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Les seniors, premiers colporteurs de fausses nouvelles

Des chercheurs ont identifié les utilisateurs sensibles aux rumeurs sur Facebook pendant la présidentielle américaine de 2016. Contrairement aux idées reçues, les jeunes ne sont pas les plus grands diffuseurs de contenus douteux

Les plus de 65 ans partagent sept fois plus d’articles provenant de sources douteuses que les plus jeunes, selon une nouvelle étude sur la propagation des «fake news». — © Paul Sutherland/Getty Images
Les plus de 65 ans partagent sept fois plus d’articles provenant de sources douteuses que les plus jeunes, selon une nouvelle étude sur la propagation des «fake news». — © Paul Sutherland/Getty Images

«Fake News!» Donald Trump use et abuse de ce qualificatif pour discréditer les médias américains. Une stratégie éprouvée lors de l’élection présidentielle de 2016, séquence politique marquée par la diffusion de fausses informations et des soupçons d’ingérence russe. Qui se laisse séduire par les publications trompeuses? Est-ce vraiment un phénomène d’ampleur? La propagation de faits erronés sur les réseaux sociaux reste un mécanisme obscur.

Les propagateurs de «fake news» ne sont pas forcément ceux qu’on croit

Tout juste dévoilée ce mercredi dans la revue Science Advances, une étude apporte un éclairage nouveau sur le sujet. Des chercheurs américains en sciences politiques ont analysé le comportement d’internautes sur Facebook pendant la campagne électorale de 2016, en consultant notamment l’historique de leurs articles partagés sur la plateforme.

Résultat: les propagateurs de fake news ne sont pas forcément ceux qu’on croit. Les auteurs concluent en effet que les jeunes ne sont pas les premiers colporteurs de fausses nouvelles. Les utilisateurs âgés de plus de 65 ans ont partagé près de sept fois plus d’articles provenant de sources douteuses que le groupe d’âge le plus jeune.

Lire aussi: Comment terrasser les «fake news»

Ce constat est valable quel que soit le profil de l’utilisateur, son niveau de formation ou son orientation politique. «Aucune autre caractéristique démographique ne semble avoir un effet constant sur le partage de fausses informations, ce qui rend notre conclusion sur l’âge d’autant plus significative», soutient le politologue Andy Guess de l’Université de Princeton.

Une question d’éducation aux médias

Mais comment expliquer l’appétence des aînés pour les articles douteux? Les auteurs en sont réduits à des conjectures, regrettant par ailleurs un «manque général d’attention accordé jusqu’à présent aux générations les plus âgées» et donc d’études scientifiques sur la question. Ils avancent cependant une hypothèse principale: l’éducation aux médias.

Les consommateurs d’actualité plus âgés seraient habitués aux grands médias, qui reposent sur des supports traditionnels comme le papier, et peineraient à identifier des sources fiables sur internet. Ils auraient tendance à se fier à leur réseau d’amis pour s’informer, sans grande précaution. Leur impact sur la diffusion de fake news pourrait par ailleurs croître car ils sont toujours plus nombreux à rejoindre des communautés en ligne, selon Andy Guess.

Plusieurs questions restent en suspens: les capacités cognitives et la mémoire des personnes âgées sont-elles en jeu? Les publications vues par les utilisateurs de Facebook influencent-elles leur vote? Existe-t-il un lien entre la consommation et la diffusion de fausses nouvelles? Il faudra plus d’études pour y répondre.

Eviter les biais liés à la recherche

Ces travaux contredisent en tout cas plusieurs recherches qui affirment que ce sont les jeunes qui sont plus vulnérables à la tromperie sur le web. Mais la plupart d’entre elles reposent seulement sur des sondages, avec des biais évidents. Ici les auteurs ont aussi procédé à une enquête en ligne, mais l’originalité de leur méthode est d’avoir éliminé ce biais potentiel en croisant les résultats de l’enquête avec les données des profils Facebook des participants ayant accepté de partager leurs données (1196 sur les 3500 personnes ayant répondu à l’enquête).

Reste que ce modus operandi n’est pas totalement dénué de biais lui non plus: il est possible, en théorie, que des participants aient supprimé des publications problématiques avant la récolte des données.

Un impact modeste

Les chercheurs se montrent eux-mêmes prudents par rapport à l’impact des fake news. «Il est important d’être clair sur la rareté de ce comportement sur les plateformes sociales, concluent les chercheurs. La grande majorité des utilisateurs de Facebook présents dans nos données n’ont partagé aucun article douteux en 2016.»

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Pour sensibiliser les colporteurs de ces mensonges, ils suggèrent de mettre en place des interventions pédagogiques auprès de différentes classes d’âge, pas seulement chez les jeunes. Des mécanismes de prévention sur les réseaux sociaux permettraient par ailleurs de protéger les personnes les plus vulnérables aux contenus trompeurs. Et ainsi de réduire la masse de fausses nouvelles qui pullulent sur le web.