Je ne suis pas une simple préférence sexuelle.

Si vous allez dans un village de France, vous aurez du mal à y trouver deux femmes semblables. Alors, où trouvent-ils des points communs entre toutes les femmes d’un continent entier, ces  hommes qui déclarent « n’être attirés que par des femmes asiatiques » ?

Ils avouent être en proie à des idées préconçues façonnées par l’Histoire sur ces milliards de personnes. Dans leur esprit, les « femmes asiatiques » seraient exotiques, douces, souples, arrangeantes, dévouées au bon plaisir de l’homme, comparables à des mignonneries, voire des bibelots comme l’a écrit** l’auteur Pierre Loti à propos de ces femmes d’ailleurs.

N’être attiré que par une seule catégorie inexistante de femmes, c’est ne pas voir en elles des êtres humains doués d’originalité et de profondeur, mais de les considérer comme des items interchangeables d’une même production en série.

C’est les considérer comme des objets, bien commodes pour y projeter ses propres désirs de puissance. Oui, réduire des femmes de la sorte, c’est sexiste et raciste. D'ailleurs, le racialisme, c'est quoi ? Du racisme encore convenable ? Inutile de tenter l’habituelle défense « je préfère les blondes, c’est pas un crime ». Si je me teins en blonde, ça change la catégorie de site porno où on nous range ? 

Etre asiatique, ce n’est pas une simple option pour moi, cette identité me colle à la peau.

La culture de mes parents, dont j’ai hérité, n’est pas un trait de ma personnalité.

Je ne suis pas bonne en maths. Je ne suis pas docile. Je ne suis pas disciplinée.

"On ne nait pas discret, on le devient."

Et si je l’étais, ce ne serait pas génétique. Ce serait juste comme ça, sans explication liée à mes origines qui ne me déterminent pas.  On ne nait pas discret, on le devient.

On le devient à cause de tous les stéréotypes et préjugés encore véhiculés en 2019 dans notre société. On voudrait que celles et ceux qui me ressemblent soient soumis et obéissants aux règles dictées par d’autres, mieux intégrés car corvéables à merci, invisibles car indignes d’intérêt. Un film hollywoodien se ferait sur leurs émotions tous les 25 ans, et un Golden Globe pour un premier rôle à la télé leur suffirait tous les 40 ans. Rien que le concept de racisme « positif » ou « ordinaire » en dit long sur la manière dont nous acceptons ces discriminations. 

Je dis donc à Yann, Vincent, Michel et tous les autres : (CENSURÉ) 

Ouh, ça fait du bien ! L’exercice de ma liberté d’expression n’entache en rien la leur. La preuve, certains ne s’en privent pas et d’autres propagent allègrement leurs paroles nauséabondes, nous tartinent de buzz, se nourrissent de clics, tout en dormant sur leurs deux oreilles.

C’est pas ça, ma France à moi. Le mot liberté y résonne avec justice sociale, il n’y a pas de liberté fondamentale à faire la misère aux autres. Il n’y a pas de fatalité dans le sexisme, le racisme ou toute autre oppression construite. On peut faire bouger les choses, ensemble. Celles et ceux qui se cramponnent aux conceptions du temps béni des colonies, je vous vois. Entre ça et le futur où les gens sont libres d’être qui ils sont, j’ai choisi mon camp. Et vous ? 

** Madame Chrysanthème, de Pierre Loti

Extraits de “Madame Chrysanthème” de Pierre Loti, membre de l’Académie Française, roman publié en 1887 à propos d’une femme japonaise :
P.9 “Moi, aussitôt arrivé, je me marie (…) Oui, avec une petite femme à peau jaune, à cheveux noirs, à yeux de chat. Je la choisirai jolie, elle ne sera pas plus haute qu’une poupée. Ca se passera dans une maison de papier, bien à l’ombre, au milieu des jardins verts (…) Je la respecterais comme un enfant à moi confié. Je la prendrais pour ce qu’elle est, pour un jouet bizarre et charmant. Quel amusant petit ménage cela me ferait ! Vraiment, tant qu’à épouser un bibelot, j’aurais peine à trouver mieux.”

* Lapetitebanane.com