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© Glen Kelp / Pixabay - Licence : Pixabay

Les nanoparticules ont envahi notre quotidien, jusque dans notre alimentation, cosmétiques et dentifrices... L'un d'eux, le dioxyde de titane est particulièrement préoccupant. Enfin interdit dans l'alimentation, il reste présent dans nos dentifrices alors qu'il traverse la muqueuse buccale pour atteindre la circulation sanguine...

On le sait, les bonbons n'ont jamais été très sains pour l'organisme (trop de sucre, gélatine de porc, trop d'additifs alimentaires douteux...). Mais lorsqu'ils contiennent des nanoparticules, c'est encore pire.

D'après l'enquête réalisée fin 2016 par l'association Agir pour l'Environnement, une grande quantité de confiseries destinées aux enfants contiendrait des additifs alimentaires susceptibles de contenir des nanoparticules, majoritairement le dioxyde de titane (colorant alimentaire E171), mais aussi des Hydroxydes de fer (E172) et du dioxyde de silicium (E551).

Plus de 300 produits ont ainsi été identifiés par l'association dans une quinzaine d'enseignes de supermarchés. Au banc des produits alimentaires suspectés de contenir des nanoparticules : chewing-gum, confiseries, gâteaux, chocolats, café (dosettes), décorations gâteaux, mais aussi des plats préparés et des assaisonnements

Les risques liés à l'utilisation des nanoparticules

Les nanoparticules, également appelées particules ultrafines, sont des molécules de taille nanométrique, c'est-à-dire entre 1 et 100 nanomètres, approximativement 1/50 000 de l'épaisseur d'un cheveu humain ! Selon l'INRS, "le passage de la matière à des dimensions nanométriques fait apparaître des propriétés inattendues et souvent totalement différentes de celles des mêmes matériaux à l'échelle micro ou macroscopique, notamment en terme de résistance mécanique, de réactivité chimique, de conductivité électrique et de fluorescence."

C'est pourquoi, les nanoparticules, fabriquées depuis environ 25 ans, ont envahi notre quotidien. On les retrouve dans des domaines aussi divers que l'électronique, l'énergie, le textile, la construction, les cosmétiques, les produits pharmaceutiques et même l'alimentation !

Si les nanoparticules possèdent des propriétés physiques et chimiques remarquables, elles peuvent faire courir des risques pour la santé des professionnels qui y sont exposés mais aussi de ceux qui les ingèrent ou les respirent. En effet, plus fines que les cellules du corps humain, elles pénètrent sans difficulté dans le cerveau, les reins, les intestins, s'y logent et peuvent s'y accumuler. De plus, l'impact des nanoparticules sur l'environnement est également loin d'être neutre, car leur petite taille empêche la filtration dans l'eau ou dans l'air, où elles se répandent librement.

Malheureusement, on ne mesure pas encore ni la nature ni l'ampleur de ces risques, car l'usage des nanomatériaux ne date que des années 1990, comme le rappelle Novethic : "L'évaluation des risques liés aux nanotechnologies a du retard. Et si les experts sont unanimes sur la nécessité d'augmenter les recherches, l'ampleur de la tâche est titanesque. Des centaines de nanomatériaux différents sont déjà sur le marché français."

En France, depuis la loi Grenelle 2 de 2013, les fabricants, ainsi que les importateurs et les distributeurs doivent déclarer tous les ans les quantités et les usages des nanoparticules qu'ils utilisent auprès de l'ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire).

Pourtant, l'association Agir pour l'Environnement dénonçait de nombreuses infractions à la réglementation sur l'étiquetage : malgré le règlement européen INCO 1169/2011, de nombreux fabricants occultent encore la mention "nano" dans la liste des ingrédients qu'ils utilisent.

En France, un arrêté du 5 mai 2017 impose aux industriels de l'agroalimentaire d'informer le consommateur sur la présence de substances sous forme nano particulaires. Malheureusement, cet étiquetage (via la mention "[nano]") ne sera obligatoire que lorsque la teneur en nanoparticule est supérieure à 10 %, conformément aux recommandations des autorités sanitaires européennes.

Janvier 2018 : UFC-Que Choisir dépose plainte pour non respect de la législation

Cette entorse à la loi est également considérée comme "inacceptable" par l'UFC-Que Choisir : "alors que la réglementation oblige les fabricants à faire figurer clairement la mention [nano] sur l'emballage dans la liste des ingrédients, nous avons procédé à l'analyse de 16 produits alimentaires et cosmétiques de consommation courante pour vérifier la présence ou non de nanoparticules: dioxyde de titane, de silicium, oxyde de fer et de zinc et noir de carbone, et le cas échéant leur signalement sur l'emballage. 100 % des produits analysés contiennent des nanoparticules, MAIS (...) 8 aliments et cosmétiques analysés sur 10 contenant des nanoparticules ne le signalent pas !".
Résultat : le 23 janvier 2018, UFC-Que Choisir à déposé 9 plaintes contre des fabricants de produits alimentaires et de cosmétiques pour non-respect de l'obligation légale de signalement sur l'emballage.

Et pour cause : la DGCCRF a présenté, le 10 novembre 2017, au cours des Etats généraux de l'alimentation, un premier bilan de ses contrôles dans les denrées alimentaires. Sur 40 analyses de produits cosmétiques, 35 ont révélé la présence de nanoparticules. De même, la présence de nanoparticules a été détectée dans 29 des 74 analyses de produits alimentaires effectuées. Mais, un seul produit mentionnait, sur son étiquetage, la présence de tous les nanomatériaux identifiés !

Janvier 2020 : le dioxyde de titane est finalement interdit

Suite aux alertes de la société civile, fin août 2017, le gouvernement français a rappelé aux industriels leurs obligations de transparence et d'étiquetage sur la présence de nanomatériaux manufacturés dans les produits de consommation.

En février 2018, le gouvernement français avait demandé à la Commission européenne de suspendre l'utilisation du dioxyde de titane et de réévaluer ses impacts. L'agence européenne pour la sécurité alimentaire (EFSA) avait alors été saisie, mais son avis rendu fin juin 2018 sur la base de 4 études scientifiques, a conclu à de grandes incertitudes qui ne méritaient pas un nouvel avis sur la question...

L'article 53 de la loi agriculture et alimentation débattue et votée le 28 mai 2018 avait confirmé la suspension de l'additif de dioxyde de titane E171 ainsi que les denrées alimentaires en contenant.

Après des propos contradictoires, le Ministre de l'Économie et des Finances Bruno Lemaire s'est finalement engagé le 11 janvier 2019 à interdire le dioxyde de titane.
À compter du 1er janvier 2020, suite à un arrêté conjoint des ministres de l'Économie et des Finances et de la Transition écologique et solidaire, le dioxyde de titane (E1741) est donc interdit dans les denrées alimentaires.

Enfin, aux Etats Unis comme dans l'Union Européenne, le dioxyde de titane est exclu de la filière d'alimentation biologique, vous pouvez donc proposer à vos enfants des confiseries bio qui constituent un substitut intéressant pour les gourmands irréductibles. En outre, certains fabricants de bonbons comme les Smarties contiennent des colorants alimentaires naturels, comme la fameuse spiruline.

Le 23 décembre 2020, l'arrêté reconduisant la suspension du dioxyde de titane (E171) dans l'alimentation pour une durée d'un an a été publié. Pour Agir pour l'Environnement : "Prolonger la suspension du dioxyde dans l'alimentation est une bonne nouvelle mais bien insuffisante. Il faut être logique : cette suspension aurait du être élargie aux dentifrices et aux médicaments. Le dioxyde de titane fait courir des risques graves à la population alors qu'il n'a pas de vraie utilité et peut être facilement substitué".

Sur la base du principe de précaution, l'utilisation du E171 dans l'alimentation a donc été interdite en France à partir de 2020. L'ensemble de l'Europe a suivi en 2022.

Dioxyde de titane : quels risques pour la santé ?

Le dioxyde de titane (ou TiO2 ou CI77891 ou E171) est composé de titane et d'oxygène. Il a différentes propriétés intéressantes pour les matériaux (auto-nettoyant), les cosmétiques comme les crèmes solaires (absorbe les rayons UV), les dentifrices (blanchiment), les médicaments et pour l'alimentation en tant que pigment alimentaire blanc (colorant E171) qu'on trouve dans diverses confiseries, sauces, pâtisseries, etc.

Malgré son usage répandu, l'innocuité du dioxyde de titane est très controversée et les études sur la question restent insuffisantes et contradictoires : "les études de toxicité des nanoparticules par voie orale sont limitées, bien plus que celles portant sur la toxicité par inhalation. L'une des raisons en est la difficulté de les suivre dans les aliments en cours de digestion et dans l'organisme. " note l'Anses dans son rapport de 2015 : "Nanomatériaux et santé - Comprendre où en est la recherche.

Cependant, "quelques travaux ont été menés sur le dioxyde de titane ingéré. Ils donnent des indications sur le fait que les nanoparticules peuvent franchir la barrière de l'intestin et atteindre d'autres organes. Ce défaut de barrière pourrait non seulement favoriser la pénétration des nanoparticules vers l'organisme, mais aussi l'inflammation propice au développement de la carcinogenèse si l'effet s'avérait chronique." ajoute le rapport de l'Anses. Le projet NanoGut, en cours, devrait répondre à ces questions importantes pour notre santé.

En attendant, l'Anses a préconisé en 2014 un classement des nanoparticules de dioxyde de titane comme substances dangereuses afin de permettre des mesures de restriction. D'autant plus que le Centre International de Recherches sur le Cancer (CIRC) classe depuis 2010 le dioxyde de titane dans la liste des éléments potentiellement cancérogènes pour l'Homme, par inhalation.
En outre, le 15 avril 2019, l'Anses a réitéré ses recommandations "visant à limiter l'exposition des travailleurs, des consommateurs et de l'environnement dans le cadre d'une approche graduelle, notamment en favorisant des produits sûrs et équivalents en termes de fonction et d'efficacité, dépourvus de nanomatériaux."

Pour la première fois, une étude de l'Inra publiée le 20 janvier 2017 dans Scientific Reports montre les conséquences sur la santé de l'animal d'une exposition orale au E171 : celui-ci "pénètre la paroi de l'intestin et se retrouve dans l'organisme". Les conséquences sont inquiétantes :

  • troubles du système immunitaire ;
  • lésions prénéoplasiques dans le côlon, un stade non malin de la cancérogenèse, chez 40% des animaux exposés ;
  • accélération du développement de lésions induites expérimentalement avant exposition.

Si l'étude se garde bien d'extrapoler à l'Homme, "ces résultats témoignent d'un effet initiateur et promoteur des stades précoces de la cancérogenèse colorectale".

Une fois ingérées, les nanoparticules s'accumulent dans le foie et la rate après absorption par l'intestin, mais aussi dans le placenta, jusqu'à contaminer le fœtus. Les scientifiques se sont alors demandé s'il existait d'autres voies d'exposition de l'organisme à ces nanoparticules.

Pour répondre à cette question, des chercheurs de l'INRAE, en collaboration avec le LNE (Laboratoire National de métrologie et d'Essais, Paris), ont étudié l'absorption par la cavité buccale. Leurs tests, montrent qu'elles sont effectivement rapidement absorbées via la muqueuse buccale. Une fois absorbées, les nanoparticules endommagent l'ADN des cellules en les soumettant à un stress oxydatif, affectant la survie des cellules en croissance, un effet qui peut affecter le renouvellement de l'épithélium buccal.

Ces résultats, publiés en mai 2023, confirment non seulement que ces nanoparticules traversent la muqueuse buccale pour atteindre la circulation sanguine, donc bien avant leur absorption dans l'intestin, mais aussi qu'elles peuvent affecter la régénération cellulaire au sein de cette même muqueuse.

Par conséquent, ce travail souligne l'importance de prendre en compte l'exposition directe de la cavité buccale à l'additif alimentaire E171 lors de l'évaluation des risques pour l'homme, aussi bien lorsqu'il est utilisé dans les produits alimentaires que dans les cosmétiques (en particulier le dentifrice) et les produits pharmaceutiques.

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Dentifrice Léa Nature pour enfants qui contient du dioxyde de titane
Crédit : Christophe Magdelaine / www.notre-planete.info - Licence : CC BY

Les enfants : les premiers intoxiqués par les nanoparticules

Des études scientifiques ont montré que les enfants seraient en première ligne : ils ingéreraient deux à quatre fois plus de titane que les adultes du fait de leur consommation de sucreries. En plus d'être particulièrement exposés, les enfants seraient également plus sensibles que les adultes aux effets du dioxyde de titane à cause de leurs poids plus faible.

C'est pourquoi, l'Autorité européenne pour la sécurité alimentaire (EFSA) et l'Agence Française de Sécurité Sanitaire, de l'Environnement et du Travail (AFSSET) conseillent d'éviter les produits - cosmétiques ou alimentaires - contenant du dioxyde de titane chez les enfants en bas âge.


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Dioxyde de titane : quels risques pour la santé ? ; 21/05/2023 - www.notre-planete.info


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Questions / réactions (20)


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Mamaro06Il y a 3 ans
Suite à une crise cardiaque, je prends les médicaments suivants :
COVERSYL,ESOMEPRAZOLE,CLOPIDOGREL,ATORVASTATINE et BisoCé Gé.
Ce sont tous des comprimés pelliculés avec du dioxyde de titane (E171) et fabriqués par MYLAN.
Un enrobage avec du E171, mais pourquoi faire ? Ils n'ont pas besoin d'être blancs pour les avaler!
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Reith ReithIl y a 4 ans

Bonjour,

En dehors de l'hypocrisie du moins de 10 %, imposée par les lobbies aux politicards véreux et cupides, il y a catégories de produits où le dioxyde de titane reste autorisé :

- les médicaments   exemple : le BiSoCé Gé de MYLAN 

- les dentifrices exemple le HEXTRIL...


J'ai écrit à MYLAN : aucune réponse...



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FlachIl y a 4 ans
Il semblerait qu'il y ait du dioxyde de titane dans de nombreux dentifrices !!!
Va-t-on considérer le dentifrice comme une denrée alimentaire et pourtant chaque jour ces produits pénètrent dans notre organisme !!!
Mais où va-t-on ?
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Stef65Il y a 5 ans

Nous avions déjà les fumeuses particules dans l'air (saloperies de vieux diesels ;-) voilà qu'elles sont aussi dans la bouffe.

Les bonbons, le chewing-gum, les confiseries, les gâteaux, les biscuits, les chocolats, le café, les assaisonnements, les plats préparés …

Et puis faut pas manger de viande, ni de produits laitiers, ne pas boire de lait, pour certains même pas l'eau du robinet,  l'eau minérale dans les bouteilles en plastoc, ça craint … et puis nous avons les ondes électro-magnétiques, et la radioactivité … les médocs ça craint aussi, les cosmétiques itou… qu'est-ce que j'oublie ? 

Ah oui ! Toutes ces conneries qui nous polluent les neurones, la pub, les jeux du cirque et Jean Passe. 

Eh bien avec tout ça, je me demande comment je suis encore là . Ahahaha !!!

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Clement Bertin Clement BertinIl y a 5 ans

Ayant écouté, le 10 janvier sur la 5, le ministre dire qu'il ne signerait pas les décrets d'application, puis l'ayant entendu, le landemain dire qu'il les signerait bien, ça nous inspire une remarque :

Le vent tourne, l'opinion publique s'intéresse de plus en plus aux questions d'environnement, les politiques ont des difficultés à continuer de privilégier le point de vue de l'industrie au détriment d'un vote parlementaire.

C'est quand même une bonne nouvelle !

Continuons à pousser.

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