Gilets jaunes : à Toulouse, la colère des commerçants s’affiche en vitrine

Menacés économiquement par les manifestations à répétition, des gérants de boutiques et restaurants ont mis sur leur devanture des messages pour faire part de leur désarroi.

 Le collectif « Commerçants en colère 31 », pour dénoncer le « climat d’insécurité qui règne chaque samedi au cœur de la ville de Toulouse depuis deux mois ».
Le collectif « Commerçants en colère 31 », pour dénoncer le « climat d’insécurité qui règne chaque samedi au cœur de la ville de Toulouse depuis deux mois ». PHOTOPQR/La Dépêche du Midi/Frédéric Charmeux

    A cran, les commerçants des abords du Capitole, du marché Victor Hugo ou encore de la place Saint-Georges, ont placardé pendant trois jours sur leurs devantures un millier de pancartes aux couleurs rouges et blanches. « Commerces en danger. A vendre. Pôle emploi immo », pouvait-on lire, accompagné du numéro de téléphone de la préfecture. Mais pour ne pas attiser la colère, pharmacies, boutiques de prêt-à-porter, épiceries, restaurants, salons de coiffure, ont décidé de retirer les pancartes le temps que se passe la dixième journée de mobilisation de ce samedi, qui s'annonce record, avec plus de 10 000 manifestants attendus.

    « Nos panneaux peuvent passer pour une exagération, mais c'est la pire crise que nous traversons depuis dix ans », explique Benjamin Serra, membre de la CPME, syndicat de petits patrons, par ailleurs à la tête du Monsieur Georges et de six autres établissements. Il est l'un des trois restaurateurs à l'origine de l'initiative.

    Avec Olivier Bouscatel des Illustres place du Capitole, et Christophe Baron du Télégramme et de l'Alimentation, ils ont monté le collectif « Commerçants en colère 31 », pour dénoncer le « climat d'insécurité qui règne chaque samedi au cœur de la ville de Toulouse depuis deux mois, obligeant les commerçants et les artisans à descendre leurs rideaux sous peine de voir leurs vitrines brisées ou à même redouter pire encore dans l'échelle de violence ». Ils ont réuni 600 commerçants et artisans, mardi dernier, pour lancer leur cri d'alerte.

    Des emplois menacés

    Alors que les fêtes et les soldes constituent des périodes décisives, les clients désertent les boutiques. « Presque tous les samedis, nous avons dû fermer dès 17 heures pour éviter les débordements. La semaine dernière, 20 personnes se sont réfugiées dans la boutique », affirme-t-on au Comptoir de Mathilde, rue Lafayette, près du Capitole.

    Chez Angie, un créateur de bijoux, situé cent mètres plus loin, mi-janvier, le chiffre d'affaires n'atteint même pas le quart de celui du mois dernier. « J'ai peur d'aller travailler. Je comprends les Gilets jaunes, mais la casse ne sert à rien », souligne la vendeuse, aux premières loges des affrontements entre CRS et casseurs. On annonce 50 % de baisse du chiffre d'affaires au marché Victor Hugo. De nombreux clients annulent leurs réservations au restaurant le samedi, et les terrasses de la place Saint-Georges sont rangées.

    « De grands établissements, qui ont pignon sur rue depuis deux générations, ont recours au chômage partiel. Nous avons obtenu l'étalement des charges, mais nous demandons aussi des exonérations fiscales », explique Philippe Roncalli, patron de Mon Opticien, rue des Lois, et membre du bureau de la Fédération des commerçants de Toulouse. 67 % des commerces interrogés par la Chambre de commerce et d'industrie estiment à plus de 30 % l'impact de la crise des Gilets jaunes sur leur chiffre d'affaires de décembre dernier.

    Le collectif des commerçants en colère a rassemblé 300 doléances, que le maire LR de Toulouse Jean-Luc Moudenc a transmises à Emmanuel Macron, lors de sa visite à Toulouse, jeudi. Le président du Tribunal de commerce leur a promis vendredi d'étudier des solutions de sauvegarde pour les entreprises. « Quand quelques semaines ont suffi à détruire un ou deux ans de trésorerie, c'est la dernière étape avant les licenciements et la cessation d'activité », déplore Benjamin Serra. Le restaurateur n'embauchera pas dans les mois à venir. « On manque de visibilité donc on ne peut prendre aucun risque ».