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Un être humain sur sept est « invisible »

Près de 1,1 milliard de personnes ne disposeraient pas de papiers officiels leur permettant d'être identifiés pour signer des contrats, voter, ou bénéficier de services publics. Les solutions numériques pourraient réduire le problème.

Les quatre cinquièmes des 85 millions de citoyens du Nigeria attendus aux urnes le 16 février ne disposent pas de papiers officiels prouvant leur identité.
Les quatre cinquièmes des 85 millions de citoyens du Nigeria attendus aux urnes le 16 février ne disposent pas de papiers officiels prouvant leur identité. (AFP)

Par Yves Bourdillon

Publié le 19 janv. 2019 à 12:00

Un être humain sur sept n'existe pas… du moins de manière officielle. Ces « invisibles », pour reprendre l'appellation utilisée par les ONG et institutions internationales concernées, ne disposent pas de papiers d'identité, ce qui complique, voire empêche leur accès aux aides sociales, aux services publics de santé, à l'enseignement ou encore aux retraites. Ils sont aussi handicapés pour souscrire des abonnements téléphoniques, des emprunts ou des contrats, pour ester en justice, monter une entreprise, acheter un commerce, louer un appartement, voire voyager.

Trois Nigérians sur quatre n'ont pas de documents officiels

Sans parler d'exercer leur droit de vote, au vu des controverses récurrentes en Afrique sur les listes électorales, encore récemment en République démocratique du Congo . Paradoxe : au Nigeria, pays à la plus forte proportion (78 %) d'invisibles du monde malgré quatorze ans d'efforts infructueux, les autorités électorales vont déployer des cartes à puce pour la présidentielle du 16 février prochain. En 2015, celle du président Goodluck Johathan n'avait pas fonctionné…

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Au total, selon une estimation de la Banque mondiale, les « invisibles » seraient au nombre de 1,1 milliard, dont la moitié en Afrique subsaharienne (28 des 32 pays de la région ont un taux supérieur à 20 %) et le tiers en Asie du sud (Inde, Pakistan, Bangladesh). Une évaluation par essence approximative puisqu'il s'agit de compter des gens sans existence officielle. Autre source de confusion, qui pourrait minorer l'estimation globale, les Etats peuvent considérer comme dépourvus de papiers d'identité des gens qui en disposent pourtant, reconnus seulement par des autorités locales.

Ce phénomène affecte surtout les ménages pauvres ou marginalisés, mais gêne aussi les Etats, en raison du risque d'usurpation d'identité d'ayants-droit de prestations sociales, une fraude redoutable pour des pays fragiles financièrement. Il est aussi difficile de suivre la vaccination d'enfants « invisibles », d'empêcher des fraudes aux examens universitaires, ou de vérifier l'identité de suspects de crimes et délits. Bref, les documents officiels d'identité jouent un « rôle essentiel dans la capacité qu'ont les individus à exercer leurs droits et responsabilités » dans les pays émergents, souligne Joseph Atick, le patron de l'ONG de référence ID4Africa.

L'espoir du numérique

Le phénomène des invisibles s'explique par le fait que les parents ignorent combien il est important d'enregistrer leurs enfants à la naissance, où se trouvent à plusieurs jours de marche ou de pirogue de services administratifs. Les conflits ont aussi un impact, parce que les « invisibles » ont peur d'être associés à tel ou tel groupe ethnique persécuté, perdent leurs documents avant un exil précipité, ou éprouvent la crainte, pas toujours illégitime, d'être fiché par le pouvoir.

Les Etats ne disposent pas non plus toujours des moyens financiers de gérer un système d'enregistrement complet de leurs ressortissants, dont le coût pourrait toutefois chuter fortement grâce à l'émergence de solutions numériques : des terminaux légers permettent de scanner les caractéristiques biométriques (photo du visage, forme de l'iris de l'oeil, empreintes digitales), de manière bien plus résistante à la fraude que les documents sur papier, souligne ID4Africa.

Sans être infaillibles pour autant, comme l'ont montré les soupçons sur le système Aadhaar en Inde . Lancé en 2010, il a permis « d'enrôler » 1 milliard d'Indiens, pour 0,4 dollar par tête. Mais le journal indien « The Tribune » a révélé il y a un an que le système comportait une faille donnant accès aux données privées des enrôlés. La faille permettait de surcroît de se doter d'une fausse identité pour 6 euros.

Yves Bourdillon

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