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Gérard, 72 ans, médecin malgré lui

Chaque semaine, Frédéric Potet sillonne la France pour relater les petits et grands événements. A Flers, dans l’Orne, un médecin à la retraite a repris du service pour aider une ancienne patiente, atteinte d’un cancer.

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Publié le 15 janvier 2019 à 17h15

Temps de Lecture 3 min.

Gérard Meunier, 72 ans, ex-médecin généraliste de Flers. imprimée, à l’encre rouge, sur sur ses ­ordonnances, la phrase : « Je ferai tout pour soulager les souffrances. »

Quand un médecin arrête-t-il de l’être, médecin ? A la retraite ? Certainement pas, estime Gérard Meunier, 72 ans, ex-médecin généraliste de Flers (Orne), ayant fermé son cabinet en 2006. Il y a trois semaines, un peu avant Noël, une ancienne patiente, Monique, 82 ans, ­atteinte de diverses affections dont un cancer du sein, lui a confié son désarroi de ne pouvoir trouver un médecin traitant, le sien ayant fait valoir ses droits à la retraite un an auparavant. L’arthrose et une thyroïdite aiguë rudoyaient alors le corps de Monique ; suffisamment pour que Gérard Meunier décide de ­« reprendre du service ». Au débotté. Et sans carte professionnelle.

« Qu’on ne vienne pas me chercher des poux dans la tête : je ne prends les prérogatives de personne vu que personne, précisément, ne la ­soignait jusque-là. » Gérard Meunier

Sur Internet, l’ancien docteur a relu le serment d’Hippocrate. Il en a ­extrait une phrase – « Je ferai tout pour soulager les souffrances » – qu’il a ensuite imprimée, à l’encre rouge, sur une feuille blanche A4, vouée à devenir ­ordonnance. Sur celle-ci, il a prescrit ­divers médicaments que Monique est ensuite allée chercher à sa pharmacie habituelle, comme si de rien n’était. Sa mutuelle n’a pas réagi. La Sécurité sociale non plus. Idem du conseil de l’ordre des médecins auprès duquel Gérard Meunier est encore inscrit en tant que médecin retraité.

« J’ai le sentiment d’être dans ma mission, plaide celui qui exerça également au centre hospitalier Jacques-Monod de Flers. La seule question que je me suis posée est de savoir comment faire en sorte que Monique cesse de souffrir. Elle chiffrait sa douleur à 5 sur une échelle de 10. Qu’on ne vienne pas me chercher des poux dans la tête : je ne prends les prérogatives de personne vu que personne, précisément, ne la ­soignait jusque-là. » Dans le salon de sa petite maison d’un quartier de Flers où elle vit seule, Monique raconte ses déboires pour trouver un médecin traitant : « J’ai dû appeler une dizaine de cabinets. Tous m’ont dit que les docteurs étaient à flux tendu et qu’ils ne prenaient plus personne. »

L’ancienne institutrice a même élargi le rayon de ses recherches à 15 kilomètres autour de Flers, jusqu’à Tinchebray-Bocage : sans plus de succès. Elle s’est rapprochée entre-temps de son ­gynécologue, afin de se faire prescrire certains antidouleurs, mais ce dernier vient à son tour de partir en retraite. L’offre – gracieuse – du docteur Meunier fut une aubaine. Monique n’a pas oublié qu’il y a trente ans celui-ci lui avait vivement conseillé de passer une mammographie au prétexte qu’elle avait atteint la cinquantaine ; Monique avait alors découvert le début d’un (premier) cancer du sein, qu’elle avait réussi à vaincre.

Ordonnances aux proches

L’initiative de l’ex-praticien de « reprendre sa sacoche » vaudra peut-être à celui-ci des remontrances de la part de la profession. « Voire des hommes politiques, dans la mesure où ce que je fais est aussi un moyen de dénoncer leur incurie », explique-t-il. Sur le sujet de la pénurie de médecins, Gérard Meunier est intarissable pour dénoncer une stratégie visant à réduire l’offre de soins afin de combler le trou de la Sécu – politique qui remonterait selon lui à l’instauration, en 1988, d’un mécanisme d’incitation à la cessation anticipée d’activité (MICA) permettant aux médecins âgés de 57 ans de cesser leur fonction libérale en échange d’une indemnité financière.

Monique n’est pas la seule patiente que le retraité accompagne ­médicalement. Il est arrivé à Gérard Meunier de délivrer des ordonnances à des membres de sa famille et à des proches. Ses voisins, à Montsecret, le village où il habite, peuvent aussi compter sur lui. « En cas de pépin, ils savent que ma porte est ouverte, à toute heure de la journée ou de la nuit, confie-t-il. Le ­savoir médical est une compétence comme une autre. Il se doit d’être partagé à des fins de solidarité. »

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