Les clignotants sont au rouge. La Cour d’appel de Paris a estimé que la relation liant un chauffeur à Uber était bien un "contrat de travail". Une décision qui remet en cause la viabilité du modèle économique des plateformes en ligne reposant sur l'autoentrepreneuriat. Deliveroo, Heetch ou Uber vont devoir repenser leur modèle s'ils veulent survivre. 

L’étau judiciaire se resserre. Jeudi 10 janvier, la Cour d’appel de Paris a estimé que la relation liant un chauffeur au géant américain était bien un "contrat de travail". Une décision qui marque un véritable tournant pour Uber mais aussi Deliveroo ou Heetch qui ont développé leur modèle économique autour du statut d’autoentrepreneur des chauffeurs avec qui ils travaillent. Uber, qui vantait la flexibilité de son modèle, a finalement été rattrapé par la justice pour salariat déguisé.
Dans sa décision, consultée par l’AFP, la Cour d’appel mentionne "un faisceau suffisant d’indices" qui caractérise un "lien de subordination". Elle ajoute qu’"une condition essentielle de l’entreprise individuelle est (…) la maîtrise de l’organisation de ses tâches, sa recherche de clientèle et de fournisseurs", et constate que le chauffeur ne fixait "pas librement ses tarifs ni les conditions d’exercice de sa prestation de transport". À l’annonce de cette décision, Uber a indiqué se pourvoir en cassation.
"C’est la mort de l’uberisation"
Le cas de ce chauffeur, Maximilien Petrovic, n’est pas isolé. Une pile d’une dizaine de dossiers similaires attendait déjà sur le bureau du conseil des Prud’hommes avant même la décision de la Cour d’appel de Paris. Des centaines d’autres, chauffeurs ou livreurs, vont pouvoir s’engouffrer dans la brèche et demander une requalification de leur contrat en CDI. Procédure que les plateformes ne pourraient économiquement pas assumer.
"C’est la mort de l’uberisation", estime Jérôme Pimot, livreur à vélo et membre fondateur du Collectif des livreurs autonomes de Paris (CLAP), "ces plateformes n’ont plus d’avenir sous cette forme". Déjà en décembre, la Cour de cassation avait requalifié en contrat de travail la relation entre la plateforme Take Eat Easy, aujourd’hui fermée, et un livreur. Dans plusieurs pays, Uber a subi des déboires similaires, mettant en danger son modèle.
Le gouvernement veut combler le vide juridique
Face à ces risques, les plateformes vont devoir "réviser leur modèle", estime l’avocat Thierry Vallat dans Capital, "Soit certaines vont progressivement faire le choix de signer de vrais contrats de travail avec leurs chauffeurs et livreurs, soit elles vont s’arranger pour faire diminuer toute trace de ce qui s’apparente à de la subordination".
Mais le problème est complexe, car certains chauffeurs veulent garder une forme de flexibilité tout en demandant de meilleures conditions de travail. "La plupart de ces travailleurs ne veulent pas devenir salariés", assure, dans les colonnes de Libération, Géraldine Cornette de la CFDT.
Face aux derniers rebondissements judiciaires, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, va engager des discussions avec les parlementaires, les plateformes et les organisations syndicales pour intégrer un dispositif juridique dans le projet de loi d’orientation des mobilités. Cet été, un député LREM avait proposé, dans un amendement, d’obliger les plateformes à rédiger une "charte sociale". Cette proposition, qui a finalement été rejetée par le Conseil constitutionnel, avait été vivement critiquée car renforçant la zone grise entre salarié et indépendant. 
Marina Fabre @fabre_marina

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