Endométriose : "Quand on dit qu’on a mal, on a envie d’être entendue"

Lucy, 21 ans, est atteinte d’endométriose sévère depuis 10 ans. Pourtant, elle n’a été diagnostiquée qu’en octobre dernier.

Maud Le Rest
Rédigé le , mis à jour le
Comme de nombreuses femmes, Lucy a vécu l'errance médicale.
Comme de nombreuses femmes, Lucy a vécu l'errance médicale.  —  © Fotolia

"J’ai décidé de poster ce message car j’en ai ras-le-bol de souffrir." Lucy, 21 ans, est à l’origine d’un thread (une succession de messages Twitter) très remarqué. Le 12 janvier dernier, n’y tenant plus, elle décide de partager sa douleur et son histoire. Cette étudiante en DUT de métiers du livre a en effet appris en octobre dernier qu’elle souffrait d’une forme très avancée d’endométriose, après 10 ans de souffrance et d’ignorance de sa maladie.

 

"On m’a annoncé que j’avais une endométriose profonde"

Son but : mettre en lumière une minimisation quasi systématique de la douleur menstruelle, et plus globalement de celle des femmes. "On nous répète toujours que c’est naturel d’avoir mal. Mais ça ne l’est pas. Quand on dit qu’on a mal, on a envie d’être entendue !" Pendant des années, Lucy a vu son médecin de famille tous les mois, en pleurs. "Je lui disais que mes règles duraient trois semaines, il me répondait que c’était normal", se souvient-elle.

Ce n’est qu’à 21 ans, après 10 années de douleurs insupportables, que des médecins mettront des mots sur ce qu’endure Lucy. "En octobre dernier, j’ai fini par me rendre aux urgences, je n’en pouvais plus. On m’a alors annoncé que j’avais une endométriose profonde. Les séquelles étaient visibles et irréversibles. J’avais deux kystes aux ovaires, dont un qui avait éclaté" raconte-t-elle. Si le diagnostic, terrible, est tombé comme un couperet, pour la première fois, Lucy s’est sentie écoutée.

L’étudiante est d’ailleurs arrivée à l’hôpital juste avant qu’il ne soit trop tard. "Les jours précédents, j’avais très, très mal, plus que d’habitude. Mais tout le week-end, j’ai minimisé ma douleur en me disant que ce n’était pas grave. Aux urgences, on m’a dit que j’avais bien fait de venir." Et pour cause : l’éclatement d’un des kystes aurait pu entraîner une torsion de l’utérus, ce qui favorise le risque d'hémorragie interne et peut se solder par une hystérectomie.

"Depuis octobre, j’ai pris 7 kg"

Aujourd’hui, le quotidien de cette étudiante est bouleversé en profondeur. "J’ai vu cinq ou six médecins différents. J’ai des rendez-vous fréquents avec un radiologue, une gynécologue spécialisée, un chirurgien et deux spécialistes. Je prends sept médicaments différents tous les jours", liste-t-elle, méthodique. Lucy doit également prendre la pilule en continu pour couper ses cycles menstruels. Un cocktails aux lourds effets secondaires. "Parfois, je suis au fond du trou, je pleure pour rien. Ensuite, je suis très joyeuse, ou très énervée. Cela déforme aussi mon corps. Depuis octobre, j’ai pris 7 kg. J’ai des vergetures, j’ai pris des hanches, de la poitrine, un peu comme si j’étais enceinte…" constate Lucy, amère.

La vie sociale de cette étudiante a elle aussi été largement affectée par la maladie. Désormais, cette ancienne sportive peut difficilement sortir le soir, faire les magasins ou même aller en cours. Heureusement pour elle, son université lui permet d’aménager son emploi du temps et de rattraper ses cours. Aussi Lucy pense-t-elle avoir son année sans trop de soucis. Mais cette future bibliothécaire sait que le plus dur reste à faire. "Mon endométriose, c’est quelque chose que je devrai notifier pendant mes entretiens d’embauche. J’ai peur qu’on m’impose des mi-temps" confie-t-elle.

Une douleur "beaucoup trop forte" pour être vraie

Comment expliquer que certains médecins aient fermé les yeux pendant 10 ans ? Pour Lucy, les causes sont plurielles. D’après elle, on peine encore à croire les femmes, parfois soupçonnées d’hystérie. "J’ai encaissé des réflexions très difficiles, même de la part de femmes médecins, qui me disaient que ma douleur, c’était « beaucoup trop » pour que ça soit possible", se souvient-elle. Elle-même persuadée qu’elle exagérait, Lucy a continué à voir son médecin de famille pendant des années : "Je me disais qu’en allant voir ailleurs, on me dirait la même chose."

Aujourd’hui, Lucy peine à imaginer son avenir. A 21 ans, elle se retrouve confrontée à des problématiques qu’elle n’avait jamais envisagées. "On me parle de congélation d’ovocytes, de plans de famille… Mais je n’ai aucun désir d’enfant pour le moment", constate-t-elle, un peu effrayée. Lucy a même dû considérer une hystérectomie. "Au stade où j’en suis, si aucun traitement ne fonctionne, il faudra l’envisager. Mais je me laisse 10 ou 15 ans pour prendre une décision", affirme-t-elle.

Mais malgré le choc du diagnostic et la lourdeur des traitements, la jeune fille positive : ses souffrances ont enfin été reconnues. Lucy espère que son message sera entendu, et qu’il encouragera les femmes possiblement atteintes d’endométriose à consulter. "Quand on voit que la douleur revient fréquemment, il faut forcer son médecin à nous écouter, et en changer s’il ne le fait pas. Il ne faut pas attendre 10 ans, il faut écouter son corps", conclut-elle.