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Notre chroniqueur réagit à l’histoire de Rahaf Mohammed al-Qunun, qui braque les projecteurs sur la place des femmes en Arabie saoudite. La jeune femme a raconté en entrevue à la CBC ce qui l’a poussée à fuir sa famille.

Chronique

Arabie saoudite, pays-prison

C’est une histoire digne d’un film : une jeune femme profite d’un moment d’inattention des salauds qui la retiennent en otage pour se sauver, et dans sa fuite, elle utilise les médias sociaux pour plaider publiquement pour qu’on vienne la secourir. L’affaire devient mondiale.

La jeune femme s’appelle Rahaf Mohammed al-Qunun, elle a 18 ans et ceux qui la retenaient en otage étaient…

Les membres de sa famille, en Arabie saoudite.

Elle a profité d’un séjour de sa famille au Koweït pour fuir vers la Thaïlande, d’où elle a interpellé le monde entier avec son téléphone portable pour que l’Australie l’accueille comme réfugiée. Ce fut le Canada, finalement.

La jeune réfugiée souhaitait quitter l’Arabie saoudite parce que…

A-t-on besoin d’une raison pour quitter une prison, de surcroît un pays-prison, au fait ?

A-t-on besoin d’expliquer l’appel de la liberté ?

J’ai utilisé le mot « otage » en parlant de Rahaf…

Est-ce trop fort ?

Non, c’est le mot exact, « otage » est le mot juste : les femmes sont des otages dans cet État de m*rde qu’est l’Arabie saoudite. Otages de leurs familles. Otages de leurs maris. Otages de leur pays, qui est régi par la charia, la loi islamique.

Parlez-en à Nathalie Morin, cette Québécoise piégée par son mari saoudien qui est retenue depuis 13 ans dans ce pays qui bafoue les droits de la personne sans vergogne…

J’ai dit « Vous demanderez à Nathalie Morin », mais c’est une image, un tic de langage : on ne peut pas lui parler ! Elle appartient à son mari, son mari la garde bien près de lui, comme un chien, aux pieds. L’Arabie saoudite n’a rien à redire, Mme Morin a beau être citoyenne d’un autre pays, c’est une femme, et la place d’une femme en Arabie saoudite est au pied de son mari. Ou des hommes de sa famille, si elle n’est pas mariée, comme Rahaf la réfugiée.

Le Canada a donc bruyamment accueilli la jeune Rahaf, ce week-end. Bruyamment, parce qu’elle a été accueillie à l’aéroport Pearson par la chef de la diplomatie canadienne en personne, Chrystia Freeland.

C’est un pied de nez évident du gouvernement canadien aux Saoudiens, l’équivalent d’un « fuck you » diplomatique.

Était-ce bien nécessaire que Mme Freeland en personne accueille la réfugiée à qui on avait préalablement donné un chandail marqué du mot Canada ? Je ne vais pas chipoter là-dessus. Ça fera, la déférence envers un État voyou dont la seule contribution à la grande aventure humaine est d’être assis sur des mers de pétrole.

L’été dernier, quand le Canada a eu l’outrecuidance de déclarer publiquement son inquiétude face à la persécution de Saoudiennes qui ont milité pour le droit de conduire une voiture – je crois rêver en écrivant cette phrase –, l’Arabie saoudite s’est comportée comme une bully en liquidant ses investissements au pays et en rappelant dans le désert 800 de ses médecins qui sont en formation au Canada.

Le rappel a été suspendu, depuis : les étudiants saoudiens continuent à se faire former au Canada, probablement que les misogynes qui dirigent l’Arabie saoudite se sont dit que les chameaux ne pourront pas jouer aux cardiologues, aux obstétriciens, aux chirurgiens.

Mais pensez à ça, une nanoseconde : un des régimes les plus riches de la planète est tellement arriéré socialement et politiquement qu’il n’a pas été capable de créer ces dernières décennies un réseau universitaire capable de former ses propres médecins !

C’est une belle métaphore de l’utilisation faite par les immenses richesses que tire ce pays de l’exploitation du pétrole : le fric engraisse la famille royale et ses laquais, point.

Le Canada a donc accueilli cette jeune réfugiée qui fuyait ce pays-prison qu’est l’Arabie saoudite. Et là, Salman Al-Ansari, le grand vizir des relations publiques saoudiennes aux États-Unis – un homme, bien sûr ! – a déclaré ceci, sur Twitter : 

« À nos amis canadiens, les politiques immatures et provocatrices de Chrystia Freeland et Justin Trudeau à l’égard du plus grand pays du Moyen-Orient, au cœur du monde arabe, pourraient pousser des nations arabo-musulmanes à revoir leurs relations avec le Canada… »

Le gouvernement du Canada jugera bien de ce qu’il doit faire de ses relations avec ce pays dont le principal atout est d’être gros et riche. Mais il faudrait bien que les citoyens, ici et ailleurs, commencent à se demander ce qu’ils peuvent faire pour forcer l’Arabie saoudite à arriver au XXIe siècle.

Dans les années 80 et 90, ce sont les sociétés civiles qui ont commencé à se mobiliser pour que l’Afrique du Sud cesse l’apartheid contre les Noirs. Le régime raciste des Afrikaners était vu comme inébranlable, quoique légèrement infréquentable.

Mais partout dans le monde, des citoyens ont commencé à faire du bruit, à s’émouvoir de cette injustice profonde : l’Afrique du Sud confinait la majorité noire au rôle de citoyens de troisième zone et emprisonnait ceux qui osaient contester ce régime injuste, comme Nelson Mandela.

Les États ont fini par suivre l’opinion publique… Menés par le leadership moral du Canada sous Brian Mulroney.

Et l’apartheid s’est écroulé.

L’Arabie saoudite est un pays qui pratique un régime d’apartheid contre les femmes. C’est l’Afrique du Sud des femmes. Juste pour ça, il est plus que temps que les sociétés civiles de par le monde s’activent contre cette injustice.

J’aimerais rappeler qu’Israël – démocratie imparfaite – est la cible de mouvements de boycott partout en Occident, dans les sociétés civiles. C’est le mouvement BDS, pour « boycott, désinvestissements et sanctions », qui vise à forcer Israël à négocier avec les Palestiniens.

Des universités refusent ainsi d’accueillir des professeurs israéliens, des entreprises sont ciblées pour leurs investissements dans ce pays et des produits israéliens sont ciblés par des campagnes de boycottage.

Ce mouvement est bruyant, visible et bénéficie de la force vive de progressistes qui appuient les Palestiniens. Le sort des Palestiniens est en effet tragique et mérite une attention immédiate des sociétés civiles de par le monde. C’est une situation injuste et Israël a sa part de responsabilité dans cette injustice.

Mais des fois, je me prends à rêver que le dixième de l’énergie consacrée au mouvement BDS soit consacré à cibler les exactions de régimes véritablement dictatoriaux comme l’Arabie saoudite, un État de m*rde qui ne reçoit pas le dixième des critiques qu’Israël reçoit dans les sociétés civiles et chez les forces progressistes.

Bref, en ces jours tumultueux où l’Arabie saoudite nous menace à mots couverts de représailles pour avoir fait preuve de décence en accueillant une otage de la société féodale saoudienne, je me dis que si ce pays-prison passe à l’action contre le Canada, nous ne devrions pas attendre que le Royaume rappelle ses étudiants-médecins…

Nous devrions les sacrer dehors, qu’ils aillent se faire former ailleurs.

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Rahaf Mohammed al-Qunun raconte son ancienne vie d’« esclave »

C’est pour échapper à sa condition d’« esclave » et à la violence physique que lui infligeaient, selon elle, sa mère et son frère que la jeune Rahaf Mohammed al-Qunun a fui l’Arabie saoudite, a-t-elle raconté hier, deux jours après avoir trouvé refuge au Canada.

La Saoudienne de 18 ans, barricadée pendant plusieurs jours dans une chambre d’hôtel de Bangkok, en Thaïlande, et armée de son seul téléphone portable, avait suscité une mobilisation internationale grâce à Twitter en dénonçant les pressions psychologiques et physiques que sa famille lui infligeait, selon elle. Le Canada lui avait finalement accordé l’asile et, depuis samedi, la jeune femme a commencé une nouvelle vie à Toronto.

« Ma plus grande peur était que si [mes parents] me retrouvaient, j’allais disparaître », a-t-elle déclaré en arabe à la CBC lors de sa première interview depuis son arrivée au Canada, disant avoir envisagé le suicide pour échapper à l’emprise familiale.

« J’ai déjà été enfermée pendant six mois parce que je m’étais coupé les cheveux », a-t-elle déclaré, racontant avoir régulièrement subi « la violence corporelle » de son frère et de sa mère.

« Nous, les femmes saoudiennes, nous sommes traitées comme des esclaves. »

— Rahaf Mohammed al-Qunun

Depuis son arrivée dans la métropole canadienne, elle dit avoir reçu une lettre de sa famille qui lui a annoncé notamment qu’elle la reniait. Pour cette raison, elle demande désormais à être appelée seulement Rahaf Mohammed, et souhaite supprimer son nom de famille al-Qunun.

« Beaucoup de gens me détestent, qu’ils soient de ma famille ou d’Arabie saoudite en général », a ajouté la jeune femme, la voix coupée par l’émotion.

Maintenant au Canada, où elle est prise en charge par une ONG, elle désire étudier l’anglais et trouver un emploi.

Jusqu’à présent, « je sentais que je ne pouvais pas accomplir mes rêves tant que j’habitais en Arabie saoudite », a-t-elle ajouté, redisant son bonheur d’avoir été accueillie au Canada.

« J’ai eu l’impression de renaître, notamment quand j’ai ressenti tout cet amour et cet accueil, a-t-elle commenté. Dites aux Canadiens que je les aime. »

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un dissident saoudien au Québec ciblé sur twitter

Une salve de tweets accusant le dissident saoudien Omar Abdulaziz d’être un danger pour le Canada a inondé Twitter, hier. Les publications, publiées et retweetées par des dizaines de comptes, affichent des « captures d’écran » compromettantes de tweets « effacés » qu’Abdulaziz, opposant au Royaume d’Arabie saoudite, aurait publiés en 2013 et en 2015. « Je suis en faveur des opérations djihadistes contre l’armée américaine au Yémen, en Afghanistan, en Irak et contre la Russie en Tchétchénie », aurait prétendument écrit Abdulaziz, qui réside au Québec et a obtenu l’asile politique en 2013. Une autre publication imputée à l’étudiant et militant fait l’éloge du chef du groupe armé État islamique Abou Bakr al-Baghdadi. La Presse n’a pas été en mesure de confirmer l’authenticité des tweets attribués à Omar Abdulaziz. Ce dernier, joint par courriel, n’a pas non plus donné suite à notre demande d’entrevue. — Marissa Groguhé, La Presse

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