Juan Maria Moreno soumis au chantage de Vox
Concrètement, le dirigeant du Parti populaire Juan Maria Moreno, qui sera intronisé sauf accident la semaine prochaine à la tête de l’Andalousie, est soumis au chantage exercé par Vox. Tout particulièrement par le leader régional Francisco Serrano, un ancien juge réputé pour ses verdicts contre ce qu’il appelle «le talibanisme féministe». Au terme d’innombrables heures de tractations entre les deux partis, Vox a certes dû revoir à la baisse quelques mesures maximalistes – comme la suppression des 50 millions d’euros d’aide aux femmes victimes de violence conjugale. Mais, dans l’ensemble, sa ferveur idéologique a obligé les conservateurs du PP à muscler leur discours et leur programme.
Ainsi, le futur exécutif andalou a l’intention d’appliquer un programme économique ultralibéral, de renforcer les aides à la chasse et à la corrida (en crise), de démanteler le service public audiovisuel, de réviser la législation sur la «mémoire historique» (qui défend les victimes du franquisme) et de renforcer le «droit de conscience» des parents d’élèves sur le contenu scolaire – ceux-ci pourront obtenir que leurs enfants n’assistent pas à des matières au contenu idéologique comme les sciences naturelles, la sexualité, l’instruction civique.
Une coalition des droites ambiguë
La fragile coalition des droites demeure ambiguë, cependant, sur d’autres mesures défendues avec véhémence par les dirigeants de Vox: la recentralisation de l’Etat espagnol, qui passerait par la rétrocession de prérogatives telles que la santé ou l’éducation, et un durcissement de la politique migratoire. Le chef de file national du parti, Santiago Abascal, défend la construction d’un mur en béton armé (sur le modèle de celui que prévoit Trump sur la frontière avec le Mexique) à Ceuta et à Melilla, les deux enclaves espagnoles en territoire africain, ainsi que l’expulsion immédiate de 57 000 sans-papiers, d’origine africaine pour la plupart, résidant en Andalousie.
Ce jusqu’au-boutisme provoque l’embarras du Parti populaire, au point que plusieurs «barons» régionaux se sont positionnés publiquement contre une alliance avec la formation ultra. Elle suscite aussi la gêne des centristes libéraux de Ciudadanos, arrivés sur la scène politique pour «régénérer la démocratie et lutter contre la corruption» et menacés aujourd’hui de «se salir les mains». A gauche, le parti Podemos dénonce «un pacte occulte et diabolique des droites».
Quant au socialiste Pedro Sanchez, le chef socialiste du gouvernement espagnol, il pourrait bien tirer profit de l’irruption de la formation ultra qui droitise le Parti populaire et Ciudadanos, ses adversaires politiques. Reste que, comme le souligne l’observateur Enric Juliana, «les sondages indiquent que les Espagnols penchent de plus en plus vers des prises de position droitières. Il est fort possible que le laboratoire andalou anticipe ce qui va se passer à l’échelle nationale.» Les scrutins municipal, régional et européen de mai permettront d’en avoir le cœur net.