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Climat : «Quand les gouvernants nous font défaut, nous nous rebellons»

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Né en octobre en Grande-Bretagne, le mouvement citoyen «Extinction Rebellion» revendique une nouvelle façon de lutter pour la protection de la planète et, fort de son succès, émerge dans d'autres pays.
par Aude Massiot
publié le 8 janvier 2019 à 6h14
(mis à jour le 8 janvier 2019 à 15h45)
Tous les jours,
, le rendez-vous environnement de Libération. Aujourd’hui, c’est la règle de trois : trois questions à un scientifique ou un activiste pour décrypter les enjeux environnementaux.

On pourrait les croire inspirés de la Guerre des étoiles. Avec leur slogan «Rebel for life» («rebellez-vous pour la vie») le mouvement écocitoyen Extinction Rebellion, lancé officiellement le 31 octobre en Grande-Bretagne, a rapidement fait des dizaines de milliers d'adeptes sur les réseaux sociaux. Rencontrée lors de la COP 24 en décembre, Alice Henries, 32 ans, une des porte-parole, tente d'expliquer les raisons de ce succès.

Quelle est l’originalité de votre mouvement environnementaliste ?

C’est un soulèvement de désobéissance civile non-violent mené par des citoyens comme vous et moi, qui ne dépendent pas de grandes ONG. Nous sommes entrés en rébellion contre le gouvernement britannique pour son inaction criminelle face au changement climatique. En quelques mois, nous avons vu une hausse énorme des sympathisants. Près de 100 000 personnes nous suivent sur les réseaux sociaux. Il y a un vrai appétit pour l’énergie que nous déployons.

Ce qui plaît c’est que nous ne voulons pas agir de la façon dont le système nous le permet. Nous ne faisons pas signer des pétitions, on a fait ça pendant des décennies. On utilise des actions directes créatives pour ébranler les autorités. Extinction Rebellion n’est qu’une partie de ce mouvement de désobéissance qui s’étend à travers la planète. On le voit avec la grève des enfants lancée par la jeune Greta Thunberg en Suède. C’est une énergie incontrôlable. Ce soulèvement est inévitable avec un tel manque de leadership du haut vers le bas. Quand les gouvernants nous font défaut, nous nous rebellons.

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Votre mouvement est-il basé sur la perspective d’un possible futur effondrement des équilibres écosystémiques et climatiques ?

Oui, une de nos principales demandes aux décideurs est la vérité. Une discussion continue doit être ouverte à travers la société, entre les gouvernants, les citoyens et le secteur privé pour donner à voir la réalité de la crise écologique. Il est encore temps d’échapper à l’effondrement et nous devons forcer les gouvernements à nous protéger car ils ne le font pas pour l’instant. Nous connaissons les dangers du dérèglement climatique. Seulement, c’est difficile d’appréhender les souffrances provoquées à travers des chiffres, des rapports. Nous faisons face à une crise existentielle avec cette sixième extinction de masse causée par l’humanité. Nous avons besoin de ressentir ce que cela signifie et d’entrer dans une période de deuil pour qu’en émergent des actions.

Est-ce que vous avez des demandes spécifiques envers le gouvernement britannique ?

La rébellion exige premièrement qu’on nous dise la vérité, et, deuxièmement, qu’on atteigne zéro émission de gaz à effet de serre d’ici 2025. Personne, pour l’instant, ne vise une telle ambition mais c’est ce dont nous avons besoin. De manière urgente. En parallèle, nous créons des assemblées citoyennes dont les débats doivent servir à établir quels systèmes nous voulons pour remplacer l’actuel qui a failli. Ce ne sont pas des demandes simples comme veulent les ONG. Ce dont on a besoin est beaucoup plus vaste que ce que disent les gens publiquement. On veut une révolution systémique. Et c’est extraordinaire de voir l’appétence pour ce message. Depuis le 31 octobre, des groupes dans 35 pays ont déclaré vouloir créer des branches d’Extinction Rebellion, dont la France.

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