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Comment Carlos Ghosn choyait ses proches aux frais de Nissan

Salaires secrets, adhésions au yacht-club, lustre de luxe… de nouveaux documents, consultés par « Les Echos », montrent que le PDG de Renault et ancien président de Nissan a commencé dès 2003 à contourner les règles déontologiques du constructeur nippon.

Au fur et à mesure de leur enquête, les équipes légales de Nissan prennent conscience de l'ampleur des violations au code de déontologie et d'éthique commises par Carlos Ghosn pour financer notamment son train de vie.
Au fur et à mesure de leur enquête, les équipes légales de Nissan prennent conscience de l'ampleur des violations au code de déontologie et d'éthique commises par Carlos Ghosn pour financer notamment son train de vie. (Guibbaud-Nebinger-Orban/ABACA)

Par Yann Rousseau

Publié le 15 janv. 2019 à 11:44Mis à jour le 15 janv. 2019 à 12:52

C'est une lettre très courte datée du 27 mars 2003. Carlos Ghosn, arrivé quatre ans plus tôt au Japon pour sauver Nissan, y annonce formellement à une certaine Claudine Oliveira que le constructeur vient de décider la création d'un « Conseil Global des Donations » et qu'elle a été choisie pour devenir l'unique membre de cette nouvelle institution. Il entame sa lettre, que « Les Echos » ont pu consulter, par la formule : « Dear Sir » - Cher Monsieur - et la signe d'un strict « Yours Faithfully. Carlos Ghosn ». Pourtant c'est à sa soeur vivant au Brésil depuis des années que le PDG de Nissan écrit alors pour lui annoncer son heureux recrutement qui lui donnera droit à de généreux honoraires.

Selon d'autres courriers collectés au fil de l'enquête, Claudine Oliveira a reçu entre septembre 2003 et décembre 2016 des rémunérations et des bonus pour un montant total de 755.000 dollars, soit 660.000 euros. « Le problème, c'est que nous n'avons aucun document prouvant qu'elle ait effectué le moindre travail. Et surtout, ce Conseil Global des Donations n'a jamais existé ! », révèle une personne proche de l'enquête.

Alors qu'elles continuent d'exploiter des centaines de documents, de mails et autres factures récupérés ces derniers mois, les équipes légales de Nissan prennent conscience de l'ampleur des violations au code de déontologie et d'éthique commises par leur ancien dirigeant. Ce dernier est actuellement en détention au Japon depuis le 19 novembre dernier et sa libération sous caution a été refusée ce mardi soir.

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55.000 euros pour le yacht-club

« Il n'est pas interdit d'employer un proche mais cela doit faire l'objet de démarches précises et de contrôles », rappelle un consultant. Or, Carlos Ghosn, qui a profité d'une gouvernance d'entreprise particulièrement faible, avait mis en place un système opaque tenu par une poignée de fidèles pour avantager ses proches en secret.

OK pour 30.000 dollars. Cette année !

A plusieurs reprises, ces dernières années, il a ainsi confirmé les paiements à sa soeur, sans être particulièrement questionné. Sur un mémo datant du 24 novembre 2010 et concernant le paiement d'un bonus à Claudine Oliveira « pour sa contribution spéciale en faveur de Nissan », il a ainsi simplement écrit au stylo : « Ok pour 30.000 dollars. Cette année ! », en marge du texte typographié. Le paiement a été effectué quelques jours plus tard. Après avoir reçu la bonne nouvelle, sa soeur rédigera un bref email de remerciement. « Et remerciez bien Monsieur Ghosn aussi ».

D'autres documents montrent encore comment des entités, construites comme des sous-filiales de Nissan dans un complexe montage juridique aux Pays-Bas, payaient pour lui différentes factures liées à son train de vie personnel ou à celui de ses proches. En février 2014, un cabinet d'avocat travaillant pour Ghosn au Brésil, rappelle par exemple à un employé de Nissan qu'il faut rapidement payer l'adhésion au yacht-club de Rio de Janeiro. La facture est annoncée à 63.164 dollars (55.000 euros).

16,7 millions de travaux

Dans un mail daté du 29 septembre 2017, Carole Ghosn, l'actuelle épouse de Carlos Ghosn qui dénonçait récemment ses conditions de détention, demande à l'employé de Nissan mis à la disposition du couple pour gérer leur nouvelle luxueuse résidence à Beyrouth de bien vouloir payer un décorateur d'intérieur de la ville. La facture qui concerne l'achat d'un nouveau lustre pour le salon se monte à 65.000 euros.

Sur des photos de la maison, consultées par « Les Echos », le luxueux lustre apparaît au-dessus d'une longue table, non loin du somptueux hall d'entrée où les Ghosn ont fait construire un chemin de verre transparent courant au-dessus d'une crypte. C'est là que sont exposés les deux sarcophages découverts en sous-sol au hasard des travaux de restauration de la villa. Au total, l'achat de la maison et sa complète rénovation ont coûté 16,7 millions de dollars à Nissan, qui était le propriétaire de ces logements de Rio et De Beyrouth. 

Un sentiment d'impunité

Car le constructeur, lui, n'avait jusqu'à récemment aucune conscience de ces dépenses. Elles avaient été habilement gérées par un fonds baptisé « Phoinos » intégré au Liban et contrôlé par une filiale du constructeur aux Pays-Bas. L'appartement de Rio, payé par un autre fonds baptisé « Hamsa 1 », avait coûté 5,8 millions de dollars à l'entreprise. « Tout ça était systématiquement dissimulé », souffle un proche de l'enquête, qui pointe le sentiment d'impunité totale du dirigeant.

Dans un mail du 13 octobre 2017, Carlos Ghosn prend d'ailleurs lui-même la plume pour s'agacer d'un retard de paiement concernant la résidence libanaise. Le texte adressé à un cadre de Nissan, au fait de ses activités parallèles, indique que des artisans se plaignent que des factures n'ont pas encore été honorées. « Pourriez-vous m'expliquer pourquoi nous devons faire face à ces problèmes ? », tance-t-il. « Si vous ne parvenez pas à régler ce problème, je vais devoir payer moi-même les vendeurs pour éviter tout embarras ainsi que les commérages désagréables autour de la maison ! ».

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VIDEO - Hiroto Saikawa, DG de Nissan, répond aux questions des « Echos »

Yann Rousseau (Correspondant à Tokyo)

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