Un bar de Rennes invente un cocktail fictif contre les harceleurs

A Rennes, le Meltdown a une astuce. Lorsqu’une cliente du bar commande un œil d’Horus, le barman comprend immédiatement qu’elle a besoin d’aide. Une manière discrète de lancer un SOS.

 Rennes (Ille-et-Vilaine), dimanche. L’équipe du bar le Meltdown vole au secours de tout client qui lui commande un cocktail baptisé l’œil d’Horus.
Rennes (Ille-et-Vilaine), dimanche. L’équipe du bar le Meltdown vole au secours de tout client qui lui commande un cocktail baptisé l’œil d’Horus. LP/Solenne Durox

    Pas moins de 30 cocktails sont à la carte du Meltdown, un bar de Rennes (Ille-et-Vilaine). Le dernier-né s'appelle l'œil d'Horus et ne coûte pas un sou. Inutile aussi de le chercher sur la carte car il n'y figure pas. Il s'agit en fait d'un nom de code, d'un SOS.

    Confrontés à des plaintes de clientes victimes de comportements déplacés ou de harcèlement, les responsables et quelques habitués ont eu l'idée de créer un cocktail fictif. Il suffit de le commander au comptoir pour alerter le barman qui se charge ensuite d'exfiltrer discrètement la personne dans une pièce à part pour recueillir ses confidences. Puis d'identifier et de recadrer le fauteur de trouble. Comme l'explique l'affichette collée sur la porte des toilettes des dames, « il est important pour nous qu'une personne franchissant la porte d'entrée se sente en sécurité ».

    C'est Malo Dupont, un habitué, qui a eu l'idée du cocktail fictif après en avoir découvert l'existence dans plusieurs pays anglo-saxons. Même s'il a été « assez compliqué de trouver un nom de boisson qui n'existe pas », explique l'équipe du bar, elle est finalement tombée d'accord sur l'œil d'Horus, un symbole de protection e tde bonne santé remontant à l'Egypte antique.

    Lever les ambiguïtés

    « Avant, on n'avait pas de protocole défini. On gérait les problèmes au cas par cas mais ils ne nous étaient pas toujours remontés », explique Etienne Coquerant, l'un des barmen. Le Meltdown, bar spécialisé dans l'e-sport, attire une clientèle très diversifiée, notamment des personnes qui ne sont pas toujours très à l'aise socialement et peuvent être des cibles faciles.

    « Il n'y a pas que les femmes qui sont concernées, ça peut aussi arriver aux hommes ainsi qu'aux membres de la communauté LGBT. Parfois, on voit des choses, on se demande si on interprète mal la situation et s'il faut intervenir », raconte Franck, un autre habitué.

    Le cocktail fictif a l'avantage de lever toute ambiguïté. Preuve de son utilité, il n'a pas fallu attendre bien longtemps avant que l'œil d'Horus soit commandé. Le nom de code a en effet été prononcé dès le week-end dernier par une cliente.

    « Elle est venue au comptoir me dire qu'elle avait été suivie en sortant du bar par un autre client alors qu'elle raccompagnait une amie jusqu'à son immeuble. L'homme avait même forcé la porte d'entrée. Alors, on l'a ramenée chez elle et on a interdit au harceleur de revenir », raconte le second barman, Florian.

    Le Meltdown espère maintenant être imité par d'autres établissements de la capitale bretonne.