Royaume-Uni: "L'environnement hostile" qui vise les migrants illégaux

Royaume-Uni: "L'environnement hostile" qui vise les migrants illégaux

© Tous droits réservés

Temps de lecture
Par Aline Wavreille

Si les migrants du Parc Maximilien choisissent le Royaume-Uni pour destination, c'est aussi parce qu'ils pensent que même s'ils y sont déboutés du droit d'asile, ils pourront y vivre, y travailler clandestinement. Le pays fonctionne sans carte d'identité, ce qui alimente sans doute cette image. 

Rendre plus difficile la présence d'illégaux au Royaume-Uni 

Ce que l'on sait peu, c'est que le gouvernement britannique a lancé en 2012 ce que l'on appelle de l'autre côté de la Manche: une politique "d'environnement hostile" qui cible les migrants illégaux. A l'époque, Theresa May était en charge du portefeuille de l'intérieur. Dans les archives de 2013, elle expliquait la philosophie de son projet: "On parle d’un projet très simple : on dit simplement que si tu n’as pas le droit d’être là au Royaume-Uni, donc ça ne devrait pas être possible pour vous de louer un bien. C’est une des propositions que nous faisons pour rendre plus difficile la présence d’immigrants illégaux au Royaume Uni". Selon elle, ce n'est pas juste la question de rendre le Royaume Uni plus hostile pour les illégaux, mais c’est aussi une question de justice.


►►► A lire aussi: Du Parc Maximilien au Royaume-Uni: quelle chance d'obtenir le statut de réfugié?


Combien sont-ils dans le pays? Difficile à dire: la BBC évoque cette fourchette: entre 300.000 et plus d'un million de personnes vivraient illégalement dans le pays. Cette politique cherche à inciter les médecins, les employeurs et les propriétaires à dénoncer les sans-papiers, sous peine d'amendes.

Axel Mitchelmore de la coupole d'associations IMIX

"Une politique cruelle et imprécise" 

Alex Mitchelmore travaille pour la couple d'associations de soutien aux migrants et réfugiés "IMIX". Ces associations bataillent contre cette politique: "La façon dont ça fonctionne, c’est de rendre la vie impossible au Royaume Uni pour les personnes que le gouvernement suspecte de ne pas avoir le droit d’être ici. Et ça se traduit par des faits comme empêcher l’accès des gens aux soins de santé, l’accès au marché de la location, ou encore d’avoir un compte en banque. Ce qui fait qu’on peut vivre quelque part. Et de cette manière, le Home Office prétend que les gens vont sortir du pays. Cependant le problème est que ça ne fonctionne pas, parce que c’est cruel, ce n’est pas précis et ça se termine par affecter des gens qui ont en fait le droit de vivre dans ce pays".

La Génération Windrush touchée par cette politique 

Comme par exemple la génération Windrush et ses descendants. Windrush fait référence à ce grand navire venu déposer des centaines de milliers de Caribéens au Royaume-Uni après la Seconde Guerre Mondiale jusqu'en 1973. L'idée était qu'ils aident les Britanniques à reconstruire le pays. En échange, ils pouvaient y vivre légalement. Mais le ministère de l’intérieur n’entreprend aucune démarche pour les recenser. Une erreur que certains paient, comme Michael Braithwaite aujourd’hui. Il fait partie de la génération Windrush: "Je vis à Londres depuis 57 ans, j’ai rejoint mes parents en 1961. Ils étaient déjà au Royaume Uni parce qu’ils sont venus aider à reconstruire Londres après la deuxième guerre mondiale. C’était la pagaille et ils avaient besoin de gens pour travailler, mon père est venu et a travaillé à la poste".

Michael Braithwaite de la génération Windrush
Michael Braithwaite de la génération Windrush © Tous droits réservés

On m'a dit que j'étais illégal 

Mais un jour, en 2016, on lui demande de passer un contrôle de sécurité. Il travaillait dans une école avec des enfants souffrants d'autisme ou d'autres problèmes psychologiques, puis on le convoque: "Il y avait un problème avec mon admissibilité à travailler ou même mon droit d’être dans le pays. Et un agent de l’immigration m’a dit que j’étais illégal à moins que j’aie une carte biométrique. Et pour ça, il me fallait des documents qui puissent retracer ma vie entre 1961 et 1973. Mais je ne pouvais même plus retrouver mes résultats. Et les écoles où je suis allé, n’avaient plus de documentations. Alors, en avril 2018, mon avocat a alors décidé de médiatiser l’affaire. Mon histoire a fait le tour des médias. Et le soir même où ça a été diffusé, le Home Office a appelé le journaliste pour dire que j’aurais immédiatement ma carte biométrique". 


►►► A lire aussi: Au Parc Maximilien au Royaume-Uni: Hell ou Eldorado?


Aujourd’hui les papiers de Michael sont en ordre. Mais il ne travaille plus. ce qui s’est passé à laisser des traces: "J’ai été détruit, j’ai perdu mon standing, j’ai perdu ma dignité. Et j’en souffre toujours. J’étais une personne très heureuse, je me levais le matin et je remerciais Dieu pour cette nouvelle journée mais maintenant il faut que je me réinvente. Et cela prendra du temps."

Un scandale, une démission et des excuses 

L’histoire de Michael et celle des autres qui oseront parler vont bousculer le gouvernement en avril 2018. La ministre de l’intérieur Amber Rudd est poussée à la démission et Theresa May présente ses excuses à la génération Windrush. 

En signe d'apaisement, on ne parle donc plus d'environnement hostile mais d'environnement conforme. Pour nos interlocuteurs, juste un changement de vocabulaire, mais qui ne changera rien dans la pratique. D’autant plus que le Brexit, quelle que soit la forme qu'il prendra, attend derrière la porte. 

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma... Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Tous les sujets de l'article

Articles recommandés pour vous