Beaucoup de bruit pour rien. A l’issue de leur rendez-vous avec le président de la République, le 11 décembre 2018, les banques se sont engagées à geler leurs tarifs en 2019. Une bonne nouvelle sur le papier. Le client n’aura pas, pour une fois, matière à se plaindre des prix.
Et pourtant, d’après les calculs du comparateur de tarifs bancaires Meilleurebanque.com, cette annonce est surtout une belle opération de communication. « Nous avions déjà collecté et étudié les tarifs 2019 des banques. Sur les 165 établissements que nous suivons, 57 prévoyaient une modification au 1er janvier, à la hausse ou à la baisse. Au total, l’économie réalisée est extrêmement limitée ! », déplore Maxime Chipoy, le responsable de Meilleurebanque.com.
Certains profils seront perdants
En effet, les tarifs de nos six profils de consommateur type devaient augmenter d’un modeste 0,13 % en moyenne au 1er janvier. Le gel des tarifs annule donc cette hausse, ce qui correspond au mieux à une économie de 80 centimes sur un an pour le profil « senior », principal bénéficiaire des mesures annoncées.
« Chaque profil bénéficie du gel des tarifs sur certains postes de dépenses dont le tarif devait augmenter au 1er janvier et est perdant sur d’autres lignes qui devaient au contraire baisser en 2019 », explique Maxime Chipoy. Si bien que trois de nos six profils sortent en effet perdants, certes très légèrement, de l’annonce des banques ! Certaines, comme Crédit mutuel et BPCE, ont cependant déclaré leur intention d’appliquer les baisses de tarifs initialement prévues.
« Au final, le gain de pouvoir d’achat par ce gel sera totalement marginal. Il ne permettra même pas aux Français de s’acheter une baguette de pain ! », déplore Maxime Chipoy, le responsable de Meilleurebanque.com.
Ainsi, l’« employé » aurait dû bénéficier du recul du coût de sa carte bancaire et de la suppression de frais d’abonnement par Internet dans certains établissements. Le total des frais devait ainsi baisser de 0,91 % pour ce profil. Le gel le prive donc d’une économie de 1,1 euro.
Même constat pour le « jeune actif » (perte de 50 centimes d’euro liée au gel des tarifs) et pour le « jeune inactif » (24 centimes).
De son côté, le « senior » gagne donc 80 centimes grâce au gel des tarifs, contre 60 centimes pour le « cadre » et le « cadre supérieur ». « Au final, le gain de pouvoir d’achat par ce gel sera totalement marginal. Il ne permettra même pas aux Français de s’acheter une baguette de pain ! », déplore Maxime Chipoy.
Si le changement de tarif qui devait être appliqué au 1er janvier n’a pas eu lieu, quelques prestations ont pu augmenter au cours de l’année 2018. Ainsi, on note des hausses spectaculaires du coût de certains services, notamment pour les plus modestes. Par exemple, le coût des retraits déplacés a bondi respectivement de 13,86 % et 14,29 % pour les profils « jeune inactif » et « jeune actif » ; la hausse est même de 33,33 % pour l’« employé ».
Dans les deux premiers profils, les frais de tenue de compte progressent de 7,70 % et 7,14 %, et seulement 1,27 % pour l’« employé ». Les hausses sont moins importantes pour les autres profils, qui peuvent parfois bénéficier de baisses sur certaines prestations.
Des cartes bancaires survitaminées
Au-delà des annonces récentes, l’heure est depuis deux ans à la modération tarifaire, en raison de l’arrivée de nouveaux entrants aux services 100 % mobile sur le marché, comme C-Zam, Nickel, N26, Orange Bank et Revolut.
Et la liste de ces « néobanques » s’allonge régulièrement : le néerlandais Bunq, déjà présent en Allemagne, en Autriche, en Italie et en Espagne, a annoncé son lancement en France fin novembre. « La grande nouveauté de l’année 2018 est l’accélération du développement des néobanques sur le marché français. Les offres sont de plus en plus étoffées et les clients commencent à franchir le pas », confirme Stéphane Dehaies, associé chez KPMG chargé de la transformation bancaire.
Le cabinet de conseil estime à 1,5 million le nombre de comptes actifs ouverts en France auprès de néobanques, dont 85 % chez Nickel, N26 et Revolut. Orange Bank vient, de son côté, d’annoncer avoir conquis 200 000 clients pour sa première année d’existence, dont 30 % à 40 % sont actifs. « Un tiers des nouveaux comptes ouverts en France au premier semestre 2018 l’ont été au sein d’une néobanque. C’est une proportion très élevée pour ces établissements arrivés sur le marché il y a moins de dix-huit mois comme pour Orange Bank, N26 et Revolut », ajoute Stéphane Dehaies.
Les nouveautés apportées par les néobanques sont scrutées de près par les banques, qu’elles soient de réseaux ou en ligne.
Misant avant tout sur les moyens de paiement, par le biais des cartes bancaires survitaminées pilotables par smartphone, les néobanques prennent des parts de marché aux acteurs traditionnels, qu’il s’agisse de réseaux ou de banques en ligne. « Les néobanques innovent avec, par exemple, le temps réel. Leurs clients ont ainsi une vision immédiate de la comptabilisation de leurs opérations, donc du solde du compte, ce qui est un vrai plus », confirme Marc Giordanengo, directeur au sein du cabinet de conseil Ailancy.
Innovations
Ces nouveautés apportées par les néobanques sont scrutées de près par les banques, qu’il s’agisse de réseaux ou d’établissements en ligne. « Les acteurs traditionnels adaptent leur offre en conséquence. On l’a vu avec le développement du pilotage de sa carte bancaire via l’application mobile ou l’arrivée du temps réel pour certaines opérations, y compris à terme chez les acteurs historiques. Les clients des réseaux profitent donc indirectement des innovations des néobanques », remarque Emmanuel Papadacci-Stephanopoli, spécialiste du marketing bancaire chez KPMG.
Les banques en ligne ne sont d’ailleurs pas en reste côté innovation : les clients de Boursorama peuvent consulter leur compte avec l’enceinte intelligente Google Home depuis juillet 2018.
Mais, si dynamiques soient-elles, les néobanques ne permettent pas de se passer complètement d’une banque traditionnelle. « Elles ne peuvent prétendre être la banque principale du client car leur offre n’est pas complète. C’est une différence majeure avec les banques en ligne. Chez ING Direct, les deux tiers des clients détenant un compte courant nous utilisent en banque principale », assure Olivier Luquet, directeur général d’ING Direct.
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