourtant si malmenées, de n’avoir fait aucun mort parmi les manifestants. Peu de polices, dans peu de pays, auraient été capables d’une telle maîtrise ! Et il faut bien sûr souhaiter que ceux qui les ont agressées soient sanctionnés, conformément à ce que la loi prévoit. Mais on s’étonne, en amont de ces violences spectaculaires, que tant d’infractions de moindre importance aient été tolérées, le plus souvent sans aucune sanction. Comment s’étonner que les délits, dès lors, deviennent de plus en plus graves ?

Arrêtez-vous sans raison valable sur la bande d’arrêt d’urgence d’une autoroute : vous risquez une amende de 135 euros et la perte de trois points sur votre permis de conduire. Mais bloquez délibérément l’autoroute elle-même : si vous êtes assez nombreux et assez déterminés, il ne se passera rien ! Il existe pourtant bien un délit d’entrave à la circulation, passible de 4.500 euros d’amende et de deux ans de prison (article L 412-1 du Code de la route). Mais cela, semble-t-il, ne vaut que pour les individus séparés, point pour ceux qui commettent ce délit en foule.

Mise en danger de la vie d'autrui

Autre délit : la mise en danger de la vie d’autrui. Et quoi de plus dangereux que de bloquer la circulation, sur une Nationale, comme le prouvent les dix morts que tout le monde déplore ? Mais je ne sache pas que quelque contrevenant, pour ce simple délit, ait été sanctionné.

Le droit de manifester fait partie des libertés constitutionnelles, que nul ne remet en cause. Mais il ne vaut que sous réserve d’une déclaration préalable en préfecture et à condition de ne pas porter atteinte à l’ordre public, ni à la liberté et à la sécurité de tous. Qui ne voit qu’un barrage routier ne respecte aucune de ces exigences ? Et que quelque cent mille individus, si on les laisse faire et s’ils choisissent bien le lieu et le moment de leur action, peuvent ruiner notre pays en quelques semaines ?

Fallait-il refuser de céder aux « gilets jaunes ». Je ne sais, ni ne suis convaincu que l’augmentation de la TICPE fût juste et opportune. Je l’ai souligné bien souvent dans ces colonnes : aucune réforme ne peut réussir sans justice. Mais aucune non plus si on laisse la rue – ou plutôt ceux qui l’occupent indûment – paralyser notre pays à chaque désaccord. Un pays ingouvernable ne saurait être libre. La démocratie, c’est le pouvoir du peuple, pas de ceux qui prétendent parler en son nom (c’est le principe du populisme) et violent les lois qu’il s’est données !

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