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Le pôle nord magnétique se déplace de façon étrange

Le champ magnétique de la Terre est produit par les mouvements de fer liquide dans le noyau. ESA/ATG medialab

Le champ magnétique terrestre connaît des variations brutales qui peuvent perturber les instruments de navigation dans certaines régions et poussent les scientifiques à mettre à jour les cartes magnétiques globales.

C'est un transfuge post-guerre froide que l'on savait imminent: en 2018, le pôle Nord magnétique est passé à l'est. Ce point de convergence des lignes du champ magnétique terrestre (différent du pôle Nord géographique qui est défini par l'axe de rotation de la Terre) se déplace en effet lentement depuis le Canada vers la Sibérie depuis très longtemps. Il était inéluctable qu'il franchisse un jour le 180e méridien qui, avec le méridien de Greenwich, sépare la Terre en deux hémisphères, est et ouest - c'est aussi ce méridien qui définit la ligne de changement de date (même si pour des raisons pratiques évidentes celle-ci contourne les pays que le méridien traverse).

Le pôle nord magnétique bouge beaucoup plus vite depuis le milieu des années 90 environ. World Data Center for Geomagnetism/Kyoto University

Connu depuis 1831, le mouvement du pôle Nord magnétique n'a jamais été parfaitement régulier. Mais depuis le milieu des années 1990, il s'est tout de même accéléré dans des proportions inédites. De 15 km/an, le pôle se déplace depuis à une vitesse de 55 km/an. Résultat: il a déjà parcouru autant de distance depuis l'an 2000 que pendant l'intégralité du 20e siècle. Ce qui pousse les spécialistes à adapter les modèles magnétiques intégrés dans les instruments de navigation avec un peu d'avance par rapport au calendrier prévu, révélait le site de Nature la semaine dernière. Le World Magnetic Model (WMM) fourni par la NOAA américaine et le British Geological Survey à l'administration américaine, à l'OTAN et à d'autres organisations internationales sera ainsi modifié dès le 30 janvier plutôt qu'en 2020.

Le pôle Nord magnétique sert en effet encore et toujours… à nous diriger sur Terre! Si les systèmes de positionnement par satellite (GPS américain, Galileo européen, Glonass russe ou Beidou chinois) nous donnent parfaitement notre position sur Terre, à quelques mètres près, ils ne donnent pas le cap, c'est-à-dire la direction dans laquelle nous sommes orientés. Pour cela, nous dépendons toujours des bonnes vieilles boussoles et autres compas magnétiques.

Un décalage trop important

Et les instruments les plus perfectionnés intègrent un modèle magnétique global qui donne la direction et l'intensité précise du champ magnétique en tout point du globe à un instant donné. En comparant l'indication de «l'aiguille» avec cette donnée, on peut déterminer correctement la direction réelle dans laquelle on est orientée à la surface de la Terre, mais aussi jusqu'à 1000 km d'altitude environ.

L'accélération du déplacement du pôle Nord magnétique en elle-même est bien connue. Mais elle se conjugue à un autre phénomène: des impulsions, appelées secousses géomagnétiques, qui donnent par endroits une sorte de «coup d'accélérateur» au champ magnétique. Il s'en est produit une en 2016 qui a conduit peu à peu le modèle à diverger par rapport aux mesures réalisées depuis l'espace.

«Les deux phénomènes s'additionnent d'une certaine façon, si bien que dans une zone autour du pôle Nord, cela donne lieu à des décalages trop importants entre le World Magnetic Model que nous élaborons et les observations», explique Arnaud Chulliat, géophysicien à l'université du Colorado à Boulder et à la NOAA américaine. Décision fut donc prise l'année dernière de mettre à jour le modèle et d'en «distribuer» une nouvelle version dès le 15 janvier. Le «shutdown» qui touche actuellement tous les services publics américains, dont la NOAA, a poussé l'administration à reporter au 30 janvier cette dissémination.

Le champ magnétique global faiblit

Le WMM n'est pas le seul modèle de référence. Il en existe au moins un autre, l'International Geomagnetic Reference Field, mis au point par un consortium international de chercheurs. Mis à jour tous les 5 ans, sa prochaine version sortira a priori comme prévu en 2020.

Quant aux origines profondes de ces fluctuations du champ magnétique terrestres, elles ne sont pas encore parfaitement comprises. «Ce sont les mouvements de fer liquide dans le noyau terrestre qui donnent naissance au champ magnétique global», rappelle Julien Aubert, spécialiste de la modélisation de ces écoulements à l'Institut de physique du globe de Paris. «Nous voyons dans les simulations que les écoulements de fer liquide autour de la graine produisent assez naturellement ces mouvements erratiques du pôle autour du pôle géographique. Mais il reste difficile de prédire leur évolution exacte. Quant aux impulsions, nous pensons qu'elles sont provoquées par l'arrivée à la surface d'ondes hydromagnétiques, sortes de vagues de fer liquide qui naissent plus en profondeur dans l'écoulement».

Pour le moment, ces simulations ne permettent pas de prédire assez finement l'évolution du champ magnétique pour se substituer aux modèles empiriques utilisés par les compas magnétiques. Elles permettent en revanche de comprendre de mieux en mieux l'évolution globale de notre environnement magnétique et de prévoir son affaiblissement progressif au cours du siècle prochain.


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