Publicité

«Gilets jaunes» : les forces de l'ordre se préparent au pire

Manifestation du 5 janvier, à Toulouse. PASCAL PAVANI/AFP

Alors que la participation s'annonce plus forte que la semaine dernière, les plus radicaux échangent sur les réseaux cryptés pour déstabiliser les institutions.

Face au spectre d'un nouveau déferlement de violences à l'occasion de l'acte IX du mouvement des «gilets jaunes», les forces de l'ordre redoutent le scénario du pire. Exacerbée par les couacs d'un grand débat national déjà voué aux gémonies, une guerre des «cagnottes» qui a viré au sordide et l'interpellation médiatisée du «porte-parole» Éric Drouet, jamais la situation n'a été aussi inflammable. D'autant que la participation s'annonce plus forte encore que la semaine dernière.

Aux yeux des analystes de la Place Beauvau, elle traduit une profonde mutation de la grogne. «À l'origine très rurale et dispersée autour des ronds-points, la physionomie des manifestants s'est métamorphosée en s'agrégeant sur les agglomérations et en se radicalisant», décrypte un analyste de la Place Beauvau qui observe que «les “gilets jaunes” se laissent de plus en plus entraîner dans une dynamique de la violence, avec le sentiment d'être parfaitement légitimes». Vendredi, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a prévenu que «ceux qui viennent manifester dans des villes, où il y a de la casse qui est annoncée, savent qu'ils seront complices de ces manifestations-là».

Si les «black blocs» ne sont pas au rendez-vous, les services de renseignements travaillent sur des casseurs et des ultras «pas toujours identifiés» qui échangent sur les réseaux cryptés avant d'enflammer la rue. Sans évoquer l'idée d'un noyautage «rouge-brun» du mouvement par les anarcho-autonomes ou l'ultradroite, le directeur général Éric Morvan a décrit jeudi une «stratégie du coucou» mise en œuvre par des «extrémistes qui s'invitent dans le débat» en s'insinuant parmi les manifestants.

Les pontes de la police en sont persuadés: ce mouvement n'a «plus rien d'amateur» et son apparente désorganisation est en fait «volontaire» dans le but de «bousculer les règles, déstabiliser la République et créer les conditions d'une insurrection».

« Depuis décembre, les modes d'intervention ont été adaptés »

«Dans ce contexte où tous les voyants sont au rouge avec un fort effet d'incertitude et de surprises, nous allons mettre toutes nos forces sur le pont», prévient un responsable.

Comme l'a annoncé dès lundi le premier ministre, Édouard Philippe, pas moins de 80.000 policiers et gendarmes sont déployés ce samedi sur l'ensemble du territoire. Selon nos informations, quelque 125 unités des forces mobiles, soit 7500 policiers et gendarmes sont mobilisés. Ils seront appuyés en zone urbaine par 16.000 experts du «saute dessus» issus des brigades anticriminalité, des brigades spécialisées de terrain ou encore des sûretés départementales, mais aussi par les procéduriers de la police judiciaire et les antennes du renseignement territorial. «Depuis décembre, les modes d'intervention ont été adaptés, avec la mobilisation de détachements d'action rapide chargés d'intervenir et d'interpeller un maximum de casseurs en envoyant les policiers “au contact” et de les traduire devant la justice», a rappelé le chef du gouvernement, avant de promettre: «Ce mode d'action sera consolidé.»

Villes sous surveillance

Selon un bilan arrêté au 7 janvier dernier, 6475 femmes et hommes ont déjà été interpellés du 17 novembre au 7 janvier. Soit deux fois plus qu'à l'issue des trois semaines d'émeutes qui avaient secoué la France en novembre 2005. Des villes comme Bordeaux, un des épicentres de la colère jaune, où s'est rendu jeudi le secrétaire d'État à la Sécurité intérieure, Laurent Nuñez, mais aussi Lille, Lyon, Nantes, Rennes ou Toulouse, connues comme pour leurs foyers contestataires, vont faire l'objet d'une surveillance particulière.

« Il ne se passe plus une journée sans que nous recevions un tombereau de signalements d'élus et de responsables locaux faisant part de menaces et d'insultes »

Bourges, dans le Cher, est le cœur de toutes les attentions depuis que des «gilets jaunes» appellent à y manifester. Mais les experts restent prudents, n'excluant pas que les appels à s'y rendre ne soient qu'un leurre, comme ce fut le cas fin décembre à Versailles, où 600 hommes avaient été mis en alerte pour une trentaine de “gilets”.

À Paris, l'acte IX pourrait aussi virer à l'aigre. «La radicalité a pris des dimensions hallucinantes, grince un policier de haut rang. Il ne se passe plus une journée sans que nous recevions un tombereau de signalements d'élus et de responsables locaux faisant part de menaces et d'insultes.»

Au total, le préfet de police Michel Delpuech pourra compter sur une armada 5000 hommes. Son dispositif ressemble à s'y méprendre à ceux mis en place après le calamiteux 1er décembre, où l'Arc de triomphe et la tombe du Soldat inconnu avaient été profanés. L'objectif, une fois encore, est de limiter la casse et de protéger les institutions.

Alors que les secteurs du bas des Champs-Élysées, de la Concorde, de l'Élysée ou de la place Beauvau feront l'objet d'un «périmètre d'exclusion» interdit à la circulation et à «tout rassemblement», le VIIe arrondissement bénéficiera d'un quadrillage renforcé pour y défendre le Palais-Bourbon, Matignon, mais aussi les nombreux ministères qui y ont élu domicile. Mission? Garantir «une capacité de bouclage rapide et d'intervention en cas de nécessité» pour éviter que se reproduise l'épisode désastreux de l'attaque à l'engin de chantier du ministère du porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux.

Outre une cinquantaine de détachements d'action rapide comptant un millier d'hommes, parmi lesquelles figurent une fois encore les «superflics» de la brigade de recherche et d'intervention (BRI), 14 blindés à roues de la gendarmerie tiendront des points névralgiques et, au besoin, permettront aux sections de progresser sur le feu. «Les casseurs n'auront pas le dernier mot», a lancé le premier ministre en montant lundi au front. L'acte IX s'annonce comme un vrai tournant, où les autorités ont beaucoup à perdre.

«Gilets jaunes» : les forces de l'ordre se préparent au pire

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner
1597 commentaires
  • Smith et Wesson

    le

    Je suis surpris que "Justice et lois" puisse menacer en toute impunité des lecteurs du Figaro qui expriment leur opinion conformément à la charte.

À lire aussi