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Qu’est-ce que le Teorem, le téléphone sécurisé qu’Alexandre Benalla a négligé de rendre ?

Ces terminaux ultrasécurisés sont fournis aux plus hauts représentants de l’Etat, et notamment au président de la République et à son entourage.

Le Monde

Publié le 16 janvier 2019 à 16h06, modifié le 16 janvier 2019 à 17h11

Temps de Lecture 3 min.

Alexandre Benalla a négligé de rendre, après son départ de l’Elysée, son téléphone sécurisé Teorem. Un « oubli » qui s’ajoute à une série de révélations sur les passeports diplomatiques utilisés par l’ancien « monsieur sécurité » du président de la République, mis en cause dans plusieurs affaires de violences contre des manifestants.

  • Qu’est-ce que le Teorem ?

Un téléphone Teorem, à l’exposition « Le Secret de l'Etat. Surveiller, protéger, informer. XVIIe-XXe siecle », aux Archives nationales, en 2015.

Les Teorem sont des téléphones ultrasécurisés conçus par Thales et destinés aux communications les plus sensibles des plus hauts représentants de l’Etat. Ce terminal austère, qui n’est pas vendu dans le commerce, est conçu pour chiffrer de manière robuste les communications vocales. La sécurité de la communication dépend des appareils utilisés par les deux correspondants : ils offrent une protection maximale lorsque les deux interlocuteurs utilisent ce terminal.

  • Qui utilise ces téléphones ?

Selon le rapport annuel de l’Anssi, l’agence chargée de la sécurité numérique de l’Etat, 3 325 Teorem étaient utilisés en France en 2017. Ils sont fournis au président de la République et à son entourage, aux ministres du gouvernement, ainsi qu’à certains très hauts fonctionnaires chargés de missions sensibles.

En pratique, l’Anssi a historiquement bataillé avec les élus pour qu’ils utilisent ces téléphones peu discrets et peu pratiques – il n’est par exemple pas possible d’y installer des applications, pour des raisons de sécurité. Nicolas Sarkozy a longtemps privilégié un BlackBerry, tandis que François Hollande comme Emmanuel Macron utilisent principalement des Apple.

  • Quels sont les moyens de communication sécurisés utilisés par l’Etat ?

Depuis 2007, un intranet gouvernemental relie les différents ministères et permet d’échanger des informations jusqu’au « confidentiel défense ». ISIS – pour Intranet sécurisé interministériel pour la synergie gouvernementale – a son siège dans un bunker ultrasécurisé enfoui sous les Invalides. On compte à ce jour 1 650 « postes ISIS » répartis sur 374 sites.

Un terminal ISIS.

Le gouvernement dispose d’un équivalent à Skype, Horus, qui permet aussi une protection jusqu’au « confidentiel défense ». Comme l’explique l’Anssi sur son site Internet : « Ce système est couramment utilisé entre la présidence de la République, les services du premier ministre et plusieurs centres opérationnels de crise dont ceux des ministères de l’intérieur et de la défense. »

Il existe en outre le réseau de téléphonie fixe Rimbaud (réseau interministériel de base uniformément durci), qui équipe 4 803 abonnés. Ce dernier ne concerne pas seulement l’Etat et le gouvernement, mais aussi certains acteurs de l’Etat en dehors de Paris, ainsi que les opérateurs d’importance vitale, ces entreprises ou organismes dont la perturbation aurait de graves conséquences pour le pays (énergies, télécommunications…). Le réseau Rimbaud peut, dans certaines configurations, protéger les discussions jusqu’au niveau « secret défense ». C’est notamment sur ce réseau que se « branche » le Teorem.

Enfin, l’Etat a déployé, en 2017, à l’occasion de la prise de fonction du gouvernement d’Edouard Philippe, un autre réseau de téléphonie fixe baptisé Osiris. Thales a fortement contribué à ce nouveau matériel, mais le projet a surtout été mené directement par les services de l’Etat, et en particulier par l’Anssi. Ce nouveau réseau équipait au départ dix cabinets ministériels (pour 384 postes) et devait, au cours de l’année 2018, arriver sur les bureaux des autres ministères mais aussi, selon le rapport de 2017 de l’Anssi, sur « ceux de certains services déconcentrés de l’Etat » comme les préfectures.

Il n’est cependant pas aussi sécurisé que le Teorem, et ne protège les communications que jusqu’au niveau « confidentiel défense ». Outre la sécurité, l’autre de ses objectifs, et non des moindres, était d’être plus facile et pratique à utiliser que le Teorem. « Le téléphone ultrasécurisé Teorem était bien il y a dix ans mais il est compliqué à utiliser. Nous voulons revenir à des objets d’usage quotidien », expliquait au Monde Guillaume Poupard, le directeur de l’Anssi, en 2017. Visuellement, rien ne distingue les téléphones raccordés à ce réseau de n’importe quel poste fixe d’entreprise.

  • A quel point le fait de n’avoir pas restitué un Teorem est-il problématique ?

L’usage de ces téléphones est limité. Si Alexandre Benalla a conservé indûment l’un de ces terminaux, il n’a pas pu en faire un grand usage – selon l’Elysée, le téléphone n’a pas été utilisé depuis le 1er juillet. Ces appareils peuvent par ailleurs être coupés à distance par les services de l’Etat, comme n’importe quel opérateur peut suspendre une ligne – ce qui a été fait le 4 octobre 2018 à l’occasion d’un inventaire, toujours selon l’Elysée.

En revanche, le fait de posséder l’un de ces terminaux est aussi, dans certains cercles diplomatiques, un marqueur de statut qui prouve une proximité immédiate avec le pouvoir en place – un atout potentiellement non négligeable pour un consultant en « diplomatie privée », comme se présente désormais M. Benalla.

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