Indemnités parlementaires : 100% des députés seront contrôlés… mais les députés ne seront pas contrôlés à 100%

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Indemnités parlementaires : 100% des députés seront contrôlés… mais les députés ne seront pas contrôlés à 100%

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Le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, a assuré sur France Inter que 100 % des députés seront contrôlés pendant leur mandat
Le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, a assuré sur France Inter que 100 % des députés seront contrôlés pendant leur mandat
© AFP - Alain JOCARD

Le président de l'Assemblée nationale a montré patte blanche après les révélations d'abus des indemnités parlementaires d'une députée LREM, lors de la précédente législature. Richard Ferrand prône un contrôle pour tous les députés et une déontologie de mieux en mieux respectée. Mais la situation n'est pas si rose.

L’enquête de Secrets d’info
4 min

Vendredi, la cellule investigation de Radio France révélait qu'une députée LREM, Anne Christine Lang, avait utilisé son compte bancaire dédié théoriquement à ses frais de mandat pour financer des dépenses personnelles (frais de médecin, de pharmacies, cadeaux…). Ces dépenses, effectuées en 2016, semblent irrégulières au regard de la réglementation en vigueur à cette époque. D'autant plus que la députée, qui siégeait dans le groupe socialiste, à l'époque, avait signé cette année-là une déclaration sur l'honneur attestant qu'elle avait eu un usage conforme de son indemnité représentative de frais de mandat (IRFM – 5 500 euros par mois pour un député).

Invité dans la matinale de France Inter ce mardi, le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand a répondu que "cette députée va évidemment rembourser ce qui, selon elle, a fait l'objet de négligences. Elle va s'en entretenir avec la déontologue de l'Assemblée"

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Cette déclaration fait suite à celles d'Anne Christine Lang qui avait annoncé au Monde qu'elle avait pris contact elle-même avec la déontologue suite à nos révélations.

Pas de sanction

Le président de l'Assemblée nationale n'évoque, à ce stade, aucune sanction, ni possibilité de sanction. Le règlement de l'Assemblée nationale lui donne pourtant la possibilité de saisir le Bureau, comme le précise l'article 7 du code de déontologie : "Le président peut, après avis du Bureau, saisir le déontologue de l’Assemblée nationale d’une demande d’éclaircissements concernant l’utilisation par un député de son indemnité représentative de frais de mandat, avec pour mission de lui en faire rapport. Saisi par le président, le Bureau statue sur la situation du député au vu de ce rapport et prend les mesures appropriées."

Secrets d’info
36 min

Cette absence de réaction de la part du bureau de l'Assemblée (seule instance habilitée à prendre des mesures disciplinaires contre un député, la déontologue n'ayant qu'un rôle consultatif) peut surprendre. 

D'après les documents que nous avons publiés, Anne-Christine Lang n'a pas seulement utilisé sa carte bleue de députée pour payer ses dépenses personnelles. L'élue a également contracté un "prêt d'honneur" auprès de l'Assemblée nationale pour "un montant d'environ 18 000 euros" d'après ce qu'elle nous a expliqué. Ce prêt lui a été accordé à titre personnel. 

Or il apparaît que les échéances du remboursement de ce prêt (environ 1 000 euros par mois) étaient prélevées directement sur son indemnité de frais de mandat. Un tel procédé semble, là encore, contraire aux règles en vigueur en 2016. 

D'après nos informations, certains des 15 parlementaires et ex-parlementaires qui font actuellement l'objet d'une enquête préliminaire pour des soupçons d'abus de frais de mandat auraient utilisé ce système pour s'enrichir.

Concernant les dépenses personnelles payées avec son compte dédié aux frais de mandat, Anne Christine Lang nous a expliqué qu'il s'agissait de "négligences". Sans doute eût-il été intéressant de connaître l'avis du bureau de l'Assemblée à ce sujet. Ce ne sera pas le cas. Du moins pour l'instant.

Faibles moyens de contrôle

Richard Ferrand préfère insister sur le fait que, selon lui, la déontologue de l'Assemblée lui a remis son rapport "hier" et que selon lui, elle estime que "la culture de la déontologie" progresse à l'Assemblée. Ce rapport n'est pas encore public pour l'instant.

Mais en novembre 2017, dans une lettre que nous avions publiée, cette même déontologue critiquait sévèrement le nouveau système de contrôle des frais, en cours de mise en œuvre à l'Assemblée. 

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À ce sujet, Richard Ferrand affirmait ce matin que "100 % des députés seront contrôlés pendant cette mandature sur l'usage qui est fait des frais de mandat". Ce que dit Richard Ferrand est vrai. Un arrêté du bureau de l'Assemblée du 29 novembre 2017  prévoit que "tout député soit contrôlé au moins une fois au cours d’une même législature"

Cependant, au regard des faibles moyens dont dispose la déontologue (employée à mi-temps au Palais Bourbon) il est peu probable que tous le soient ne serait-ce que deux fois. En clair, les députés ne seront pas contrôlés tous les ans. Mais surtout – et la déontologue l'a souligné- certains éléments échapperont à ce contrôle

Les députés pourront par exemple lui opposer le secret sur certaines informations telles que le nom des personnes qu’ils ont invité au restaurant. Ils se sont également octroyé une enveloppe mensuelle de 600 euros pour laquelle ils n'auront pas besoin de justificatifs

Enfin, un ajout récent au règlement interroge : il prévoit que les députés pourront, avec leurs frais de mandat, rembourser les dépenses de leurs "collaborateurs bénévoles". Si l'on voit bien comment déterminer la qualité de collaborateur parlementaire, via l'existence d'un contrat de travail, comment savoir si une personne qui se verra rembourser des frais par un député est bien un "collaborateur bénévole" en l'absence d'un tel contrat.

Seul le bureau de l'Assemblée nationale pourra prendre des sanctions contre les députés

En tout état de cause, ce sera le bureau de l'Assemblée nationale qui sera seul habilité à prendre des sanctions, le cas échéant, en cas d'abus. Cette disposition, critiquée par certains juristes pose le problème du fait que seuls des députés puissent sanctionner des députés.

D’après nos informations, au cours de la législature 2012-2017, les différents déontologues de l’Assemblée l’ont saisi au moins une dizaine de fois pour des cas d’abus d’usage d’IRFM. Aucun compte rendu de ses réunions sur cette période n’en fait état. Richard Ferrand a, pour l'instant, résolu le problème en décidant de ne pas le saisir.

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