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Politique

Comment l'ultradroite antisémite veut tirer profit des Gilets jaunes

Tentant de profiter du mouvement des Gilets jaunes, les chapelles les plus antisémites de l'ultradroite, d'ordinaire rivales, se réunissaient samedi.

Valentin Pacaud , Mis à jour le
Yvan Benedetti, leader de l'Œuvre française, et Alain Soral.
Yvan Benedetti, leader de l'Œuvre française, et Alain Soral. © Sipa Press

"R. F : ce n'est pas République française, c'est Rothschild Frères!" Tonnerre d'acclamations. A la tribune, Yvan Benedetti, leader de l'Œuvre française, une ligue d'ultradroite dissoute en 2013 par Manuel Valls mais qui continue sans vergogne ses activités politiques. Cet activiste aux airs de Jacques Doriot, célèbre fasciste et collaborateur, avait donné rendez-vous à l'espace Jean-Monnet de Rungis (Val-de-Marne), samedi à 15 heures, au gratin de l'antisémitisme militant français. Des chapelles radicales d'ordinaire concurrentes, mais qui se rapprochent à l'occasion du mouvement des Gilets jaunes et tentent d'en profiter.

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A l'affiche, outre ­Benedetti : Jérôme Bourbon, directeur de l'hebdomadaire Rivarol et nostalgique de Vichy ; Hervé ­Ryssen, écrivain révisionniste condamné à de multiples reprises pour des propos antisémites ; et Alain Soral, condamné jeudi à un an de prison ferme pour le même motif. Annoncé, Elie Hatem, avocat et ancien frontiste se réclamant de l'Action française (AF), n'est pas venu. Près de 400 personnes ont répondu à l'appel.

Les Gilets jaunes les "rejoindront", pensent-ils

Intitulé de la conférence : "Gilets jaunes, la révolution qui vient". ­Benedetti, certes, se défend de toute récupération. "Mais il convient d'orienter le mouvement", indique-t-il, espérant que la révolution se fera dans la lutte "du travail contre les spéculateurs, des familles contre les transgenres et LGBT, et contre les cosmopolites". Dans la foule, un spectateur confirme : "L'épuration, c'est le point névralgique." Comprendre : l'épuration des Juifs, bien sûr. Dans les travées, la haine à leur égard n'a d'égale que la dévotion que les participants portent à Robert Faurisson, négationniste notoire décédé en octobre. "D'ici deux cents ans, il aura une statue à la place de l'obélisque", rêve, admiratif, un membre du Parti national-libéral, le mouvement politique d'Henry de Lesquen, racialiste militant. ­Blagues douteuses et envolées lyriques contre les politiques ou les journalistes, tous suspects, à leurs yeux, de soumission à Israël. Souvent, elles recueillent des rires. Et, toujours, des applaudissements.

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Leurs préoccupations [antisémites] ne sont pas au cœur des revendications. Cela ne marche même plus chez eux

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Objectif récupération? Nul ­besoin, semble penser Alain Soral : "Si on fait la révolution aujourd'hui, c'est parce que ça fait dix ans qu'on travaille sur ces problèmes médiatiques et politiques." Ils en sont persuadés : les Gilets jaunes les "rejoindront", affirme Soral, tout en dénonçant le manque d'intelligence de certaines figures du mouvement, à l'image de Maxime Nicolle, alias Fly Rider, "pas le plus performant", dit-il. La remarque n'est pas anodine. Dans les travées, on raconte que le fondateur d'Egalité & Réconciliation enrage de ne pas être reconnu comme l'inspirateur naturel de la mobilisation. Au contraire de ses anciens proches, comme Etienne Chouard, complotiste qui a débattu avec Nicolle et a été salué par l'Insoumis François Ruffin, ou Vincent Lapierre, journaliste indépendant apprécié des Gilets.

Il n'y aura pas de révolution sans "cocktails Molotov"

Il s'agit "d'une petite frange d'activistes, peu représentative des Gilets jaunes et simplement peu satisfaite de leur structuration", relativise Jean-Yves Camus, chercheur spécialisé sur l'extrême droite et directeur de l'Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès. "Leurs préoccupations [antisémites] ne sont pas au cœur des revendications, précise-t-il. Cela ne marche même plus chez eux."

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Pour autant, si la mouvance brune reste à la marge des Gilets jaunes, elle a décelé l'occasion de faire prospérer ses idées. De gagner en médiatisation. Voire d'envisager des passages à l'acte violents. Alors que l'acte X a semblé confirmer samedi une décrue des affrontements avec les forces de l'ordre, Hervé Ryssen, dans un dernier moment d'emportement, confie qu'il s'inquiète de voir le mouvement s'apaiser et renouer avec le dialogue. Un "piège", selon Soral. En somme, il n'y aura pas de révolution sans "cocktails Molotov", annonce Ryssen, sourire aux lèvres, presque joyeux.

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