Le geste des sociétés d'autoroute, à la demande du gouvernement, suffira-t-il?

[ACTUALISÉ] Le 17 janvier, les sociétés d'autoroutes ont annoncé un geste commercial... Mais sans toucher aux tarifs controversés des péages. Le 8 janvier, le gouvernement français avait interpellé ces entreprises pour leur demander de faire un effort pour le pouvoir d'achat, en pleine crise des gilets jaunes. Comme à chaque mois de février, les exploitants d'autoroutes s'apprêtent en effet à augmenter leurs tarifs. Quelle est leur hausse chaque année, les autoroutiers ont-ils des marges très élevées ? L'Usine Nouvelle tire le vrai du faux.

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Le geste des sociétés d'autoroute, à la demande du gouvernement, suffira-t-il?
Comme à chaque mois de février, les sociétés d'autoroutes s'apprêtent à augmenter leurs tarifs controversés.

Actualisation du vendredi 18 janvier : Les sociétés d’autoroutes ont répondu à l’appel du gouvernement. Les tarifs des péages ne seront pas modifiés mais elles ont annoncé un geste commercial le 17 janvier : les conducteurs de voitures particulières et de deux-roues pourront bénéficier d’une réduction de 30% à partir de dix allers-retours par mois. La mesure est destinée aux travailleurs qui effectuent des trajets réguliers entre deux points déterminés. Ces nouveaux abonnements pourront être payants en fonction des gestionnaires autoroutiers mais le prix de l’abonnement sera plafonné à 2,5 euros par mois. Selon le ministère des Transports, un million de Français sont potentiellement concernés par cette offre. La mesure sera mise en place le 1er février, c’est-à-dire en même que la hausse des péages…

Le gouvernement attendait des efforts des sociétés autoroutières. Comme le prix des carburants, les tarifs des péages ont été au centre des critiques des "gilets jaunes". En pleine campagne de désamorçage de la crise sociale, la ministre des Transports a interpellé les exploitants d’autoroutes. Le mardi 8 janvier, au micro de Franceinfo, Elisabeth Borne les a invités “à prendre en compte les attentes des Français en termes de pouvoir d’achat”.

La ministre avait donné dix jours aux entreprises pour donner des propositions. Les sociétés françaises d’autoroutes ont effectivement l’habitude de revoir leurs tarifs au mois de février. C’est l’occasion de départager le vrai du faux sur le sujet hautement controversé des bénéfices des exploitants d’autoroutes.

Les tarifs des péages augmentent davantage en 2019

Vrai. Depuis la privatisation des sociétés autoroutières en 2006, les tarifs des péages ont été revus à la hausse chaque année. Ces augmentations sont délimitées en fonction de l’inflation et des investissements menés par les concessionnaires. En 2018, les tarifs avaient augmenté de 1,329% à 1,388% sur le réseau. En 2019, la ministre des Transports s’attend à une hausse de 1,8% à 1,9%. Des coûts inhabituels liés à deux raisons.

2015 connaît la seule exception à ces augmentations annuelles : le gouvernement Manuel Valls II avait alors imposé un gel de la hausse des tarifs. Une mesure peu inspirée, comme l’a révélé une enquête de France 2 en septembre 2017. Pour compenser ce gel, l’État a en effet dû signer un accord secret avec les sociétés autoroutières. Un texte qui prévoit notamment des hausses de tarifs additionnelles entre 2019 et 2023. Selon l’Arafer (Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières), cet accord se traduit même par un surcoût de 500 millions d’euros à la charge des usagers. Un montant néanmoins contesté par les sociétés françaises d’autoroute.

Cet accord s’ajoute une autre majoration liée au “plan de relance autoroutier” décidé sous François Hollande en 2016. Dans le cadre de ce plan, 700 millions d’euros sont investis par les entreprises dans des travaux. Une partie de ces coûts doit également être répercutée sur les tarifs des péages, entre 2019 et 2021.

Les sociétés d’autoroutes ont des marges très élevées

Vrai. Et c’est l’ASFA (Association des sociétés françaises d'autoroutes) qui le dit. En 2018, pour un tarif de péage de 10 euros, ses membres génèrent 1,5 euro de résultats, soit 15%. Le reste se répartit entre les impôts et les taxes (4 euros), la construction et rénovation du réseau (3 euros) et l’exploitation (1,5 euro).

Dans une de ses publications, l’ASFA justifie ces chiffres par le modèle économique des concessionnaires et exploitants d’autoroutes : “Le modèle de la concession est une courbe en V où l’on commence par perdre beaucoup d’argent pendant de longues années, puis à en gagner beaucoup pendant moins d’années pour rembourser les dettes contractées dans la première phase. En 2006, les acheteurs ont, pour acquérir les sociétés, mobilisé une dette équivalente à celle... qu’ils ont achetée.” Au moment de la privatisation, les sociétés autoroutières portaient effectivement une dette de 30 milliards d’euros.

En 2017, les sociétés autoroutières ont ainsi enregistré 10,17 milliards d’euros de chiffre d’affaires contre 9,83 milliards en 2016 (+11,11%). Les automobiles apportent la majorité de ces recettes (68%) même si l’industrie et les activités logistiques favorisent le passage des poids-lourd (les 32% restants). En parallèle, la dette des autoroutiers pesait 38,5 milliards d’euros en 2017. Un déséquilibre relativisé par Pierre Chasseray, délégué général de l’association 40 millions d’automobilistes, dans le journal Sud Ouest : “Les sociétés ont cette dette mais n’ont aucun intérêt à la rembourser trop tôt. Si les montants des dividendes allaient directement dans le remboursement de la dette, tout passerait d’ores et déjà en profit. Ce serait une catastrophe médiatique. On parlerait de milliards d’euros de bénéfices chaque année. Les investissements leur permettent d’allonger la durée de concession, d’avoir encore de la dette et de dire : on ne gagne pas tant que ça chaque année."

Les sociétés d’autoroutes n’investissent pas

Faux. En 2018, les membres de l’ASFA ont investi 1,49 milliard d’euros pour 16,76 milliards d’euros d’investissements depuis 2008. Les postes de dépenses sont néanmoins variés et tous ne concernent pas l’état de la voirie. L’ASFA dénombre ainsi huit postes d’investissements : la protection des ressources en eau, la protection de la biodiversité (passages pour les animaux), la radio autoroutière, l’assistance, les plateformes de covoiturage, les télépéages sans arrêt, les offres sur les aires d’autoroute et la sécurité sur le tracé.

Les exploitants d’autoroutes ont toutefois déjà fait l’objet de critiques sur ses investissements. En juin 2017, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) avait rendu un avis défavorable sur une série de sept avenants aux contrats de concession entre l’État et plusieurs sociétés d’autoroutes. Ces contrats devaient être signés dans le cadre d’un plan d'investissement autoroutier. L’Arafer dénonçait néanmoins des opérations "pas strictement nécessaires ou utiles à l’exploitation de l’autoroute”. Et surtout, tandis que les entreprises répercutaient le prix de ces travaux sur leurs tarifs, l’Arafer jugeait certaines hausses surestimées ou injustifiées, dans les cas où ces travaux représentaient “des obligations déjà prévues dans les contrats”. Un précédent qui accroît aujourd'hui la suspicion sur les tarifications des sociétés françaises d'autoroute.

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